Le récit suivant a été transmis à Chabad.org par le rabbin Aryé Sufrin, directeur exécutif du centre ‘Habad Loubavitch d’Essex , en Angleterre, quelques minutes après avoir appris le décès de la reine Elizabeth.

En 2009, j’ai été honoré par Sa Majesté la reine Elizabeth d’une distinction, le MBE, « Member of the British Empire ».

La préparation de cet événement fut longue, avec de nombreux préparatifs et des discussions avec le Palais. Il y a beaucoup de communication entre le Palais et toute personne rencontrant la reine.

Ce fut un moment très spécial pour moi. À cette époque de l’année, on nous dit que D.ieu, « le roi », est « dans les champs », accessible à tous, accueillant chacun avec un visage souriant.

Ici, au Royaume Uni, cette allégorie nous parle parce que nous avons un monarque. La reine faisait des promenades. Je l’ai rencontrée en d’autres occasions également. Mais c’est très différent de la rencontrer formellement, à l’intérieur du palais.

Il y avait ce jour-là 70-80 personnes qui reçurent des distinctions. Mon nom commence par un « S » et les choses étaient faites par ordre alphabétique. Nous avons donc attendu plusieurs heures avant de pouvoir rencontrer la reine. Nous avons passé une grande partie de ce temps à recevoir le protocole. Nous devions nous adresser à elle la première fois en l’appelant « Sa Majesté », puis en l’appelant « Madame ».

Et comment savez-vous que votre entretien est terminé ? Elle tend la main pour serrer la vôtre. J’étais déjà au courant et j’étais soucieux. Je leur avais déjà dit que je ne serre pas la main des femmes pour des raisons religieuses. Et cela me trottait dans la tête. Que ferais-je si elle me tendait la main ? Je ne pouvais pas refuser à la reine.

Or, on ne pouvait pas savoir à l’avance si les décorations seraient remises par elle, son mari, son fils ou sa fille (et, depuis peu, même son petit-fils).

Dans mon esprit, j’espérais que ce serait le prince, auquel cas je n’aurais aucun problème.

Mais ensuite, alors que nous attendions, j’ai vu sur l’écran de télévision la reine entrer dans la pièce. J’ai alors espéré qu’elle porterait peut-être des gants. Ce n’était pas le cas.

Nous avons regardé et vu comment se déroulait chaque rencontre. Bien sûr, elle serrait la main de chaque personne pour signaler la fin de la rencontre. J’étais de plus en plus nerveux.

Le moment arriva. Je me tenais devant la reine.

Elle m’interrogea sur notre nouveau bâtiment. Je n’étais pas sûr de ce qu’elle voulait dire puisqu’il y avait plus d’un bâtiment. Elle a dit : « Mon fils Edward n’a-t-il pas inauguré un bâtiment pour vous ? » Elle avait raison. Trois ans plus tôt, nous avions ouvert une suite de bureaux pour un programme appelé Drugsline, et maintenant je recevais ce prix pour mon travail de prévention de la toxicomanie, d’éducation en matière de drogues et de services à la région en général.

J’avais complètement oublié, mais elle avait fait ses recherches. Elle a dit que cela devait être très gratifiant d’aider les gens de cette manière, ce qui est le cas. Nous avons eu une conversation animée sur la toxicomanie et les défis à relever.

Je suis resté plus longtemps que d’autres (nous avons obtenu plus tard des photos et une vidéo), mais à la fin, elle a incliné la tête et s’est légèrement reculée, et j’ai su qu’il était temps de m’éloigner.

J’ai réalisé qu’elle avait fait d’énormes recherches, non seulement sur mes projets mais aussi sur mes impératifs religieux personnels.

Elle était capable de retenir ces connaissances et de se souvenir de qui était qui. J’étais habillé de façon particulière, et il ne lui a pas échappé que j’étais un rabbin, mais elle savait quoi faire.

Comme beaucoup de Britanniques, j’ai une grande affection pour la famille royale et je lui ai écrit de nombreuses fois sur des sujets personnels, heureux ou tristes. Et j’ai toujours reçu de belles lettres en retour.

Je me suis toujours sentie honoré d’avoir vécu cette expérience. Et je m’en suis servi pour illustrer la parabole ‘hassidique du roi dans les champs en cette période de l’année. Nous pouvons nous identifier à cela et comprendre la bénédiction que nous faisons en voyant un roi, en bénissant D.ieu qui « a donné de Sa gloire à un être de chair et de sang ».

J’ai le sentiment que son respect pour la communauté juive était très spécial, et je suis attristé que ce jour soit arrivé.