Dans un discours du Rabbi Rachab prononcé lors d’un rassemblement de Sim’hat Torah et déjà publié dans Torat Chalom (p. 190), celui-ci commence par évoquer l’importance des commandements : « toutes les mitsvot se rapportent à l’essence. » Il explique également le concept de l’union qui descend « du haut vers le bas » et de l’union qui monte « du bas vers le haut ».

Lorsque l’on étudie cela de manière superficielle, cela semble traiter exclusivement de questions spirituelles. Mais en vérité, c’est à prendre au sens simple et physique : cela parle de l’accomplissement physique des commandements rituels. C’est à propos de la mise en œuvre physique des commandements que nous disons qu’ils se rapportent à l’essence : l’essence même de D.ieu se trouve dans chaque mitsva.

Dans la mesure où « une essence est indivisible » et que « lorsqu’on saisit une partie de l’essence, on la saisit dans son intégralité » comme nous l’avons expliqué en détail plus haut, il en résulte que dans chaque mitsva individuelle se trouve l’essence entière, dans son être même (עצמות כמו שהוא ממש).

C’est la raison pour laquelle « celui qui est occupé par une mitsva n’est pas tenu de faire une autre mitsva » (Talmud, Soukkah 25a). Il est expliqué dans la ‘Hassidout que cela est dû au fait que chaque mitsva englobe toutes les autres mitsvot, et que par conséquent, à travers une mitsva, on atteint également la révélation de l’autre mitsva.

Ceci peut être expliqué de la manière suivante – je n’ai pas vu cela explicitement dans la ‘Hassidout, mais c’est ainsi que le concept semble fonctionner :

Le fait que l’essence même se trouve dans chaque mitsva signifie que chaque mitsva est une partie de l’essence ; l’essence dans son être même, qui est partout la même, est investie dans chaque mitsva individuelle. Ceci est analogue à ce qui a été expliqué plus haut à propos de la vitalité corporelle, à savoir qu’il existe une essence vitale unique qui est investie dans tous les membres du corps. Il en est de même en ce qui concerne les mitsvot : l’essence même dans son être même est investie dans chaque mitsva. Par conséquent, au moment où l’on accomplit une mitsva, on a ainsi saisi la même essence que celle que l’on saisit à travers une autre mitsva, et par conséquent, celui qui est occupé par une mitsva n’est pas tenu de faire une autre mitsva.

On peut s’interroger sur ce point en se basant sur l’histoire du Zohar (III, 186a) selon laquelle le yanouka sut que quelqu’un n’avait pas lu le Chéma à l’odeur de ses vêtements. La raison pour laquelle il n’avait pas lu le Chéma était qu’il collectait de l’argent pour une jeune fiancée nécessiteuse, et la règle veut qu’une personne occupée à une mitsva ne soit pas tenue de faire une autre mitsva. Apparemment, selon l’explication ci-dessus selon laquelle à travers la mitsva qu’il avait effectivement accomplie il avait saisi l’essence dans son être même tout autant qu’il l’aurait fait via la seconde mitsva, on ne comprend pas pourquoi le yanouka reconnut qu’il n’avait pas lu le Chéma. Il n’était certainement pas dépourvu de l’émanation qui découle de la lecture du Chéma ?

On le comprendra en commençant par une explication de l’aphorisme du Baal Chem Tov, qui a déjà été mentionné : « Lorsqu’on saisit une partie de l’essence, on la saisit dans sa totalité. » Nous avons expliqué plus haut que puisque l’essence est indivisible, l’essence se trouve dans chacune de ses parties. Pourtant, cela expose une contradiction inhérente. S’il est vrai que « l’essence est indivisible », comment peut-on dire que « l’on saisit une partie de l’essence », ce qui implique qu’elle est effectivement divisible en parties ?

L’explication est que, puisque l’essence divine est omnipotente – D.ieu est Celui pour qui l’impossibilité est exclue (נמנע הנמנעות) –, Il a pris Son être même, l’essence dans son être même, et l’a investi dans un être différencié, c’est-à-dire que l’essence a différencié le soi divin du soi divin (ער האט זיך אליין מבדיל געווען פון זיך), pour ainsi dire. Cela signifie qu’en vertu de sa toute-puissance, l’essence s’investit au sein d’un être différencié, d’une manière d’une union non discernable (דביקות בלתי ניכרת).

L’essence ne s’est pas investie au sein des choses qui s’attachent à D.ieu de manière reconnaissable. Dans ces choses, il n’y a que lumière et révélation extériorisées, et sans les êtres différenciés, l’essence reste intangible. Où l’essence s’est-elle investie ? Au sein des êtres différenciés. C’est précisément au sein des êtres dont l’union avec D.ieu n’est pas discernable que l’essence s’est investie.

Pourquoi l’essence s’est-elle investie spécifiquement dans un être différencié, et non dans les choses qui s’attachent à D.ieu de manière reconnaissable ? C’est parce qu’il en a été ainsi dans la volonté divine, que telle est l’intention de l’essence « qu’Il ait une demeure pour Lui-même dans les royaumes inférieurs » (Tanya, chapitre 36), qu’Il demeure avec toute Son essence et tout Son être au sein des êtres différenciés.

C’est là le concept de « partie » : bien que l’essence même, dans son être, se trouve dans chacune des parties, chacune d’entre elles reste néanmoins une simple partie. Et cette différenciation se fait à partir de la forme et de l’image telles qu’elles sont apparues dans la volonté d’être de l’essence, de telle sorte que chaque forme et chaque image sera différente des autres, et en vertu de cette différenciation, chaque partie est en effet simplement une partie.

Cela signifie que les deux choses sont vraies : au niveau manifeste, la partie se présente de manière différenciée, et est donc décrite comme une simple partie ; mais en vérité, puisque « l’essence est indivisible », en saisissant la partie « on saisit l’essence dans sa totalité ».

Nous pouvons ainsi comprendre le sens des mitsvot. Il est né de la volonté essentielle que l’essence divine soit investie dans 613 mitsvot physiques, dans des tsitsit en laine, des téfiline en parchemin, etc. Chaque objet physique est différent de l’autre, et la manière dont l’essence est investie dans chaque mitsva physique correspond à ces différenciations spécifiques. C’est pourquoi l’essence telle qu’elle est investie dans cette mitsva est décrite comme une « partie » ; mais puisque l’essence y est investie, et puisque l’essence est indivisible, on saisit néanmoins à travers cette mitsva la totalité de l’essence dans son être même.

Il s’ensuit que le Zohar cité ci-dessus ne contredit pas la notion selon laquelle l’essence entière est saisie dans chaque mitsva. La raison pour laquelle le yanouka était néanmoins capable de sentir que la mitsva de lire le Chéma n’avait pas été accomplie est due à la forme particulière de la mitsva dans laquelle l’essence s’est investie. Puisque chaque forme est différente des autres, il s’ensuit que le yanouka pouvait discerner que le Chéma n’avait pas été lu, parce que la mitsva de collecter de l’argent pour une fiancée nécessiteuse a une forme et une manière différentes de la mitsva de lire le Chéma. Malgré cette différence, « quiconque est occupé par une mitsva n’est pas tenu de faire une autre mitsva », car au moment où l’on accomplit la mitsva, on révèle l’essence telle qu’elle est investie dans la forme de la lecture du Chéma, et l’essence dans son être est la même partout, de sorte que « quiconque est occupé par une mitsva n’est pas tenu de faire une autre mitsva ».

En conséquence, nous pouvons comprendre pourquoi l’accomplissement rituel de la mitsva transcende l’intention spirituelle de la mitsva. Bien sûr, il faut avoir les deux éléments, l’accomplissement corporelle de la mitsva et l’intention de la mitsva, qui est l’âme de la mitsva, comme il est dit « une mitsva sans intention est comme un corps sans âme ».

Nous voyons cependant que l’essentiel est l’accomplissement de la mitsva. Lorsque l’on accomplit concrètement la mitsva, mais que l’intention fait défaut, l’âme est certes absente, ce n’est pas la meilleure forme de la mitsva, mais l’on est néanmoins quitte de son obligation. Alors que si l’on a toutes les intentions mais que l’on n’accomplit pas concrètement la mitsva telle que rituellement prescrite, il manque plus qu’un élément particulier de la mitsva : c’est toute la mitsva qui manque.

La raison en est que l’accomplissement de la mitsva, le corps de la mitsva, est une entité différenciée et une union non discernable. À l’inverse, l’intention de la mitsva, l’âme de la mitsva, est une union manifeste. Et nous avons expliqué plus haut qu’il est né dans la volonté divine l’intention de s’investir spécifiquement dans un état d’union non discernable, et c’est spécifiquement là que se tient l’essence, ainsi c’est l’accomplissement de la mitsva qui est d’importance primordiale.