Nous avons dit précédemment que de la Torah est constamment créée par ses étudiants. Mais comment cela peut-il être possible, si la Torah est une instruction divine ?
Une réponse simple est que la Torah donne des principes généraux, et c’est à nous de comprendre comment ces principes s’appliquent à de nouvelles situations au fur et à mesure qu’elles se présentent.
Par exemple, à mesure que la technologie progresse, des questions apparaissent. La Torah dit : « Vous n’allumerez pas de feu dans toutes vos habitations le jour du Chabbat. »1 Cela inclut-il le fait de tourner la clé de contact d’une voiture à combustible fossile ? (Consensus : oui.)
Et le fait d’actionner un interrupteur électrique ? (Consensus : Probablement pas, mais néanmoins interdit pour d’autres raisons.)
Ou le fait de chauffer le filament de carbone d’une ampoule à incandescence, pour qu’il brille ? (Consensus : Interdit par deux avis : l’un que c’est un feu, l’autre que chauffer du métal jusqu’à son point d’incandescence est considéré comme cuire.2)
Peut-on laisser les appareils électriques continuer à fonctionner pour nous le Chabbat sans notre intervention ? (Consensus : dans les bonnes conditions, oui).
Dans le domaine de l’éthique médicale également, comme de nouvelles situations se présentent presque quotidiennement, les précédents de la Torah guide et éclairent les rabbins dans ce domaine également.
De même, lorsque la Torah nous raconte une histoire afin d’enseigner une leçon. À chaque génération, nous devons déterminer quelle est la leçon pertinente pour cette époque.
Mais comment pouvons-nous appeler ces applications elles-mêmes de nom de « Torah » ? Il semblerait qu’elles relèvent de notre propre sagesse et non de la sagesse divine.
Une réponse à cela se trouve dans la Torah elle-même. Moïse décrit l’événement de D.ieu parlant au Mont Sinaï en ces termes : « Il y eut une grande voix et elle ne s’est jamais arrêtée. »3
Les derniers mots de ce verset – velo yassaf – ne sont pas seulement ambigus mais contiennent deux significations opposées. Ils pourraient signifier « et elle ne s’est jamais arrêtée ». Mais ils peuvent également signifier « et elle ne s’est jamais répétée ».4
Les deux sont vrais. Le Midrash5 explique :
Rabbi Its’hak dit :
Ce que les prophètes étaient destinés à prophétiser à chaque génération, ils l’ont reçu du mont Sinaï. Car c’est ce que Moïse a dit à Israël : « Pour ceux qui se tiennent ici avec nous aujourd’hui… et ceux qui ne sont pas ici avec nous aujourd’hui. »
Il n’a pas dit : « Ceux qui ne se tiennent pas ici avec nous aujourd’hui », mais simplement « ceux qui ne sont pas avec nous aujourd’hui ». C’est parce qu’il parlait des âmes qui étaient destinées à être créées mais qui étaient encore sans substance. De celles-ci, on ne pouvait pas dire qu’elles se tenaient là, et pourtant elles aussi, chacune, reçurent ce qui leur revenait.
C’est ainsi qu’il est dit : « Énoncé de la parole de D.ieu dans la main de Malachie ».6 Non pas « aux jours de Malachie », mais « dans la main de Malachie ». Car la prophétie était déjà dans sa main depuis l’événement du mont Sinaï. Seulement, il ne lui était pas permis de prophétiser jusqu’à ce que le temps de la prophétie arrive.
La même chose est dite au sujet d’Isaïe : « Du jour où l’événement s’est réalisé, j’étais présent. »7
Isaïe disait que depuis le jour où la Torah a été donnée au Sinaï, j’étais là, et là j’ai reçu cette prophétie. C’est seulement que « et maintenant, Hachem, D.ieu, m’a envoyé et Son esprit. »8 Ce qui signifie que, jusqu’à présent, on ne m’a pas accordé la permission de prophétiser.
Ce ne sont pas seulement les prophètes qui ont reçu leur prophétie du Sinaï, mais aussi tous les sages qui ont surgi à chaque génération. Chacun a reçu ce qui lui appartient du Sinaï.
C’est ainsi qu’il est dit : « Toutes ces choses, D.ieu les a dites à toute votre assemblée, une grande voix qui ne s’arrête jamais. »9
Dans chaque génération, dans chaque lieu où la Torah est étudiée, le Sinaï se produit encore, et encore, et encore, avec chaque nouvelle découverte, chaque éclair de sagesse et de perspicacité qui n’avait jamais été connu auparavant. Chacune de ces découvertes est un déploiement de la même voix, chacune étant nécessaire à ce moment et à cet endroit.
La semence de la Torah a été plantée avec l’événement du Sinaï, et l’ADN de cette semence continue de se déployer.On pourrait dire que la semence de la Torah a été plantée avec l’événement du Sinaï, consignée dans les Cinq Livres de Moïse, mais que la voix du Sinaï continue d’être entendue dans chaque génération, car les étudiants de la Torah déploient l’ADN de cette semence, découvrant de nouvelles significations qui avaient de toujours été signifiées, et de nouvelles applications qui étaient de toujours latentes dans la Torah.
Cependant, il y a un avertissement inquiétant à cette entreprise. Le Zohar prévient que celui qui dit que quelque chose est de la Torah alors que ce n’est pas le cas a créé une idole.10 Cela a du sens si l’on considère que la Torah est la sagesse divine. Tout comme créer une idole et prétendre qu’elle est l’image de D.ieu est un dangereux mensonge, il en est de même s’agissant d’énoncer ses propres idées et les appeler « Torah ».
C’est pourquoi Rabbi Moché Cordovero enseigna : « Lorsque vous émettez des idées et que vous les analysez avec votre intellect afin de les comprendre, vous devez prendre soin de concevoir l’idée et de l’expliquer dans le cadre de la tradition des rabbins et de leurs paroles concises. Les idées originales doivent être incluses dans ce que vous avez acquis, que ce soit beaucoup ou peu. »11
Alors, oui, c’est dangereux, mais c’est une nécessité. Vous n’avez pas vraiment appris la Torah tant que vous n’êtes pas capable de discerner de nouvelles explications, significations et applications de votre propre chef. Comme le raconte le Talmud :
Il arriva que Rabbi Yo’hanane ben Beroka et Rabbi Elazar ben ‘Hisma allèrent saluer leur maître Rabbi Yehochoua à Peki’in.
Il leur dit : « Quelles sont les innovations qui ont surgi dans votre salle d’étude ? »
Ses disciples répondirent : « Nous sommes tes disciples, et nous buvons à tes eaux ! ».
Il leur répondit : « Néanmoins, il ne peut y avoir de salle d’étude de la Torah sans innovation. »12
En effet, le grand kabbaliste, Rabbi Its’hak Louria, enseigna que chaque âme juive qui vient en ce monde est capable d’innover en Torah, et doit le faire pour sa propre réalisation.13
L’originalité et l’innovation sont des éléments cruciaux de l’étude de la Torah, tant que la tâche est abordée avec appréhension et crainte, car il s’agit, après tout, d’une tâche divine.

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