La tradition juive enseigne que Moïse a écrit les Cinq Livres de Moïse. On trouve des allusions à ce sujet à plusieurs endroits du texte, et encore plus explicitement à Josué 1,7-8. Seize occurrences dans le Tanakh font référence à « la Torah de Moïse ».
Pourtant, nous ne pouvons pas vraiment qualifier Moïse d’« auteur » de la Torah. En vérité, aucun prophète n’est son propre auteur. Certains, comme David, ont pu dire : « L’esprit de D.ieu a parlé en moi et Sa parole est sur ma langue ».1 Il ne se sentait rien de plus qu’un conduit permettant au divin d’entrer dans ce monde. D’autres ont reçu d’En Haut des visions ou des rêves afin qu’ils puissent transmettre un message au peuple.2
Il n’y avait pas de sens du moi dans les paroles de Moïse – comme nous le voyons, il se réfère à lui-même à la troisième personne.Mais la prophétie de Moïse se situe à un tout autre niveau. Ses paroles n’étaient pas enveloppées d’allégories et de métaphores mais étaient des instructions directes, des articulations précises de la voix divine qui précéda l’univers. Il n’y avait aucun sens du moi dans les paroles de Moïse – comme nous le voyons, il se réfère à lui-même à la troisième personne, décrivant sa naissance et les événements de sa vie objectivement, comme s’il parlait de quelqu’un d’autre.3
C’est ce que D.ieu veut dire lorsqu’il dit à Miriam et Aaron : « C’est bouche à bouche que Je lui parle ».4 C’est également ce que veut dire le Talmud lorsqu’il affirme que « D.ieu dictait et Moïse écrivait ».5
Qu’en est-il des huit derniers versets de la Torah, qui décrivent la mort de Moïse ? Le Talmud rapporte deux opinions.6 Rabbi Yehouda affirme que ces derniers versets ont été écrits par Josué, l’élève et le successeur de Moïse. Rabbi Shimon est d’un avis différent et dit : « Jusqu’à ce point, le Saint, Béni soit-Il, dictait et Moïse répétait après Lui et écrivait le texte. À partir de ce point, le Saint, Béni soit-Il, dictait et Moïse écrivait avec des larmes. »

Quand Moïse a-t-il écrit la Torah ?
Quand Moïse a-t-il écrit tout cela ? Le Talmud donne deux opinions sur ce sujet également. L’une est qu’il a écrit des rouleaux séparés au fur et à mesure que les choses se déroulaient au cours de la période de quarante ans dans le désert, et qu’il ne les a cousus ensemble qu’à la fin de sa vie. L’autre est qu’il a écrit les cinq livres à la fin de sa vie.7
Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, l’origine divine de la Torah était incontestée. Les érudits et les hommes d’État européens la citaient bien plus que toute autre source, car elle était considérée comme un texte de la plus haute autorité. C’est pourquoi la plupart de ce que nous considérons comme les « valeurs des Lumières » trouvent leur source dans la Torah.8
Aux 18e et 19e siècles, certains érudits laïques ont tenté de dater la rédaction de la Torah à une époque beaucoup plus tardive. Le plus connu d’entre eux était Julius Wellhausen, qui affirmait qu’il s’agissait d’un faux, l’œuvre de prêtres canonisateurs dans les premières années du second Temple, assemblant des écrits de plusieurs traditions. C’est ce qu’on appelle généralement « l’Hypothèse documentaire », une tentative de reconstruire l’évolution du texte, un peu comme si l’on essayait de démêler une entité que l’on considère comme un œuf brouillé.
Aucune preuve externe n’a été produite pour soutenir cette hypothèse, et bien au contraire, la syntaxe et le format de centaines de milliers de documents anciens du Proche-Orient découverts à une époque plus récente sapent bon nombre de ses propositions.9 Nous sommes maintenant en mesure de retracer les textes tels qu’ils sont modifiés au fil des âges, et aucun amalgame de ce genre n’a été trouvé.
Pour ce qui est des preuves internes – c’est-à-dire provenant du texte lui-même –, le pouvoir explicatif de l’hypothèse soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses, et les commentaires traditionnels abordent la plupart de ces problèmes de manière plus satisfaisante. De plus, nous savons maintenant que ce que l’on considérait auparavant comme des anomalies du texte indiquant l’existence de plusieurs auteurs, comme les changements grammaticaux et les répétitions, sont en fait assez courants dans les documents du Proche-Orient ancien.
En outre, il n’a jamais été précisé à qui profiterait exactement cette conspiration, puisque la Torah impose des restrictions et des reproches à presque tout le monde, ni pourquoi quelqu’un tomberait dans le panneau.
L’hypothèse n’a jamais été sans détracteurs érudits, et elle a été sérieusement attaquée ces dernières années par plusieurs experts, dont le principal égyptologue de l’époque de Ramsès, Kenneth A. Kitchen, qui affirme que l’absence d’anachronisme, les détails descriptifs et la précision démontrent que l’œuvre n’a pu être composée que de manière contemporaine.10 James K. Hoffmeier est un autre égyptologue très respecté qui a publié des ouvrages en faveur d’une lecture contemporaine.11 Plusieurs universitaires ont même affirmé que les chercheurs ne s’accrochent à ce paradigme qu’en raison du pouvoir qu’il confère à ses tenants.12
La tradition juive selon laquelle la Torah fut écrite par Moïse, en revanche, a été le consensus universel des juifs et des chrétiens jusqu’à la fin du XVIIe siècle. La tradition juive est une chaîne ininterrompue, et elle a toujours été la connaissance publique d’une grande masse de personnes – ce qui est extrêmement difficile à falsifier. Comme toutes les autres hypothèses ne sont que spéculatives, il est logique de s’en tenir à la tradition.

Qui a écrit le reste des livres de la Torah ?
Qu’en est-il des autres livres du Tanakh qui sont également appelés « Torah » ? Voici une liste de leurs auteurs selon le Talmud13 :
- Josué : Josué, complété par Pin’has.
- Juges et Ruth : Samuel
- Samuel : Samuel, complété par Gad le Voyant et Nathan le Prophète.
- Psaumes : David, recueillant ses propres cantiques ainsi que ceux de dix anciens : Adam, Melkitsédek, Abraham, Moïse, Héman, Yedoutoun, Assaf et trois fils de Kora’h.
- Job : Moïse
- Rois : Jérémie
- Jérémie, Livre des Rois, Lamentations (Eikha) : Jérémie.
- Isaïe : transcrit et conservé par Ezéchias et ses collègues.
- Proverbes, Cantique des Cantiques, Ecclésiaste (Kohelet) : composés par Salomon, transcrits et conservés par Ezéchias et ses collègues.
- Ézéchiel, les Douze Prophètes, Daniel et le rouleau d’Esther : les Membres de la Grande Assemblée (pendant l’exil babylonien).
- Livre d’Ezra et Chroniques : Ezra, complété par Néhémie.

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