Le commandement de la Torah de porter les téfiline est assez énigmatique : « Tu les attacheras comme un signe sur ta main et ils seront comme des ornements entre tes yeux »1 C’est la Tradition Orale qui comble les manques et décrit ce à quoi ressemblent les téfiline et comment les fabriquer. Le Talmud énumère dix détails sur la fabrication des téfiline qui sont halakha léMoché miSinaï, des traditions données à Moïse au Sinaï. L’un d’eux est qu’il doit y avoir des shins saillants formés par les plis du cuir sur les côtés droit et gauche du téfiline de la tête.2

Mais ce qui est peut-être plus intrigant, c’est qu’il existe une tradition remontant au début de la période guéonique (qui s’étendit approximativement de 589 à 1000 de l’ère commune), consignée dans l’ouvrage Chimoucha Rabba, selon laquelle le shin à la droite du porteur doit avoir trois têtes, et le shin à sa gauche doit avoir quatre têtes.3 Le shin à quatre têtes est également mentionné dans le Zohar.4

Bien que les raisons de ces lois ne soient pas nécessairement connues, les commentaires offrent un certain nombre d’explications possibles pour le shin ordinaire et le shin à quatre têtes.

Deux types de lettres

Certains expliquent que les deux shins correspondent aux deux façons dont une lettre peut être formée : écrite ou gravée. Moïse écrivit la Torah dans un rouleau et reçut également les 10 Commandements gravés sur les deux tables sur le mont Sinaï.

Lorsque la lettre shin est écrite dans un rouleau de la Torah, l’encre est appliquée pour créer trois têtes. Cependant, lorsqu’il s’agit de graver, les lettres sont essentiellement faites d’air, représentant les dimensions ésotériques de la Torah. La façon de graver la lettre shin est d’utiliser un cadre de quatre segments, créant ainsi un shin à quatre têtes.5

Le nombre sept

Le Zohar explique que les shins à trois et quatre têtes forment ensemble le nombre sept. Cela correspond aux sept branches de la Ménora dans le Saint Temple, qui correspondent à leur tour aux sept bénédictions du Chéma (trois bénédictions dans le Chéma du matin et quatre bénédictions dans le Chéma du soir).6

La mitsva des téfiline se trouve dans le Chéma lui-même, et il convient de réciter le Chéma en portant les téfiline.

Le Zohar explique également que les téfiline correspondent à d’autres sept, comme les sept jours de la semaine et les sept sefirot, les attributs divins.7 Lorsque nous mettons les téfiline, nous relions nos propres attributs à la divinité et nous canalisons cette énergie divine dans nos vies.

Les Patriarches et les Matriarches

Le shin à trois têtes correspond aux trois Patriarches : Abraham, Isaac et Jacob. Et le shin à quatre têtes correspond aux quatre Matriarches : Sarah, Rébecca, Rachel et Léa.8

Les 613 mitsvas de la Torah

Ailleurs, le Zohar explique que le commandement des téfiline équivaut à la Torah entière,9 et que toutes les mitsvas de la Torah sont évoquées dans les deux shins10 :

La lettre shin a la valeur numérique de 300. Ainsi, deux shins font 600.

En assemblant les deux shins, on obtient le mot שש, qui signifie « joie » (nous rappelant d’accomplir cette mitsva et toutes les autres avec joie). Elle a également la valeur numérique de 6 (si l’on calcule la valeur de chaque lettre mais que l’on élague tous les zéros, une méthode connue sous le nom de mispar katane [« la petite valeur »]).

En additionnant les têtes des deux shins, on obtient 7.

Au total, nous avons 600 + 6 + 7 = 613 mitsvas !

(C’est d’ailleurs la source de la coutume de regarder les shins des téfiline lorsqu’on les met ou les enlève, pour nous rappeler toutes les mitsvas de la Torah).

Le nom de D.ieu

Le shin des téfiline de la tête fait partie du Nom de D.ieu ש-ד-י (Shakkaï), qui est formé avec le dalet du nœud des lanières du téfiline de la tête et le nœud en forme de youd du téfiline du bras.11

Expliquant le verset du Deutéronome « Et tous les peuples de la terre verront que le Nom de D.ieu est proclamé sur toi, et ils te craindront »,12 le Talmud13 explique que cela fait référence aux téfiline portés sur la tête.

Ainsi, certains14 expliquent que le Nom de D.ieu est évoqué dans la lettre shin du téfiline de la tête lui-même.

L’un des codes de substitution monoalphabétique les plus anciens et les plus courants utilisés par les mystiques (et que l’on retrouve même dans les Écritures15 ) est connu sous le nom de at-bash. Dans le at-bash, la première lettre du alef-bet (alef) est échangée avec la dernière lettre (tav), la deuxième lettre (beth) avec l’avant-dernière lettre (shin), et ainsi de suite. (Les deux premières paires de substitutions forment les mots at-bash).

Si l’on devait écrire le nom de D.ieu en utilisant at-bash, le résultat serait les lettres מ צ פ צ (mem, tsadik, pé, tsadik). Toutes ensemble, ces lettres sont égales à 300 (40+90+80+90=300), qui est la valeur numérique de la lettre shin.

Le shin est donc le reflet du nom de D.ieu, qui frappe de terreur le cœur des malfaisants et protège celui qui le porte. En effet, lorsque nous mettons les téfiline, cette mitsva apporte la sécurité à nos frères juifs, et par extension la paix au monde entier.