Il semble que l’antisémitisme soit partout de nos jours, et qu’il devienne presque acceptable. Pourquoi tant de gens détestent-ils les Juifs ? Pourquoi l’antisémitisme prospère-t-il encore aujourd’hui, même dans la société moderne ? Et que pouvons-nous faire à ce sujet ?

Réponse :

L’analyse la plus profonde de l’antisémitisme se trouve dans un passage du Talmud d’une simplicité trompeuse qui traite de l’histoire de Pourim, et sa sagesse est toujours d’actualité.

Haman était un ministre antisémite de la Perse antique qui voulait voir les Juifs anéantis. Il proposa au roi Assuérus de lui verser une forte somme en échange de la permission de réaliser son vil projet. Le roi répondit : « Garde ton argent et fais ce que tu veux des Juifs ! »

Le Talmud utilise une parabole pour expliquer la réponse du roi :

Un fermier avait un problème. Il y avait un gros monticule de terre au milieu de son champ. Son voisin avait un autre problème : il avait un fossé au milieu de son champ. Le propriétaire du fossé vit le monticule et pensa : « Je suis prêt à payer pour que son monticule remplisse mon fossé. » Le propriétaire du monticule pensa : « Je suis prêt à payer pour jeter mon monticule dans son fossé. » Les deux se rencontrèrent finalement, et le propriétaire du fossé demanda à acheter le monticule. Le propriétaire du monticule lui répondit : « Prends-le gratuitement ! »

Dans la même veine, lorsque Haman proposa de payer Assuérus pour débarrasser son royaume des Juifs, le roi répondit : « Vas-y ! Inutile de payer. » Assuérus voyait les Juifs comme un monticule qui prenait de la place dans son royaume, mais ce que voyait Haman, c’était un fossé creux, un trou profond.

Et c’est là l’histoire de l’antisémitisme.

Assuérus et Haman représentent deux couches de haine, l’une consciente et l’autre, inconsciente. En surface, les antisémites détestent les Juifs parce qu’ils sont un monticule. Mais au fond, ils détestent les Juifs parce qu’ils détestent le fossé.

Les antisémites font toutes sortes de déclarations contradictoires sur les raisons de leur haine des Juifs. Les Juifs sont riches et possèdent tout, ou les Juifs sont pauvres et apatrides ; ils sont des extrémistes religieux ou des cosmopolites laïques ; ils s’assimilent ou ils restent séparés. Ceux qui détestent les Juifs disent : « Retournez en Israël ! », et aussi : « Sortez de Palestine ! ». Ils disent : « Les nazis auraient dû finir le travail », et aussi : « La Shoah n’a jamais eu lieu ».

Toutes ces accusations disent en réalité la même chose : les Juifs sont un monticule dans notre champ. Vous entravez notre chemin. Vous n’avez rien à faire ici. Vous êtes un obstacle, une plaie, une tache sur l’humanité. Mais ce ne sont que des prétextes et des excuses. Aucun d’entre eux n’est la véritable raison de l’antisémitisme. La véritable cause de l’antisémitisme n’est pas le monticule, c’est le fossé.

Au fond d’eux-mêmes, ceux qui détestent les autres se détestent eux-mêmes. Sous leurs dehors machos se cache un vide profond, un trou béant dans leur âme. Ils sentent inconsciemment que leur idéologie est fausse, leurs croyances vides, leur vie dénuée de sens. Et quand on est vide, on déteste ceux qui sont pleins. Quand on manque de sens, on envie ceux qui en ont. Et il n’y a aucun peuple qui représente un sens élevé et une vérité éternelle autant que le peuple juif.

C’est pourquoi il existe des antisémites qui n’ont jamais rencontré le moindre Juif. Cela n’a rien de personnel. Leur haine est un symptôme de leur colère contre eux-mêmes. Comme ils refusent de l’affronter, ils la projettent sur d’autres. Et « l’autre » ultime est le Juif, le Juif éternel qui a vu les civilisations naître et disparaître, qui a survécu à tous les propriétaires de fossés qui ont essayé de l’éliminer.

Dans chaque génération, il y a des idéologies maléfiques. Elles revêtent diverses façades, mais elles ont un point commun : elles détestent toutes les Juifs. Si vous voulez savoir quelle idéologie est la force destructrice de l’époque, regardez celles qui embrassent l’antisémitisme. Aussi cultivées et intelligentes qu’elles puissent paraître, au fond d’elles se trouve un fossé nihiliste, et elles sont dangereuses.

Alors, que doivent faire les Juifs face à l’antisémitisme ? Que peut-on faire face au vide existentiel de quelqu’un d’autre ?

Nous nous inspirons de l’histoire de Pourim. Les Juifs de l’époque, menacés d’anéantissement, ne sont pas devenus moins Juifs, mais plus Juifs. Nous ne combattons pas le vide en devenant plus vides, et nous ne faisons pas du problème de quelqu’un d’autre notre problème. Face à une haine irrationnelle, nous restons fièrement et résolument juifs, confiants en D.ieu et loyaux envers notre peuple.

Mais les Juifs de Perse prirent également des mesures politiques et militaires pour se protéger. Car si nous espérons que tous ces haineux trouveront un jour un sens à leur vie pour combler leur vide, nous ne resterons pas les bras croisés et ne serons pas victimes de ceux qui ne l’ont pas fait.

Haman n’a jamais rempli son fossé. Mais il nous a donné Pourim. Chaque année, les enfants juifs célèbrent et font du bruit lorsqu’ils entendent le nom d’Haman lu dans la Méguila. Parce que nous ne serons pas engloutis dans le sombre fossé de quelqu’un d’autre. Nous continuerons à combattre le mal et le vide, en apportant plus de lumière au monde.

Sources :

Talmud Méguila 14a

Le Rabbi, Si’hot Kodech, Pourim 5725