Cet article sera en quelque sorte une pièce mixte. Il commencera par une « Pourim-Torah », passera à des éléments plus sérieux de « Kabbale » et se terminera par un enseignement ‘hassidique inspirant.
(Une « Pourim-Torah » est ce que les érudits de la Torah font pour s’amuser à Pourim : un court exposé qui ressemble à un morceau typique du Talmud, mais qui est soit manifestement absurde, soit juste assez décalé pour être pris au sérieux à Pourim.)
Tout d’abord, la Pourim-Torah:
Question : Nous lisons dans le livre d’Esther comment Haman désirait « détruire, tuer et anéantir tous les Juifs, des jeunes aux vieux, les enfants et les femmes, en un seul jour, le 13 du douzième mois, c’est-à-dire le mois d’Adar » (Esther 3, 13). Mais pourquoi était-il si important pour Haman que son mauvais décret soit exécuté « en un seul jour » ? Une telle chose aurait-elle même été possible d’un point de vue logistique ? D’ailleurs, Haman tira d’abord au sort pour déterminer quel mois devait être choisi pour le génocide des Juifs.1 Nos sages nous disent que lorsque le sort tomba sur le mois d’Adar, Haman se réjouit : c’était le mois au cours duquel Moïse était mort (le 7 Adar), certainement un mois de mauvais augure pour les Juifs.2 Ayant trouvé un mois apparemment propice à ses plans, pourquoi Haman tira-t-il encore au sort pour déterminer un jour particulier ?
Réponse : Haman était un fin connaisseur de l’histoire juive. Il savait que le calendrier juif est parsemé de fêtes célébrant le salut du peuple juif face à un ennemi qui cherchait à le détruire. Et si jamais – s’inquiétait Haman – leur D.ieu les sauvait à nouveau ? Si je désigne le mois d’Adar pour leur destruction, ils feront la fête tout le mois !
Finale : Là aussi, le plan d’Haman fut déjoué. Lorsque Mordekhaï et Esther instaurèrent la célébration du miracle de Pourim, ils ordonnèrent non seulement les célébrations de Pourim des 14 et 15 Adar, mais aussi la commémoration du « mois qui fut transformé pour eux de la tristesse à la joie, du deuil à la fête » (Esther 9, 22). D’où la règle talmudique suivante : « Lorsqu’entre le mois d’Adar, on augmente dans la joie » (Talmud, Taanit 26b).
Passons maintenant à la Kabbale :
Il existe deux façons de comprendre le calendrier juif et la nature du temps juif :
a) L’approche des « jours spéciaux » : Le cycle annuel se compose de centaines de jours, dont la plupart sont ordinaires et banals. Heureusement, ils sont ponctués d’un certain nombre de jours spéciaux : des fêtes et des jours saints imprégnés de qualités spirituelles particulières. Nous traversons les jours ordinaires, inspirés et encouragés par le fait que nous ne sommes jamais à plus de quelques semaines d’un Pessa’h ou d’un Pourim, ou – à tout le moins – d’un Lag BaOmer ou d’un « Nouvel An des arbres ».
b) L’approche de la « qualité du mois » : Le temps juif est composé non pas de jours mais de mois, chacun possédant une essence spirituelle distincte. Les jours « spéciaux » de l’année sont simplement des jours où la qualité du mois en question est plus prononcée et matérialisée. Ainsi, Nissan est le « Mois de la Libération », tandis que Pessa’h (observée du 15 au 22 Nissan) est une période d’une semaine en Nissan pendant laquelle cette qualité de liberté du mois est plus accessible. De même, Sivan est le mois de la sagesse, Chevat est le mois de la croissance et de la fécondité, Eloul est le mois de la compassion, et ainsi de suite. Chaque mois a des jours où la qualité du mois remonte à la surface et se manifeste davantage que lors des jours « ordinaires » du mois ; mais il s’agit de différences d’expression plutôt que d’essence, car essentiellement, chaque jour du mois possède également les propriétés spirituelles uniques du mois. C’est pourquoi de nombreuses fêtes et dates spéciales du calendrier juif ont lieu le 15 du mois, la nuit de la pleine lune, qui représente le moment où l’essence du mois est dans son état le plus révélé et le plus lumineux.3
Adar est le mois de la Transformation. Adar transforme le chagrin en joie, le doute en supra-connaissance, l’oubli en exubérance. Adar transforme un « peuple dispersé » en une nation unifiée, et un moment de faiblesse nationale (lorsque le peuple juif participa à la fête d’A’hachveroch en croyant que l’allégeance à un roi mortel assurerait sa survie) en la plus grande déclaration d’engagement juif de tous les temps (lorsque, pendant une année entière, chaque Juif resta fidèle à son peuple et à D.ieu, même si un décret d’anéantissement planait au-dessus de la tête de tous les Juifs du monde). Adar transforme l’activité la plus physique qui soit – manger et boire – en une affirmation de notre lien avec D.ieu.
Ainsi, si deux jours du mois d’Adar – le 14 et le 15 du mois – sont célébrés comme « Pourim », ils représentent l’apogée d’un mois entier de transformation joyeuse et de joie transformatrice.
Enfin, voici l’inspirante pensée ‘hassidique que nous vous avions promise :
Un mois du calendrier juif comprend soit 29 soit 30 jours (reflétant le cycle lunaire de 29,5 jours). Mais tous les deux ou trois ans – sept fois dans un cycle de 19 ans, pour être exact – Adar double de taille : lors de ces « années enceintes », comme on les appelle, il y a un « Adar I » de 30 jours suivi d’un « Adar II » de 29 jours. De plus, le 30 Chevat est également le premier des jours de Roch ‘Hodech (« tête du mois ») d’Adar I. Cela donne un total de 60 « jours Adar ».
Le Rabbi de Loubavitch fait remarquer que le nombre « 60 » représente le pouvoir de transformation. Une règle dans la loi de la Torah est le principe de « l’annulation par soixante ». Par exemple, si un morceau de nourriture non cachère tombe accidentellement dans un pot de nourriture cachère, l’élément indésirable est « annulé » si l’élément désirable est soixante fois plus important que lui.
Ainsi, conclut le Rabbi, dans une année bénie par un double Adar de 60 jours, tous les éléments indésirables – toutes les causes de douleur, de tristesse, de découragement ou d’abattement – sont annulés et sublimés par la joie transformatrice d’Adar.
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