Les sages du Talmud citent parfois des dictons populaires juifs en araméen, en les faisant précéder des mots haïnou deamrei inshei, « Voici ce que les gens disent... ». En dépit de leur apparence simpliste, ces dictons succincts sont porteurs d’une grande profondeur spirituelle, dont les sages ont tiré une grande sagesse. Voici un échantillon de ces citations extraites du Talmud et adaptées en français. Chaque citation est accompagnée de quelques notes explicatives, dont certaines sont tirées du contexte d’où la citation est extraite, et d’autres sont la propre conjecture du compilateur.


Sur l’éducation des enfants

1. On peut reconnaître la qualité d’un concombre alors qu’il n’est encore qu’une fleur.1 De nombreux traits de caractère d’une personne sont déjà visibles dans ses premières années.

2. Le babillage d’un enfant vient soit de son père, soit de sa mère.2 Les enfants adoptent le langage et les attitudes avec lesquels ils sont élevés. Toute la famille de Myriam bat Bilga, une femme d’un clan sacerdotal qui avait parlé contre D.ieu, fut pénalisée. Pourquoi ? Parce que ses paroles dures et blasphématoires ne sont pas apparues dans le vide. Elles étaient le résultat de l’atmosphère moqueuse et cynique de la maison de son enfance.

3. La brebis suit la brebis ; les actions de la fille sont les mêmes que celles de sa mère.3 La femme de Rabbi Akiva l’a épousé alors qu’il n’était qu’un simple berger et l’a encouragé à étudier la Torah. Leur fille a ensuite fait de même pour son mari, Ben Azaï, qui devint un érudit. Les sages citent cet adage, notant que les enfants apprennent la compassion de leurs parents.

Sur la nature humaine

4. Une marmite appartenant à des partenaires n’est ni chaude ni froide.4 Lorsque plus d’une personne est responsable de quelque chose, il est courant qu’aucune d’entre elles n’en prenne la responsabilité. C’est pour cette raison, disent les sages du Talmud, que les espaces partagés sont les plus susceptibles d’être négligés.

5. Un seul piment fort vaut mieux qu’un panier plein de calebasses.5 Peu importe le nombre de calebasses qu’une personne peut acquérir, elle ne pourra pas extraire une quantité de saveur proche de celle d’un seul piment, riche en saveur. Dans le même ordre d’idées, un seul argument fort vaut mieux qu’une multitude d’arguments faibles.

6. Dans la cuillère que le charpentier a lui-même fabriquée, la moutarde lui brûlera le palais.6 Parfois, nous sommes nos propres pires ennemis, nous mettant dans des situations que nous sommes les seuls à avoir pu créer.

7. Un ami ou la mort.7 La vie sans ses pairs ne vaut pas la peine d’être vécue. Nous avons besoin d’interactions sociales pour avoir une vie pleine de sens. De même, lorsqu’une personne a vécu au point de ne plus avoir d’amis, même la mort devient un répit bienvenu.

8. Celui qui a été mordu par un serpent a peur d’une corde.8 Les expériences traumatisantes de notre passé peuvent être ravivées par des déclencheurs les plus simples.

9. Dans ma ville, je suis connu par mon nom. Quand je suis loin de chez moi, je suis connu par mes vêtements.9 Quand on est loin de chez soi, les vêtements prennent une plus grande importance, car ils indiquent aux autres qui nous sommes et comment nous nous percevons. À Babylone, les érudits du Talmud avaient la particularité de porter des vêtements identifiables afin que les gens les reconnaissent comme des savants.

10. De la graisse du malchanceux, la belette et le chat font un festin.10 La belette et le chat sont des rivaux naturels. Pourtant, lorsqu’il y a de la graisse dont ils peuvent tous deux bénéficier, ils mettent de côté leur animosité pour profiter de l’aubaine. De même, un ennemi commun amène souvent des rivaux humains à mettre de côté leurs différences et à travailler ensemble pacifiquement.

11. Un chien affamé mangera même du fumier.11 Quand nous sommes désespérés, nous sommes facilement attirés par des solutions dont nous savons qu’elles ne fonctionneront jamais, comme le fumier qui ne peut pas nourrir. Il est essentiel de se rappeler que du fumier est du fumier, quelle que soit notre faim.

12. Une personne dont un membre de la famille a été pendu ne dira pas « pendez un poisson pour moi ».12 Les mots ont un pouvoir. Les mêmes mots qui peuvent être complètement neutres pour une personne peuvent être mordants et douloureux pour une autre.

13. La pauvreté suit les pauvres.13 Il semble parfois que le malheur ait l’habitude d’entraîner d’autres malheurs dans son sillage.

14. Quand un chameau essaie d’avoir des cornes, on lui coupe les oreilles.14 Il est important de connaître nos limites. Lorsque nous poursuivons ce qui ne nous est pas dû, nous perdons ce qui nous revient de droit.

Conseils pour la vie

15. Si tu as un défaut, sois le premier à le dire.15 L’effort pour garder quelque chose secret peut être plus scandaleux que la tare elle-même. L’honnêteté et la franchise sont souvent récompensées par l’acceptation et le pardon.

16. Ne jette pas de pierres dans le puits où tu as bu.16 Soyez toujours gentil avec ceux qui vous ont prodigué des bienfaits.

17. Vends tes herbes dans un endroit où les herbes poussent.17 La concurrence peut être plus féroce que dans un endroit où les herbes sont inconnues, mais au moins il y aura des acheteurs qui comprennent et apprécient les avantages de vos marchandises.

18. Utilise aujourd’hui un gobelet coûteux ; demain, laisse-le se briser.18 Souvent, nous sommes si inquiets de ce qui pourrait arriver que nous ne faisons rien du tout. Garder un ensemble de gobelets coûteux sans jamais les utiliser de peur qu’ils ne se cassent en est un parfait exemple. Parfois, il est sage et prudent de prendre des risques.

19. Mélange de la nourriture pour un bœuf, mélange de la nourriture pour des bœufs.19 Si vous faites une faveur à une personne, essayez d’inclure d’autres personnes qui ont besoin de la même faveur. Lorsqu’une personne fait l’effort et la dépense de nourrir un bœuf, préparer à manger pour un autre n’est pas un effort si important.

Comment aborder les personnes difficiles

20. Que tu aies raison ou tort, ne jure pas.20 Même si c’est techniquement autorisé, et souvent le seul moyen pour une personne de défendre son nom, il est toujours préférable de ne pas prêter serment.

21. Ne fais pas de faveurs aux méchants, et aucun mal ne t’arrivera.21 Une faveur sans discernement peut finir par mordre la main du bienfaiteur.

22. De ton débiteur, prends de la paille.22 Un précurseur de « Un “tiens” vaut mieux que deux “tu l’auras” ». Si votre débiteur vous offre un paiement, même si c’est sous la forme d’une paille indésirable, prenez-le, de peur de ne rien obtenir du tout. Parfois, le deuxième choix est la meilleure option disponible.

23. Si ton neveu devient policier, évite de l’approcher sur le marché.23 Avoir une personne d’autorité trop intimement liée à vos affaires ne peut mener à rien de bon.

24. Même lorsque tu t’occupes de tes affaires, ton ennemi se sent menacé.24 Parfois, nous percevons les choses comme des menaces même lorsqu’elles sont tout à fait inoffensives. Un ennemi voit des complots vicieux même derrière la promenade la plus innocente.

25. Si un bœuf court et trébuche, on met un cheval à sa place.25 Les relations moins qu’idéales sont souvent difficiles à rompre. Un bœuf est de loin supérieur à un cheval en termes de force. Pourtant, lorsque le bœuf n’est pas disponible, le maître n’a d’autre choix que d’utiliser un cheval pour son travail. Et une fois que cela se produit, le maître s’habitue au cheval et trouve difficile de revenir au bœuf.

26. Mieux vaut être maudit que de maudire.26 Le destinataire innocent d’une malédiction sait qu’il n’a lui-même rien fait de mal. Il n’en va pas de même pour celui qui a proféré de dures paroles à l’encontre d’un autre. De plus, les sages notent que les malédictions qu’une personne dispense finissent par revenir à leur auteur et deviennent vraies pour lui.

Sur l’effort

27. La charge est fonction du chameau.27 Une charge qui est petite pour un certain chameau peut en écraser un autre. De la même manière, chacun doit faire la charité selon ses moyens, sans comparer ses dons à ceux des autres.

28. Soixante coureurs courent et n’atteignent pas la personne qui a mangé le matin.28 Manger un petit déjeuner copieux donne à une personne l’énergie dont elle a besoin pour affronter la journée avec vigueur, optimisme et force.

29. Si tu soulèves la charge avec moi, je pourrai la soulever ; et si tu ne le fais pas, je ne la soulèverai pas.29 L’effort conjoint de deux personnes surpasse la somme de leurs forces respectives. Lorsque nous nous soutenons mutuellement, nous pouvons tous accomplir plus que ce que nous pourrions faire seuls.

Sur le mariage

30. Celui qui se venge par colère détruit sa propre maison.30 La vengeance peut être un sentiment agréable à court terme, mais c’est le vengeur qui finit par souffrir.

31. Si ta femme est courte, penche-toi et chuchote-lui.31 Comme tout homme marié l’apprend, sa femme a généralement des paroles de sagesse à partager – qui valent la peine d’être écoutées, même si cela implique de faire preuve d’humilité.

32. Lorsque notre amour était fort, nous aurions pu nous coucher sur la lame d’une épée. Maintenant que notre amour n’est plus fort, un lit de soixante coudées est insuffisant.32 Rav Houna entendit un passant utiliser cette comparaison et comprit que la même vérité s’applique à D.ieu et à Israël. Lorsque nous étions spirituellement en harmonie, nous avons mérité d’être réunis avec D.ieu dans les limites du Tabernacle. Mais aujourd’hui, il n’existe aucun endroit au monde qui puisse Le contenir.

33. Si un chien t’aboie dessus, reste ; si une chienne t’aboie dessus, va-t-en.33 La femme est le pilier de la maison, et c’est elle qui a le dernier mot sur qui peut rester et qui doit partir.

Sur la spiritualité et l’âme

34. Un voleur debout à l’entrée du tunnel appelle D.ieu à l’aide.34 Cet adage nous dit que tout le monde, même un voleur, appelle D.ieu en cas de besoin.

35. Une seule pièce de monnaie dans un flacon vide fait le plus de bruit.35 Lorsqu’une personne s’élève au-dessus d’une histoire familiale d’ignorance et d’apathie pour étudier la Torah, le contraste est immédiatement apparent.

36. Secoue le sel, et jette la viande au chien.36 Même les aliments les plus délicats perdent leur goût sans sel. De même, c’est l’étincelle divine, l’âme, qui donne vie au corps. Une fois que l’âme s’en va, tout ce qui reste est un corps de chair et d’os sans vie.

37. Le vin appartient au maître. Le remerciement va au serveur.37 Dans le Talmud, ceci est cité comme un fait de la vie. Mais c’est aussi une question. Est-il possible que le vin appartienne au maître mais que les gens continuent à remercier le serveur ? Les imbéciles ne reconnaissent pas que le serveur n’est qu’un agent du maître et qu’ils n’obtiendront rien en s’attirant les faveurs du modeste serveur. D.ieu est le Maître de l’Univers, mais les païens ont bêtement adoré ses agents inanimés, les corps célestes et autres phénomènes naturels.

38. Le myrte parmi les ronces est encore appelé du myrte.38 Même si une personne pèche, entourant son âme d’épines et de ronces, l’essence de son âme demeure pure et intacte.