« Batya, comment vas-tu ? » La voix profonde de baryton à l’accent britannique tranchant perça mes pensées. J’ai levé les yeux du projet dans lequel j’étais plongée et j’ai vu mon cousin, Kasriel, s’installer sur une chaise de l’autre côté de mon bureau.
J’ai bien vu qu’il avait quelque chose en tête. Effectivement, il alla droit au but. « Qui t’a nommée ? », me demanda-t-il.
« C’est une question piège ? », ai-je plaisanté.
Avec le plus grand sérieux, il insista pour que je lui réponde. « Qui t’a nommée ? »
J’ai souri et ai répondu : « Mes parents, bien sûr ! Qui t’a nommé, toi ? »
Tout excité, il sortit une feuille de papier d’un dossier dans la mallette en cuir brun qu’il transportait et traversa mon bureau pour me la tendre. « C’est le Rabbi qui t’a nommée, Batya. Le Rabbi t’a nommée trois ans avant ta naissance, s’exclama-il. Regarde cette lettre incroyable que le Rabbi a écrite à Zeidy. Elle se trouvait dans une archive de ses documents. »
Dans un silence contemplatif, j’ai lu la lettre. J’ai été soulagé lorsque Kasriel, en retard pour une réunion, s’est empressé de prendre congé de moi. Je me suis sentie obligée de relire la lettre encore quelques fois pour en intégrer tous les détails, ainsi que les émotions et les sentiments profonds qu’elle suscitait en moi.
La lettre du Rabbi, adressée à mon grand-père, Pin’has Sudak, était datée de trois semaines après le décès de ma grand-mère homonyme, le laissant jeune veuf, terrassé par l’incrédulité et le chagrin intense.
« Nous, les Juifs, sommes des “croyants, fils de croyants”,1 notre foi transcende l’intellect et nous croyons que même si le corps a été enlevé, l’âme éternelle demeure », écrivait le Rabbi.
Il disait que la Torah nous donne des instructions claires sur ce qu’il faut faire pour le bien de l’âme, et instruisait mon grand-père de déployer des efforts concertés pour rechercher un shidoukh (un partenaire de mariage) pour sa fille, Batcheva, ma mère. Et « lorsque votre fille aura une fille, en un temps bon et fructueux, elle devrait être appelée, avec le consentement des deux parents, ‘Haya Batya, puisse-t-elle être bénie d’une longue vie et de bonnes années. » Le Rabbi conclut la lettre en demandant à mon grand-père de renforcer sa confiance et sa croyance en D.ieu, le Créateur et le Directeur du monde, Celui qui est bon et tout ce qu’Il fait est pour le bien » et il bénit mon grand-père de recevoir du bien révélé.
Mon nom, ‘Haya Batya, le Rabbi me l’a donné, avant même que mes parents ne se rencontrent !

Les spécialistes des sciences sociales pensent que les noms produisent un « effet Dorian Gray », influençant la personnalité, le caractère, la perception de soi et même l’apparence physique.
« Comme son nom, ainsi est-il »2 Le nom est un indicateur du potentiel d’une personne et un prédicteur de son avenir possible.
Ce n’est pas notre nom qui nous oblige à être ce que nous sommes. C’est ce que nous sommes qui se transmet d’une manière profondément prophétique à ceux à qui est confiée la tâche sacrée de choisir nos noms. C’est un message de D.ieu confié à ceux qui nous donnent nos noms afin de nous aider à définir notre mission sur terre.
Lors d’un Séder de Pessah, il fut demandé au précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn : « Si nous sommes toujours en exil, quel est l’intérêt de discuter de la libération d’Égypte ? » Ce à quoi il répondit : « Cela nous rappelle que nous avons la capacité et la force de quitter l’exil. » L’exil n’est qu’un état de dissimulation. La véritable identité et le destin de notre âme sont toujours intacts.
Aujourd’hui, alors que le monde est confronté à de graves défis et que l’avenir semble précaire – aujourd’hui, alors que je cédais à des sentiments de désespoir et d’abattement après des mois de solitude et de peur, j’avais besoin qu’on me rappelle la véritable identité qui se trouve dans mon nom. Avec une conscience renouvelée du caractère, de l’essence et de la destinée qui se trouvent dans le nom que le Rabbi et mes parents m’ont donné, je porterai le nom de ma grand-mère avec fierté et je trouverai la force intérieure et la capacité de persévérer et de surmonter les difficultés.
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