Alors qu’ils voyageaient pour passer les Jours Solennels avec leur Rabbi, Rabbi Chalom Dovber de Loubavitch, Reb Chmouel Beliner et un petit groupe d’autres ‘hassidim rencontrèrent un jeune homme porteur d’une histoire qu’ils n’étaient pas près d’oublier. Après avoir prié ensemble dans le compartiment du train, les hommes formèrent un petit cercle. Quelqu’un sortit une bouteille de spiritueux et les ‘hassidim se mirent à fredonner une mélodie entraînante. Un jeune homme d’un compartiment adjacent passa la tête et regarda à l’intérieur.
– Vous vous rendez chez le Rabbi ?, finit-il par demander.
« Je connais votre Rabbi. Et je lui dois la vie », dit le jeune homme.– Oui, fut la réponse collective.
– Je connais votre Rabbi. Et je lui dois la vie, dit le jeune homme.
Les ‘hassidim attendirent qu’il continue.
« Bien que je sois moi-même originaire de Dvinsk en Lettonie, j’ai trouvé un bon travail dans une usine d’allumettes à Novo-Borisov, commença-t-il. Là, j’ai rencontré et épousé une jeune femme et nous nous sommes rapidement installés dans une vie simple, mais confortable. Nous travaillions tous les deux et avions peu de dépenses.
« Mais l’usine a brûlé et je me suis retrouvé sans revenu. Ma pauvre femme était malade et alitée, trop faible pour sortir. Comme il ne restait plus une seule pièce dans la maison, nous avons décidé de retourner chez mon père à Dvinsk.
« Peu de temps après, j’ai eu la chance de rencontrer des ‘hassidim Loubavitch. Ils m’ont suggéré de les accompagner pour rendre visite à leur Rabbi, et bien que je ne sois pas de souche ‘hassidique, j’ai accepté.
« Le Rabbi a écouté attentivement mon récit et a suggéré quelque chose qui semblait tout à fait étrange : nous devions nous rendre à Kovno en Lituanie, dit-il, et louer un magasin où je vendrais des chapeaux confectionnés par ma femme.
« Je me suis dit que je pouvais faire exactement la même chose à Dvinsk, où les gens portaient aussi des chapeaux, et je ne voyais aucune raison que nous fassions 200 kilomètres jusqu’à Kovno. De plus, j’avais des connaissances à Dvinsk qui pouvaient m’aider à lancer une nouvelle affaire. Mais le Rabbi était catégorique : nous devions aller à Kovno et vendre les chapeaux là-bas.
« C’est ce que nous avons fait. Nous avons pris toutes nos affaires et sommes partis pour la Lituanie.
« L’entreprise semblait vouée à l’échec dès le départ. Je ne pouvais pas louer une boutique dans le centre-ville car le coût était prohibitif, alors je me suis contenté d’un local à la périphérie. C’était petit, mais au moins nous pouvions nous le permettre. Nous avons rapidement exposé les quelques chapeaux que ma femme avait déjà cousus et attendu les clients. Il fallut quelques jours pour que la douloureuse prise de conscience se fasse : notre emplacement était trop éloigné ; les chapeaux demeuraient leurs crochets à prendre la poussière.
« Ce n’était certainement pas ce que nous avions espéré. En repensant à nos jours à Novo-Borisov et à la vie confortable dont nous avions joui, je me suis mis à sangloter désespérément, des larmes chaudes coulant sans discontinuer.
« Lorsque je me suis un peu calmé, j’ai remarqué un luxueux attelage qui descendait la rue. Le cœur serré, le visage encore mouillé de larmes, j’ai vu le noble ordonner à son cocher de s’arrêter pour qu’il puisse jeter un coup d’œil à notre étalage. Le riche noble indiqua quel chapeau il voulait acheter et en demanda le prix. J’ai cité un prix modeste, espérant voir un chapeau quitter enfin le magasin.
« Prenant un étui en argent dans sa poche, le noble s’assis et se roula une cigarette. Remarquant mes yeux rouges et bouffis, il me demanda ce qui n’allait pas. En peu de temps, toute l’histoire fut relatée.
« Si je réparais la machine, je recevrais 500 roubles. »Imaginez ma surprise quand il me dit : “Votre rabbin ne vous a pas envoyé ici pour rien. J’ai un frère qui possède une fabrique d’allumettes à Kiev. Depuis plusieurs semaines déjà, il essaie de réparer une grosse machine, sans succès. Tous les mécaniciens qu’il a fait venir pour l’examiner n’ont pas réussi à identifier le problème et à remettre en état cette pièce vitale de l’équipement, ce qui a entraîné l’arrêt de l’usine. Si vous êtes prêt à jeter un coup d’œil et peut-être à réparer la chose, je suis sûr qu’il y a une belle récompense avec votre nom écrit dessus.”
« Bien sûr, j’ai précisé que je n’étais pas mécanicien, mais il n’a rien voulu entendre, et je me suis vite retrouvé avec une lettre d’introduction pour son frère et de l’argent pour le billet de train pour Kiev.
« Le propriétaire de l’usine me fit beaucoup de promesses. Si je parvenais à remettre la machine en état de marche, je recevrais 500 roubles, ainsi qu’une promesse d’emploi continu avec un salaire annuel double de celui que je gagnais auparavant. Il me fallut trois jours, et avec l’aide de D.ieu, j’ai réussi à localiser la source du problème et à remettre la machine dans son état initial. Le propriétaire a tenu parole et j’y travaille encore aujourd’hui.
« Vous voyez donc, termina le jeune homme, que je suis profondément redevable à votre Rabbi, auprès de qui vous vous rendez. »
Adapté de Chmouot Vessipourim, page 151
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