Dans la ville d’Okop, le lieu de naissance du Baal Chem Tov, vivait un homme riche du nom de Yoel. C’était un homme craignant D.ieu, un érudit accompli de la Torah, très méticuleux dans l’accomplissement des mitsvas.
Yoel était bien conscient de ses propres accomplissements.Un jour, il fut envahi par le désir d’accomplir le commandement d’écrire un rouleau de la Torah. Il ne lésina sur aucune dépense, s’assurant que sa Torah serait la meilleure qui soit. Il acheta des moutons, les fit abattre et distribua la viande aux pauvres. Les peaux furent transformées en parchemin qui serait utilisé spécialement pour cette Torah.
Yoel engagea un scribe très respecté, connu pour être aussi craignant de D.ieu que compétent dans son métier. Chaque matin, le scribe s’immergeait dans les eaux purificatrices du mikvé avant de commencer sa tâche sacrée. Lorsque la Torah fut enfin achevée, Yoel voulut organiser une grande fête de siyoum (« conclusion ») avec un magnifique repas, et il invita tous les dirigeants d’Okop : les rabbins, les dirigeants communautaires, les cho’hatim (abatteurs rituels), les ‘hazanim (chantres) et les riches mécènes de la communauté.
Yoel était bien conscient de ses propres accomplissements en tant qu’érudit. Ainsi, avant l’événement, il se mit à préparer un discours qu’il devait prononcer devant tous ses honorables invités.
Berel, le porteur d’eau d’Okop, n’était pas invité. C’était un homme simple et travailleur qui se levait tôt chaque matin et priait à la synagogue ‘Hevrat Tehilim. Avec ses camarades, il récitait chaque matin le livre entier des Tehilim (Psaumes) avant de passer la journée à essayer de gagner sa vie.
Lorsque Berel entendit dire qu’il y aurait une célébration en l’honneur d’une nouvelle Torah, il supposa naïvement qu’il serait le bienvenu à ce joyeux événement. Une chanson dans le cœur, il revêtit son vieux manteau de Chabbat, se fit beau et arriva à la maison de Yoel. N’étant pas habitué aux subtilités de l’hospitalité gastronomique, il prit une place destinée à l’un des invités les plus importants.
Lorsque Yoel vit Berel, le porteur d’eau, assis à une place destinée à un érudit de la Torah, il s’approcha de lui d’un air furieux et siffla : « Parce que tu récites beaucoup de Tehilim, tu te considères comme un individu prestigieux ? » Berel comprit l’allusion, se leva et quitta la maison.
Le repas et les festivités se poursuivirent comme prévu : argenterie et verres en cristal, bougies dans des candélabres élaborés, ‘hallah tressée, vin épicé et autres délices. Un orchestre jouait des airs joyeux, et l’assemblée chantait et dansait en cercle en l’honneur de la Torah.
Lorsque les danseurs s’assirent, épuisés, Yoel se leva pour prononcer son discours. C’était un chef-d’œuvre, qui démontrait sa compétence et la profondeur de sa compréhension de la Torah, avec des idées novatrices qui enchantèrent les auditeurs.
Cette nuit-là, Reb Yoel se coucha avec un cœur heureux : « D.ieu merci, il n’y a pas eu de problème dans la présentation de mon discours. Il a roulé sur ma langue sans problème. Les érudits de la ville n’ont pas caché leur étonnement face à mes idées novatrices sur la mitsva d’écrire un rouleau de la Torah. »
Encore sous le coup de l’émotion de cette merveilleuse journée, Yoel ferma les yeux et s’endormit.
L’ange chargé des rêves rendit visite au lit de Reb Yoel, et Yoel rêva qu’un vent formidable l’emportait vers un endroit lointain. En regardant autour de lui, il se retrouva au milieu d’un désert aride. Au loin, il aperçut une cabane bien éclairée. En entrant, il vit une table occupée par des personnes aux longues barbes, portant des robes de juges.
Celui qui semblait être le juge en chef appela Yoel par son nom, et lui dit qu’il était convoqué à un procès par nul autre que le roi David, fils de Jessé, le doux chantre d’Israël.
Le plaignant se leva et commença : « Je porte plainte contre Yoel d’Okop pour avoir dénigré mon Livre des Psaumes, et pour avoir embarrassé publiquement Berel le porteur d’eau, qui lit quotidiennement les Psaumes avec une grande dévotion. »
Le procureur demanda aux juges de déterminer une lourde peine pour les actes de Yoel : la mort. Yoel resta abasourdi, certain qu’il ne vivrait pas jusqu’au lendemain.
Il était saisi de peur et trempé de sueurs froides.Soudain, l’un des hommes demande la parole. C’était le Baal Chem Tov lui-même. « À quoi cela servira que cet homme meure ? », demanda le Baal Chem Tov. « Personne ne saura jamais la raison de sa mort soudaine, et la richesse des Tehilim ne sera jamais connue. Qu’il vive, qu’il soit chargé de la mission de rectifier sa faute et que tout le monde sache à quel point les paroles du roi David sont sacrées et précieuses ! »
Yoel senti alors un autre vent le ramener directement dans son lit confortable.
Lorsqu’il se réveilla, il était saisi de peur et trempé de sueurs froides.
Le lendemain, à l’heure de l’office du soir, Yoel entra dans la petite synagogue des gens simples, la ‘Hevrat Tehilim. Là, il se présenta devant tous les gens qu’il avait autrefois méprisés et demanda le pardon de Berel. Il raconta ensuite toute l’histoire de ce qui s’était passé, y compris son rêve, sans épargner aucun détail.
À partir de ce jour, un changement majeur s’opéra chez Yoel. Il cessa de se vanter de ses talents d’érudit et rejoignit les humbles réciteurs de Tehilim. Chaque matin, il se rendait à la ‘Hevrat Tehilim, s’asseyait entre les simples travailleurs et lisait les Tehilim avec enthousiasme et chaleur.
D’après Sipourei Tsadikim, paru dans Si’hat Hashavoua, n° 802 (5762).
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