Avant le jeûne de Yom Kippour, qui commence au coucher du soleil, nous prenons un repas de fête appelé séouda hamafséket (« le repas qui sépare »). En plus de la séouda hamafséket, beaucoup ont l’habitude de prendre un repas de fête plus tôt dans la journée.

Pourquoi prenons-nous deux repas de fête ?

Commençons par la séouda hamafséket.

Jeûner deux jours ?!

La source de la séouda hamafséket se trouve dans un curieux verset du Lévitique : « Et vous affligerez vos âmes le neuvième jour du mois. »1

Les sages s’interrogent sur ce verset,2 car ailleurs dans le Lévitique, il est écrit : « Le dixième jour du mois, vous affligerez vos âmes... »3 Sommes-nous censés jeûner pendant deux jours ?

Toutefois, le premier verset s’achève ainsi : « …du soir au soir [vous observerez votre jour de repos] »,4 c’est-à-dire que le jeûne est observé un seul jour. On ne peut donc pas dire qu’il faut littéralement jeûner deux jours.

Les sages expliquent que le 9 du mois, nous devons déjà nous engager dans le jeûne – non pas en jeûnant, mais en mangeant, car cela nous prépare à jeûner ce soir-là et le jour suivant.

De par l’intense amour de D.ieu pour nous, expliquent-ils, Il nous a ordonné de jeûner un jour dans l’année pour expier nos péchés. Et Il nous a également ordonné de manger et de boire au préalable, afin que le jeûne ne nous soit pas préjudiciable.

Pourquoi ne pas nous dire simplement de manger ?

On peut alors se demander pourquoi le verset ne dit pas explicitement : « Mangez le 9 » ?

Les sages expliquent5 que si le verset fait référence au fait de manger comme à une « affliction », c’est pour nous apprendre que celui qui mange et boit le 9 est récompensé par D.ieu comme s’il avait jeûné.

Comme vous pouvez l’imaginer, la récompense que l’on reçoit pour une activité agréable comme manger et boire en obéissant au commandement de D.ieu n’est pas comparable à la récompense que l’on reçoit pour le jeûne en obéissant au commandement de D.ieu.

Néanmoins, celui qui mange et boit le 9 Tichri reçoit une grande récompense, comme s’il avait jeûné à la fois le 9 et le 10 Tichri.

En vérité, il aurait convenu d’honorer le jour de Yom Kippour lui-même en mangeant et en buvant, tout comme nous le faisons pour les autres fêtes. Après tout, quelle plus grande joie y a-t-il que d’obtenir le pardon de nos péchés ? Cependant, puisque Yom Kippour lui-même ne peut être honoré de cette façon (puisqu’il s’agit d’un jour de jeûne), nous l’honorons en mangeant et en buvant le jour précédent.6

L’élévation des étincelles: deux repas = deux jours

Sur la base de ce qui précède, il existe une mitsva rabbinique de manger la veille de Yom Kippour. L’obligation ne comprend qu’un seul repas, mais l’on doit manger et boire la quantité de nourriture et de boisson que l’on consommerait normalement en deux jours, ou du moins un peu plus que pour un seul jour.

Néanmoins, la coutume la plus répandue est de prendre deux repas.

Les mystiques7 exposent une raison plus profonde de la séouda hamafséket, qui explique également la raison profonde de la coutume de prendre deux repas le 9 Tichri :

Une partie de notre but dans ce monde est de raffiner celui-ci et d’en faire « une demeure pour le divin ». Cela est particulièrement mis en évidence lorsqu’il s’agit de nourriture et de boisson. Les kabbalistes expliquent qu’au sein de chaque chose créée se trouve « une expression de la bouche de D.ieu », une étincelle qui est l’énergie de sa création. Cependant, cette étincelle est statique, dépourvue de la capacité de faire avancer la quête de la création de s’unir à son Créateur. Mais lorsqu’une personne récite une bénédiction avant de manger puis utilise l’énergie qu’elle a reçue par son alimentation pour servir D.ieu, elle raffine et élève ces étincelles et contribue à dissiper les énergies spirituelles négatives.

Les Asséret Yémei Techouva, les Dix Jours de Repentir (qui incluent Yom Kippour), sont un moment particulièrement propice pour affiner ces étincelles spirituelles et toute énergie négative persistante. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Code de Loi Juive stipule qu’il faut être encore plus strict que d’habitude concernant la casherout de la nourriture que l’on consomme pendant cette période.

Mais qui va raffiner la nourriture de Yom Kippour, lorsque personne ne mange ? Les kabbalistes expliquent donc que la veille de Yom Kippour, nous devons effectuer cela pour deux jours. Nous prenons ainsi deux repas, l’un pour le jour même, et l’autre pour le lendemain.

Le grand kabbaliste Rabbi Its’hak Louria, connu sous l’acronyme « Arizal », explique que le fait de manger la séouda hamafséket a le pouvoir de rectifier et d’expier les péchés liés à la nourriture que nous avons pu commettre tout au long de l’année.8

(Notez que pendant ce repas final, on ne doit manger que des aliments faciles à digérer afin de ne pas être trop rassasié, ce qui pourrait entraîner un sentiment déplacé de satisfaction et d’orgueil lors de la prière de Yom Kippour [voir Le repas de séparation ainsi que la note 9 ci-dessous]).

Puissiez-vous être inscrits et scellés pour une nouvelle année heureuse, saine et douce !