Le potentiel positif de la sim’ha est mis en évidence par l’interprétation du Maguid de Mézeritch1 de l’enseignement des Pirkei Avot2 : « Sache ce qui est au-dessus de toi ». Littéralement, la Michna nous apprend à être toujours conscients que, de manière allégorique, il existe dans les royaumes spirituels un œil qui voit tout ce que nous faisons, une oreille qui entend tout ce que nous disons et une main qui consigne tout ce qui se passe.
Le Maguid de Mézeritch a étendu le sens de cet enseignement. Il disait : « Sache que tout ce qui est au-dessus », tout ce qui transpire dans le monde spirituel est « de toi », cela dépend de ta conduite. Chacun de nous influence ce qui se passe dans le monde spirituel. Ainsi, lorsqu’une personne est joyeuse, non seulement élève-t-elle le moral des gens qui l’entourent, mais elle génère également de la joie dans le monde spirituel.
Expliquons la dynamique à l’œuvre : l’un des concepts les plus fondamentaux abordés dans la Kabbale et dans la philosophie ‘hassidique est l’interrelation entre le monde spirituel et notre réalité matérielle. Le Zohar3 affirme que notre monde matériel est parallèle au monde spirituel. Il est comme un miroir qui reflète l’objet ou la personne se tenant devant lui. Lorsque l’on voit une personne bouger sa main dans le miroir, on a conscience qu’il se trouve devant le miroir une personne réelle qui bouge sa main. Même lorsque nous ne pouvons pas voir la personne elle-même, l’image dans le miroir est suffisante.
Des concepts similaires s’appliquent à l’interrelation entre le monde physique et le monde spirituel. Notre monde matériel reflète la réalité spirituelle. Tout ce qui se passe sur notre plan possède un parallèle intérieur et nous permet de comprendre les rouages de l’existence spirituelle. Même si nous ne sommes pas directement conscients de la réalité spirituelle, nous pouvons comprendre beaucoup de choses à son sujet à partir des parallèles que nous en voyons dans notre monde.
Ce concept a également une dimension plus profonde. Lorsque nous parlons d’un miroir et d’une personne, nous parlons de deux entités distinctes, sans rapport entre elles, l’une ne faisant que refléter l’autre. Mais en ce qui concerne le spirituel et le matériel, ce n’est pas que le monde spirituel soit une forme d’existence et le monde matériel une autre, que D.ieu aurait créés pour correspondre l’une à l’autre. Ils sont bien plus étroitement liés. Notre existence matérielle n’est en fait qu’une extension de l’existence spirituelle.
Nous ne disposons pas d’une analogie appropriée pour illustrer cela. L’un des exemples les plus proches que nous ayons est la relation entre l’âme et le corps. Nos Sages nous disent4 que tout comme l’âme remplit le corps, D.ieu remplit le monde. Par conséquent, si nous voulons mieux comprendre l’interaction entre D.ieu et le monde ou, en d’autres termes, entre le monde spirituel et le monde matériel, nous pouvons nous concentrer sur la relation entre le corps et l’âme, le gouf et la nechama.
L’activité de l’âme d’une personne se reflète dans son corps. Si une personne est anxieuse, vous pouvez le savoir en la regardant. Un regard sur ses yeux et l’expression de son visage en disent long. Il en va de même lorsqu’elle est en colère ou lorsqu’elle est triste. Et c’est certainement vrai lorsqu’elle est heureuse. Lorsqu’une personne est vraiment bessim’ha, son visage rayonne de joie. Car ce qu’une personne vit intérieurement s’exprime dans sa forme physique.
Il doit en être ainsi. L’âme et le corps fonctionnent comme une seule entité. Bien qu’ils aient des sources différentes, tant qu’une personne est en vie, son corps et son âme partagent une même identité, et le corps exprime ce qui se déroule dans l’âme de la personne.
Un concept similaire s’applique à l’interaction entre le monde spirituel et le monde matériel. Lorsque nous voyons quelque chose se produire dans le domaine physique – par exemple, il pleut –, ce que nous voyons est, par essence, un reflet de ce qui se passe dans le monde spirituel. Dans le monde spirituel, il y a une grande effusion de bonté, et cela se manifeste dans notre monde sous forme de pluie.
Et ceci est vrai pour tous les événements qui se produisent dans notre monde : une chute de neige, un vent qui souffle, un tremblement de terre. Du plus inhabituel au plus banal, tout ce qui se passe dans notre monde est le résultat et le reflet de ce qui se passe dans le monde spirituel.
La dynamique de la causalité a toutefois une double nature. Tout comme ce qui se passe dans notre monde matériel est le résultat de ce qui se passe dans le monde spirituel, ce qui se passe dans le monde spirituel peut être déterminé par les événements de notre monde. C’est le sens de l’enseignement du Maguid de Mézeritch mentionné ci-dessus. Il a expliqué que la Michna dans Pirkei Avot nous dit de : « Sache que ce qui est au-dessus », les événements du monde spirituel, « vient de vous », c’est-à-dire que cela dépend de notre conduite. Nous autres mortels, déterminons la nature des influences actives dans le monde spirituel.
Pourquoi l’homme a-t-il ce potentiel ? Parce que « l’homme a été créé à l’image de D.ieu ».5 Il va sans dire que cela ne signifie pas que D.ieu a la même forme physique que l’homme ; D.ieu est infini et il n’a pas de corps ou de forme quelconque.6 Le ‘hassidisme et la kabbale expliquent néanmoins qu’il existe une contrepartie spirituelle à toutes nos caractéristiques corporelles. D.ieu ne possède pas d’yeux, mais Il possède un moyen de perception qui fonctionne d’une manière plus complète que ce que nous pourrions comprendre d’une manière comparable à notre pouvoir de vision. Il ne possède pas de bouche, mais Il possède un moyen d’expression qui correspond à notre pouvoir de parole. De même, chaque élément de notre être possède sa contrepartie dans le monde spirituel.
Ainsi, lorsque nous bougeons nos mains, nous activons également la contrepartie spirituelle de nos mains. Tout ce que nous faisons, toutes nos activités et tout ce qui se passe dans nos vies dans ce monde physique a un effet dans le monde spirituel.
En particulier, ce cycle comporte trois phases : nos actes, l’effet que cette activité a dans le monde spirituel, et le reflet de cette activité dans le monde spirituel dans notre monde matériel.
Par exemple, lorsqu’une personne n’est pas en bonne santé, à D.ieu ne plaise, et qu’un ami décide de faire la charité en son nom, le don de cet ami active l’attribut divin de ‘hessed (bonté) dans le monde spirituel. Cela se manifeste à son tour dans notre monde par l’amélioration de l’état de santé de la personne malade.
Le Baal Chem Tov explique une idée similaire,7 en commentant le verset8 « D.ieu est ton ombre ». Littéralement, le verset nous dit que, tout comme une ombre nous protège du soleil, D.ieu nous protège. Le Baal Chem Tov propose toutefois une interprétation plus large, expliquant que, de la même manière qu’une ombre reflète les actions d’une personne, la nature de l’influence qui circule de D.ieu vers le monde sera le reflet de la nature de nos activités.
Cette même idée est reflétée dans l’interprétation par le Maguid de la Michna « Sache ce qui est au-dessus de toi », selon laquelle « ce qui est au-dessus » dépend de « toi ». Tout ce qui se passe dans le monde spirituel est déterminé par notre comportement, car tout ce que nous faisons active la contrepartie dans le monde spirituel. Et cette activité spirituelle entraîne des changements dans notre monde. Lorsque je fais preuve de compassion envers une autre personne, cela incite D.ieu à faire preuve de compassion.
Prenons un autre exemple de cette idée. Lorsque deux personnes se marient, leur union reflète la création d’un lien similaire dans le monde spirituel. Car dans le monde spirituel, il y a deux aspects : l’un appelé Malkhout, qui reflète la dimension féminine, et l’autre, appelé Zeer Anpine, qui reflète la dimension masculine. Lorsqu’un homme et une femme se marient, ils réalisent une union entre ces attributs dans le monde spirituel. Cette union, à son tour, encourage le flux d’influences positives dans notre monde matériel.
Des concepts similaires s’appliquent à la parole. Tout ce qui est dit dans notre monde active une contrepartie dans le monde spirituel. Ainsi, lorsque nous formulons des paroles positives, des influences positives sont générées dans le monde spirituel. Et si, D.ieu nous en préserve, nous disons des choses défavorables, des influences négatives sont générées.
C’est l’une des explications de la maxime de nos Sages9 : « Ne considère pas avec légèreté la bénédiction d’une personne ordinaire. » Nous savons que les bénédictions données par un tsadik, un juste, peuvent provoquer des changements miraculeux dans nos vies. Mais la vérité est que chaque fois que quelqu’un donne une bénédiction, celle-ci a un pouvoir. Car les paroles de cette personne produisent des effets non seulement dans notre monde, mais aussi dans le monde spirituel. Lorsqu’elle prononce des paroles de bénédiction, elle génère en fait une bénédiction dans le monde spirituel. Et cette bénédiction peut entraîner des changements dans notre monde.
[L’inverse est également vraie. Et pour cette raison, la Torah interdit de maudire une autre personne. Car cela peut aussi, D.ieu nous en préserve, avoir un effet.]
Nos pensées provoquent également des changements dans le monde spirituel. Dans ce monde, la pensée n’a aucun effet apparent, mais la dynamique de la causalité spirituelle est telle que chaque expression de notre être, qu’il s’agisse d’une pensée, d’une parole ou d’une action, crée un effet spirituel. Et cet effet spirituel peut ensuite provoquer des changements dans notre monde. En effet, nous constatons qu’une pensée intense à l’égard d’une autre personne a souvent produit des effets très positifs.10
Il y avait une fois un ‘hassid dont le fils était très malade. Après une longue maladie, les médecins lui dirent finalement qu’il n’y avait plus d’espoir. Ils ne pouvaient plus rien faire ; ils ne savaient pas si l’enfant allait vivre.
Le ‘hassid était dévasté. Il se précipita à Loubavitch et fut reçu par le Tsema’h Tsédek, le troisième Rabbi de Loubavitch. Accablé par le chagrin, il put à peine articuler sa demande de bénédiction.
Le Rabbi lui répondit brièvement en yiddish : Tracht gut, vet zein gut. « Pensez bien, et cela ira bien. »11
En sortant du bureau du Rabbi, le ‘hassid se ressaisit. Il se mit dans un état d’esprit qui dégageait une confiance totale. Il savait que D.ieu pouvait l’aider et guérir son fils. Et il croyait que c’est ce qui allait arriver.
Lorsqu’il rentra chez lui, on lui dit que l’état de son fils avait soudainement changé. Les médecins n’avaient aucune explication, mais l’état de l’enfant s’était nettement amélioré. Lorsque le ‘hassid se renseigna, on lui dit que le changement s’était produit exactement au moment où il avait rendu visite au Rabbi.
Cette histoire nous montre que le fait de penser positivement produit deux effets :
a) lorsqu’une personne est de bonne humeur, elle fonctionne mieux.
b) le fait de penser positivement entraîne en lui-même un changement positif. En imaginant le bien dans son esprit, on crée une influence spirituelle positive qui permet à cette image de se matérialiser.
C’est la base de l’explication ‘hassidique de l’un des principes les plus fondamentaux du judaïsme, le bita’hone. Le bita’hone est la confiance et l’assurance que D.ieu nous aidera. Que D.ieu puisse nous aider à tout moment est un élément de foi, de surcroît très facile à accepter. Après tout, s’Il est D.ieu, Il est capable de faire tout ce qu’Il veut. Le bita’hone signifie plus que cela ; il exprime notre confiance et notre assurance que D.ieu va effectivement nous aider.
Le bita’hone n’est pas une évasion euphorique ; il ne dispense pas une personne d’assumer la responsabilité de son avenir et d’agir en conséquence. Il signifie que lorsqu’une personne agit, elle est consciente que le résultat de ses efforts dépend de la providence de D.ieu, et qu’elle s’en remet à D.ieu et lui fait totalement confiance.
En plus de donner à une personne la confiance et la force intérieure nécessaires pour affronter les épreuves, cette approche génère également une influence divine positive. Lorsqu’une personne fait confiance à D.ieu et s’en remet à Lui, D.ieu crée des situations qui lui permettront d’utiliser ses énergies de manière positive et bénéfique.12 Nos pensées positives servent de catalyseurs qui favorisent des circonstances favorables pour nous.
Nous pouvons maintenant apprécier l’importance de la sim’ha. Lorsqu’une personne est réellement joyeuse et voit les choses de manière positive, elle crée la sim’ha dans le monde spirituel. Car « tout ce qui se passe en haut dépend de toi ».
La joie qui est activée dans le monde spirituel ne se limite pas à elle-même, mais s’écoule vers l’extérieur, apportant de la joie à de nombreuses autres personnes dans notre monde. Lorsque nous sommes bessim’ha, d’une manière à la fois physique et spirituelle, nous apportons de la joie à nous-mêmes, à nos familles et à toutes les personnes qui nous entourent.
Comme nous l’avons expliqué dans le chapitre précédent, cette joie n’est pas un potentiel passif. Au contraire, « la joie perce les barrières », détruisant tous les obstacles et les difficultés qui peuvent se présenter.
Lorsqu’une personne est joyeuse, elle se tient au-dessus de toutes ses limitations et faiblesses personnelles. Elle peut faire des choses qu’elle ne pourrait pas faire d’ordinaire. Elle peut pardonner à son pire ennemi. Sa joie génère une énergie intérieure qui traverse et brise toute barrière qui se trouve sur son chemin.
Lorsqu’une personne crée de la joie dans le monde spirituel, la même chose se produit. Dans le monde spirituel, il y a aussi des limites et des barrières, car D.ieu a choisi d’établir un ordre naturel par lequel Il contrôle notre monde. Tout comme il existe des règles de la nature qui régissent le monde matériel qui nous entoure, il existe des principes de causalité qui régissent les effets produits par notre conduite. Car, comme expliqué ci-dessus, tout ce que nous faisons génère un effet dans le monde spirituel qui, à son tour, produit un effet dans notre monde. Au niveau le plus général, ces règles suivent le principe suivant13 : lorsqu’une personne fait le bien, elle reçoit des bénéfices qui lui permettent de continuer dans cette voie. Si elle ne fait pas le bien, elle subit des difficultés qui lui font comprendre qu’elle doit changer de voie. Ce sont les schémas de causalité que D.ieu a choisi d’établir dans le monde spirituel.
Néanmoins, lorsqu’une personne est bessim’ha, elle crée de la joie dans le monde spirituel. D.ieu Lui-même est, pour ainsi dire, également bessim’ha. Cela amène D.ieu à révéler une dimension transcendante qui n’est pas liée aux lois de la causalité mentionnées ci-dessus. En termes simples, cela signifie que D.ieu accordera de grandes bénédictions et fera en sorte que des choses positives se produisent, même si, normalement, ces bénédictions n’auraient pas été accordées.
Lorsque, à D.ieu ne plaise, il y a une situation où quelque chose ne va pas, nous devons réaliser que c’est le résultat des lois de causalité que D.ieu a établies. Cependant, nous devons également réaliser qu’en irradiant de la sim’ha, nous pouvons éveiller la sim’ha en haut et effectuer un changement radical à la situation qui se présente à nous.
Ceci démontre le pouvoir que possède notre joie. Avec la sim’ha, nous pouvons changer la composition du monde spirituel et, de cette manière, apporter la bénédiction et toutes les formes de bien à nous-mêmes, à nos familles et à l’ensemble du peuple juif.
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