Question :

Comment expliquer que les Juifs religieux semblent mener une vie si paisible ? Quel est le secret de leur tranquillité intérieure ? Existe-t-il un ingrédient spécial dans l’alimentation casher qui est la leur ?

Réponse :

Je ne suis pas en mesure de déterminer l’étendue des relations que vous avez eue avec des Juifs religieux, mais il apparaît de votre lettre que celles-ci furent pour le moins distantes.

Extérieurement, le judaïsme apporte beaucoup de stabilité. Même si ce n’est pas le cas pour tous, de nombreux Juifs religieux fondent leur vie sur des éléments qui manquent à la plupart des gens : une famille solide, une communauté qui les soutient, des responsables qu’ils respectent, des célébrations qui interrompent la monotonie, et un D.ieu Tout-Puissant à qui s’adresser.

Pourtant, n’idéalisons pas la vie juive. Selon mon expérience, les Juifs religieux doivent faire face à autant de bouleversements et de défis que n’importe qui d’autre. Ils ont des hauts et de bas, des tragédies et des comédies, des victoires et des déceptions. Leur seul privilège est que le judaïsme apporte un contexte et une compréhension à ces troubles.

La confusion est une condition inhérente à l’être humain. Ceci est dû au fait que nous sommes faits d’un corps et d’une âme. Le corps appartient à ce monde et il est matériel ; l’âme appartient transcende ce monde et elle est divine. Ce sont deux pôles opposés. Et notre « moi » est coincé entre les deux.

Le corps et l’âme veulent chacun s’approprier notre identité. Le corps affirme que la réalité se résume à ce monde, alors mieux vaut en profiter. L’âme perçoit une vérité plus élevée et plus spirituelle, et nous entraîne à sa rencontre. Ces vues diamétralement opposées coexistent en nous, et elles rivalisent pour gagner notre attention. Cette dualité au sein même de notre identité même est l’assurance d’une tourmente intérieure. Mais c’est comme cela que nous avons été créés.

Certains d’entre nous ont reçu l’enseignement de rechercher la paix intérieure et la sérénité. D’autres encore prétendent même les avoir atteints. On peut ressentir une sérénité temporaire en ignorant soit la voix du corps soit celle de l’âme – que ce soit en cédant au matérialisme ou en s’échappant vers une oasis spirituelle. Mais l’autre côté s’affirmera par la suite. Tant que nous habitons cette terre, notre corps et notre âme sont profondément liés. Nous pouvons devenir « spirituels », mais les sollicitations de notre corps ne disparaîtront pas. Nous pouvons devenir matérialistes, mais les aspirations de notre âme ne seront pas atteintes.

Le judaïsme offre une autre voie. Les kabbalistes ont enseigné que l’âme a été envoyée dans le monde d’ici-bas non pas pour esquiver le corps, mais pour le faire progresser. Le point central de la spiritualité juive est le raffinement de notre personnalité terrestre : nos appétits corporels, notre caractère, notre style de vie. On n’atteint pas ces buts en annulant la tension corps/âme, mais plutôt en l’assumant. Profiter des plaisirs de ce monde, mais sans nous laisser prendre au piège par eux. Chercher la spiritualité, mais ne pas perdre notre personnalité.

La Torah ne nous promet pas la tranquillité et n’a jamais prétendu être une voie vers la paix intérieure et la sérénité. Mais elle donne un sens à notre tourmente intérieure, et sanctifie nos efforts pour la surmonter. Ce n’est pas le chemin le plus facile. Cela signifie vivre à la frontière entre le matériel et le spirituel. Et peut-être ne jamais trouver la paix. Mais c’est la vie authentique, fidèle au corps et à l’âme.