Le prophète Isaïe (58,13) nous dit : « Et vous proclamerez le sabbat un “délice”, et le saint [jour] de D.ieu, “honoré”. »

Notant que ce verset nous fait à la fois obligation de nous réjouir du Chabbat et de l’honorer, nos rabbins expliquent que l’on honore le Chabbat en portant des vêtements spéciaux et propres et que l’on se délecte du Chabbat en savourant de bons plats et des boissons raffinées.1

À l’époque talmudique,2 le poisson était considéré comme un « délice » et était souvent savouré le Chabbat. Le Talmud raconte à ce sujet l’histoire de Yossef Mokir Chabbat, « Yossef qui chérit le Chabbat », qui achetait toujours du poisson en l’honneur du Chabbat. Ce mérite lui valut de découvrir une pierre précieuse dans le ventre d’un poisson et il devint très riche.

Il semblerait donc que la consommation de poisson le Chabbat relève de la préférence personnelle. Dès lors, si l’on préfère un autre aliment au poisson, il n’y a aucune raison de rechercher ce dernier et de le servir le Chabbat.

Cependant, les mystiques expliquent qu’il faut s’efforcer de consommer du poisson aux repas du Chabbat.3 Selon les mots du Choul’hane Aroukh Harav (citant les kabbalistes)4 :

Il convient de veiller à manger du poisson à chaque repas, à moins que [la constitution physique d’une personne ne soit telle que manger] du poisson lui soit nocif ou qu’il ne l’aime pas, c’est-à-dire que cela lui provoque de l’inconfort et non du plaisir, car le Chabbat a été donné pour le plaisir.

Les Juifs à travers les générations ont toujours consommé du poisson le Chabbat. La halakha traite d’ailleurs du cas de figure récurrent où les pêcheurs non juifs augmentaient le prix du poisson avant Chabbat en raison de la demande.

De nombreuses raisons expliquent la coutume de manger du poisson le Chabbat. En voici onze.

1. Une triple bénédiction

Rabbi Tsvi Élimelekh de Dinov, connu sous le nom de Bnei Yissaskhar, explique que lors des six jours de la création, D.ieu bénit trois choses lorsqu’Il les créa :

  1. Jeudi, Il bénit les poissons : « D.ieu les bénit en disant : “Soyez féconds et multipliez-vous, et remplissez les eaux des mers...” »5
  2. Vendredi, Il bénit l’humanité : « D.ieu les bénit (Adam et Eve). D.ieu leur dit : “Soyez féconds, multipliez-vous et remplissez la terre !” »6
  3. Le Chabbat, « D.ieu bénit le septième jour et Il le déclara saint... »7

« Une corde tressée de trois brins ne se cassera pas rapidement »,8 dit l’Écriture. Ainsi, nous combinons les trois : l’homme mange du poisson le Chabbat et est ainsi béni par la triple bénédiction sacerdotale9 :

  1. Que le Seigneur te bénisse et veille sur toi.
  2. Que le Seigneur fasse briller Sa face sur toi et qu’Il t’accorde la grâce.
  3. Que le Seigneur élève Sa face vers toi et qu’Il t’accorde la paix.10

2. Le nombre sept

Le Chabbat, le septième et dernier jour de la semaine, nous mangeons des aliments associés au chiffre sept. Le mot hébreu pour poisson est דג (dag), qui a la valeur numérique de sept.11

3. Les âmes des justes

Les mystiques expliquent que si les âmes des justes doivent retourner sur terre, elles se réincarnent souvent en poissons, qui ne font qu’un avec leur environnement. Contrairement à d’autres animaux, les poissons n’ont pas besoin d’être abattus rituellement et ne peuvent donc pas devenir non casher en raison des préparations ou de dommages à leurs entrailles.

Le saint jour du Chabbat, nous avons le mérite et l’énergie supplémentaires permettant d’élever ces âmes en les utilisant pour la mitsva de se réjouir du Chabbat.12

4. Une élévation facile

Contrairement à la viande et à la volaille qui nécessitent un processus spécial pour que la nourriture soit casher et prête à être élevée spirituellement, les poissons sont prêts à être élevés sans trop de préparation. Manger du poisson le Chabbat symbolise qu’en ce jour saint, il n’y a pas besoin de travail supplémentaire pour élever le monde matériel.13

(C’est également l’une des raisons pour lesquelles, dans un repas lors duquel du poisson et de la viande sont servis, la coutume est de prendre le plat de poisson en premier. Nous abordons d’abord la nourriture qui est la plus facile à élever spirituellement, et après avoir maîtrisé cela, nous passons aux aliments les plus difficiles.14 )

5. Une soif de chaque goutte de Torah

Tout comme un poisson vit dans l’eau, ce qui est crucial pour sa survie, nous devons rester immergés dans la Torah qui est comparée à l’eau, comme il est écrit : « Que quiconque a soif aille vers l’eau. »15 Ceci est clairement expliqué dans la parabole du renard et des poissons dans le Talmud.16

Mais bien que les poissons soient constamment dans l’eau, il est dit que lorsqu’il pleut, ils ouvrent la bouche pour attraper les gouttes de pluie comme s’ils n’avaient jamais goûté à l’eau de leur vie. De même, les Juifs, qui sont immergés dans la Torah en permanence, s’efforcent d’apprendre de nouvelles interprétations de la Torah le Chabbat. De plus, il est écrit dans le Zohar que le Chabbat est dédié à la Torah et aux questions de l’âme, car c’est le Chabbat que la Torah fut donnée à Israël au Sinaï.17

6. Ils n’ont pas de paupières

Les poissons n’ont pas de paupières. En conséquence, leurs yeux sont toujours ouverts. La consommation de poisson le Chabbat fait allusion à la notion que les « yeux » de D.ieu sont toujours ouverts, veillant sur nous avec amour et compassion.18

7. Le premier plat

Les poissons furent les premiers êtres vivants créés, et Chabbat est la source de toute vie pour la semaine à venir. Par conséquent, la coutume est de commencer le repas de Chabbat avec du poisson.19

(Il convient de noter qu’il existe d’autres raisons halakhiques pour lesquelles le poisson passe avant les autres plats d’un repas.20 )

8. Plus raffiné

Pendant le déluge à l’époque de Noa’h, les animaux terrestres furent également punis, car ils s’étaient corrompus et s’accouplaient avec des animaux qui n’étaient pas de leur espèce.21 Les poissons, cependant, purent survivre dans l’eau car ils n’étaient pas corrompus. Le Chabbat, lorsque nous célébrons le jour le plus spirituellement élevé de la semaine, il est normal que nous le fassions avec la créature la plus spirituellement élevée.22

9. Pêcher une mitsva

En général, il est nécessaire d’accomplir sur les animaux casher certaines mitsvas avant qu’ils puissent être mangés (par exemple, l’abattage casher et l’élimination du sang par salage). Les poissons sont une exception. Il n’y a pas de mitsva ou de rituels particuliers à accomplir avant de pouvoir les consommer. C’est pourquoi, pour compenser ce manque, nous mangeons du poisson le Chabbat, associant ainsi le poisson à la grande mitsva de Chabbat.23

10. Le plat manquant

Le Midrash nous dit que la manne avait tous les goûts imaginables que l’on pouvait souhaiter, à l’exception du goût du poisson. C’est pourquoi le peuple se plaignit en disant : « Nous nous souvenons du poisson que nous mangions en Égypte. » Ce manque de poisson devint l’objet de leur mécontentement et de leur plainte dans le désert. C’est pourquoi nous avons maintenant la coutume de manger du poisson, manifestant ainsi notre gratitude envers D.ieu et exprimant le fait que notre plaisir dans le Chabbat est « complet ». Ce qui était autrefois un symbole de nos griefs envers D.ieu est devenu un symbole de gratitude.24

11. Le Léviathan à l’époque messianique

Le saint jour du Chabbat est une lueur du Olam Haba, le Monde à Venir, qui est appelé « le jour qui sera complètement Chabbat ». Puisque l’un des aliments qui seront servis lors du grand festin de la venue de Machia’h est le Léviathan, nous avons l’habitude de manger du poisson le Chabbat.25

Avec cette coutume, nous montrons également notre aspiration à la venue de Machia’h, puisse-t-elle advenir rapidement de nos jours !