La communauté juive était en état de choc. C’était les années 60 et une grande synagogue de Toronto au Canada avait été incendiée. Même les rouleaux de la Torah avaient été emportés par les flammes. La police en attribua la responsabilité à des antisémites. La communauté, qui comptait de nombreux survivants de la Shoah, tremblait à l’idée que la haine des Juifs soit parvenue jusque dans leur quartier.
‘Haïm Kaplan était un jeune garçon d’environ treize ans à cette époque qui habitait Toronto avec sa mère et son jeune frère, Chmouel. Ils n’étaient pas spécialement pratiquants, mais la nouvelle de cet incendie parvint aux oreilles de ‘Haïm qui en fut profondément bouleversé.
À cette époque, un rabbin ‘Habad-Loubavitch du nom d’Avraham Yaakov Gluckowsky dirigeait un office de Chabbat réservés aux jeunes qui, autrement, ne se rendaient pas à la synagogue. Ils récitaient ensemble une version abrégée de la prière du matin, puis il leur racontait l’histoire de la lecture de la Torah hebdomadaire, et il faisait le Kiddouch et distribuait quelques friandises. Avec le temps, le nombre d’enfants participant à cet office augmenta, jusqu’à parfois atteindre plus de 70 .
Le Chabbat qui suivit l’incendie, deux nouveaux garçons se présentèrent à l’office : ‘Haïm Kaplan et son frère Chmouel. À la fin de la prière, ‘Haïm s’approcha du rabbin et lui demanda : « Comment D.ieu a-t-Il pu permettre à des antisémites de brûler Sa Torah ? ».
Le Rav Gluckowsky fut surpris par la question. Il regarda ‘Haïm et lui répondit, avec de l’angoisse dans la voix : « Je ne sais pas. Il y a des choses que nous ne pouvons pas comprendre. »
‘Haïm fut surpris d’entendre le rabbin admettre qu’il ne savait pas. Ce fut cette réponse qui le conquit. À partir de ce moment, lui et son frère commencèrent à fréquenter régulièrement le minyane des jeunes le Chabbat. Petit à petit, ils se mirent à pratiquer d’autres mitsvot, jusqu’à ce qu’ils décident qu’ils voulaient changer d’école pour aller dans une école juive. Leur mère n’était pas enthousiaste à cette idée, mais elle accepta la requête de ses enfants.
Pessa’h approchait. Les deux frères étaient conscients que leur mère ne serait pas prête à faire tout le nécessaire pour rendre la maison casher pour Pessa’h, et ils décidèrent donc de passer la fête dans une famille pratiquante de New York, près de la synagogue du Rabbi de Loubavitch.
C’est ainsi que ‘Haïm écrivit une lettre au Rabbi dans laquelle il annonçait chez qui lui est son frère allaient passer la fête et décrivait combien il était heureux de passer la fête auprès du Rabbi.
Peu après, il reçut une réponse du Rabbi : « Passez la fête à la maison avec votre mère. Si vous avez des questions, adressez-vous au Rav Gluckowsky et au Rav Schochet, le rabbin de la communauté ‘Habad-Loubavitch de Toronto ! »
‘Haïm fut très étonné de recevoir cette réponse du Rabbi et il téléphona immédiatement aux deux rabbins mentionnés dans la lettre. Eux aussi furent stupéfaits, sachant ce que la préparation pour Pessa’h signifie.
Les deux rabbins s’en furent en discuter avec la mère des deux garçons. Ils soulignèrent à quel point il était important pour le Rabbi de Loubavitch que ses enfants restent avec elle pendant Pessa’h, et que la famille célèbre la fête ensemble de sorte qu’elle ne demeure pas seule. Ils lui exposèrent les lois régissant le processus de rendre une maison casher pour Pessa’h.
La mère des garçons fut très touchée de la sollicitude du Rabbi et elle dit qu’elle ferait tout ce qu’elle pourrait pour s’assurer que la maison soit casher pour Pessa’h. Les rabbins l’aidèrent à préparer la cuisine et à acheter de la nouvelle vaisselle et, finalement, la maison fut prête selon les critères de cashrout les plus exigeants.
Les rabbins firent également inviter les Kaplan par des familles habitant non loin de chez eux pour les Séders de sorte qu’ils puissent les célébrer dans une atmosphère festive.
Le Rav Gluckowsky et sa famille s’en furent passer la fête chez son père dans le quartier de Boro Park à Brooklyn, et il eut ainsi l’occasion de rencontrer le Rabbi le jour précédant Pessa’h, lorsque celui-ci distribuait de petits morceaux de ses propres matsas.
Après que le Rabbi lui eut donné un morceau de sa matsa, le Rav Gluckowsky lui demanda un autre morceau pour ‘Haïm et Chmouel Kaplan. Le Rabbi demanda immédiatement : « Sont-ils avec leur mère ? » Le Rav Gluckowsky répondit que, oui, la famille passait Pessa’h ensemble, et les garçons iraient dans deux familles de Toronto pour les Séders. Le Rabbi demanda si leur mère irait également, et le Rav Gluckowsky dit qu’elle irait aussi.
Le visage du Rabbi s’illumina de bonheur. Il plongea la main dans la boîte de matsa, en retira une matsa entière, et au Rav Gluckowsky : « C’est pour les frères Kaplan ! »
Quarante ans plus tard, l’un des fils du Rav qui l’avait accompagné à New York ce Pessa’h –le Rav Mena’hem Mendel Gluckowsky de Re’hovot en Israël – se rendit à New York pour passer la fête de Chavouot dans la synagogue du Rabbi. Alors qu’il achevait sa prière dans la synagogue installée dans le bureau au Rabbi, il remarqua ‘Haïm Kaplan, aujourd’hui le fier grand-père de nombreux petits-enfants, qui priait là également.
Après la prière, il s’en fut le saluer et ils eurent tous deux une longue conversation. ‘Haïm demanda au rabbin s’il savait comment il était devenu pratiquant. Le rabbin avait entendu l’histoire de son père, mais il était heureux de l’entendre à nouveau selon le point de vue de son protagoniste. ‘Haïm lui en fit le récit complet et détaillé
Lorsqu’il acheva son récit, ‘Haïm dit : « Quand j’ai demandé comment il était possible que D.ieu ait laissé des antisémites brûler Sa Torah, votre père n’a pas su quoi répondre. Mais maintenant je connais la réponse. Sans ce terrible événement, mon frère et moi-même n’aurions jamais découvert le monde du judaïsme. »
Traduit et adapté de Si’hat Hachavoua n° 1368
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