Nos sages nous disent qu’une propension aux actes de bonté est l’une des trois caractéristiques fondamentales de l’âme juive. Je voudrais partager avec vous une histoire qui m’a profondément ému, qui se rapporte à cette caractéristique de bonté et de responsabilité mutuelle.

Le rabbin Eliezer Zusha Portugal (1896-1982), le Skulener Rebbé, était le Rabbi ‘hassidique d’une petite ville, Sculeni, dans ce qui était alors le nord-est de la Roumanie (aujourd’hui l’Ukraine). Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale en mars 1945, il se retrouva avec d’autres réfugiés survivants de la Shoah dans la ville de Czernovitz, en Bucovine, gouvernée par la Russie. Bien que l’Allemagne ne se rendît officiellement que le 7 mai, une grande partie de l’Europe de l’Est avait déjà été libérée par l’armée russe.

Pessa’h n’était qu’à quelques semaines. Bien que certaines denrées alimentaires de Pessa’h étaient alors distribuées aux réfugiés par les organisations caritatives, le Rabbi de Skulen chercha à obtenir du blé avec lequel il pourrait faire de la Matsa Chemoura correctement surveillée et cuite selon la tradition. Malgré la détresse économique des Juifs, il put préparer un petit nombre de ces matsas. Il envoya un message à d’autres Rabbis de la région, offrant à chacun d’eux de lui donner trois matsas.

Une semaine avant Pessa’h, Rav Moshé Hager, le fils du Rabbi de Seret-Vizhnitz, vint chercher les matsas qui avaient été offertes à son père, Rabbi Boroukh Hager. Après avoir reçu les trois matsas, il dit au Rabbi de Skulen : « Je sais que vous avez fait savoir que vous ne pouvez donner que trois matsas, mais néanmoins mon père, le Rabbi de Seret-Vizhnitz, m’a dit de vous dire qu’il doit recevoir six matsas. » Le Rabbi de Skulen estima qu’il n’avait pas d’autre choix que d’honorer cette requête, bien qu’à contrecœur.

La veille de Pessa’h, Rav Moshé revint chez le Rabbi de Skulen, en disant : « Je veux vous rendre trois des matsas. »

– Mais je ne comprends pas. Je pensais que votre père devait absolument avoir six matsas.

– Mon père m’a dit de vous demander si vous avez gardé pour vous-même une partie de la Matsa Chemoura.

Embarrassé, le Rabbi de Skulen répondit : « Comment aurais-je pu, alors que tant d’autres en avaient besoin ? »

– Mon père a supposé que c’est ce que vous feriez, expliqua Rav Moshé. Ces trois matsas sont pour vous !