Demandez à n’importe quel adulte de vous parler de ses souvenirs de ‘Hanouka, et vous verrez qu’au fond de lui, les images qu’il a de cette fête hivernale sont inévitablement liées à son enfance.
Mon père, le Rav Yaakov Moshé HaKohen Friedman, de mémoire bénie, ne chantait pas Maoz Tsour de la façon dont ce chant est enseigné dans les écoles juives d’aujourd’hui. Il chantait la version longue traditionnelle. À la fois mélodique et lugubre, cette version est pleine de crescendos dramatiques et de liturgie cadencée.
Mon père apprit cette mélodie de son propre père, qui l’avait entendue à la synagogue du Rama à Cracovie. Il enseigna la mélodie à ses enfants, et elle devint aussi chère pour nous que pour lui. Quand nous étions petits, le point culminant de notre ‘Hanouka (en plus de recevoir un dollar d’argent brillant) était quand nous nous rassemblions autour de la ménorah pour nous joindre à lui pendant qu’il chantait magistralement son Maoz Tsour. Mes six frères et ma sœur sont tous bénis par un don pour le chant, et le chœur qui en résultait était vraiment magnifique.
En tant qu’aînée de la famille, je fus la première à me marier et à quitter la maison. Le premier ‘Hanouka en tant qu’émissaire du Rabbi de Loubavitch à Detroit, je me languissais du Maoz Tsour de mon père. J’ai appelé ma mère, puisse-t-elle avoir une longue vie et une bonne santé, et elle m’a proposé de rester en ligne et d’écouter pendant que mon père allumait la ménorah.
C’est ainsi que naquit une tradition. Chaque ‘Hanouka, en général le cinquième soir, je téléphonais « à la maison » et ma famille écoutait mon père chanter Maoz Tsour si magnifiquement, accompagné de mes frères et sœurs. Au fil des ans, il y eut, grâce à D.ieu, des petits-enfants et des arrière-petits-enfants passant ‘Hanouka avec Zaidy et Bobby,1 autant de voix supplémentaires qui se joignirent au chant... et le chœur grandit.
Les dernières années, lorsque la santé de mon père commença à décliner régulièrement, je savais que lorsque j’allais téléphoner la cinquième nuit, certaines choses seraient les mêmes, mais certaines choses seraient différentes.
Mon père avait désormais besoin d’aide pour s’approcher de la grande ménorah argentée. Un petit-fils guidait sa main pour allumer la mèche dans le godet d’huile, et lui soufflait doucement les bénédictions. Mais alors, quand les flammes étaient allumées et éclairaient la pièce, quelqu’un disait : « Zaidy, chantons Maoz Tsour. »
Mon père le regardait quelques instants avec perplexité, puis il fronçait les sourcils en se concentrant et puisait dans la mémoire qui était pour toujours imprimée dans son esprit, et il se mettait lentement à chanter : « Maoz Tsour yeshouossi, lekha naeh leshabea’h... »
La famille le laissait chanter seul quelques instants, puis ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants ajoutaient leurs voix, doucement au début, puis de plus en plus fort. Et quand le dernier crescendo s’était éteint et que les dernières paroles avaient été chantées, il y avait des larmes dans les yeux de mon père, et il souriait.
La dernière année de sa vie, nous avons organisé une fête de ‘Hanouka pour mon père dans sa maison médicalisée. Il était très fragile et ne parlait pratiquement pas. Mais nous étions déterminés à lui faire célébrer ‘Hanouka.
Cette année-là, mes frères ont fait un enregistrement professionnel de plusieurs des mélodies que nous avons toujours chantées autour de la table de mon père, y compris Maoz Tsour (que vous pouvez écouter ci-dessous). Nous voulions que mon père l’entende régulièrement en prévision de la fête. Nous avons donc acheté des écouteurs high-tech, les avons mis doucement sur la tête de mon père et lui avons fait écouter Maoz Tsour enregistré par ses fils.
Le matin de la fête, plusieurs d’entre nous rendirent visite à notre père, et nous lui rappelâmes que c’était ‘Hanouka. Tout à coup, à notre complète stupéfaction, il se mit à chanter Maoz Tsour. Nous retenions notre souffle pendant qu’il chantait lentement mais joliment les deux premières strophes de la chanson, puis il demeura de nouveau silencieux.
Ce soir-là, à la fête, mon père n’a pas participé au chant. Mais ce n’était pas grave. Nous avions déjà assisté à notre miracle de ‘Hanouka.
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