Bien que sonner le Choffar (corne de bélier) à Roch Hachana soit un précepte biblique1 – quel que soit le jour de la semaine où tombe la fête2) – la Michna3 nous dit que nous ne sonnons pas le Choffar lorsque Roch Hachana tombe le Chabbat :

Si la fête de Roch Hachana tombe le Chabbat, le Choffar est sonné dans le Saint Temple,4 mais pas dans le Pays.

Le Talmud5 nous donne l’explication de cette loi surprenante :

Rabbah a dit : Tous sont obligés de sonner le Choffar, mais tous ne sont pas qualifiés pour sonner le Choffar. Par conséquent, il y a un risque que quelqu’un prenne le Choffar et se rende chez un expert pour apprendre [comment le sonner correctement], et qu’il le porte quatre coudées dans le domaine public [ce qui est interdit le Chabbat].6

En effet, les Sages sont habilités à « annuler » un précepte de la Torah (si leur instruction implique seulement une retenue dans l’action et non une violation active d’un commandement biblique).7 Notre obligation de suivre de telles directives est implicite dans le verset8 : « Et tu agiras selon ce qu’il te diront, depuis ce lieu que D.ieu choisira, et tu auras soin de te conformer à tout ce qu’ils t’instruiront de faire. »9

Dans de nombreux discours ‘hassidiques,10 il est expliqué qu’il est inconcevable que les Sages aient pu priver tout Israël des bienfaits découlant de l’une des plus grandes mitsvot que nous ayons uniquement parce que quelques âmes ignorantes risqueraient de se tromper. Nous devons conclure que les Sages ont compris que le jour du Chabbat, il est en fait inutile de sonner le Choffar, car ce que nous accomplissons normalement en sonnant le Choffar s’accomplit de soi-même le Chabbat.

L’accomplissement du Choffar est de renouveler le plaisir de D.ieu dans Ses œuvres, en particulier dans ce monde, de sorte qu’Il ait le désir de continuer à leur insuffler la force vitale nécessaire à leur existence. S’Il retire du plaisir de notre existence, Il a alors des raisons de continuer à nous créer et de perpétuer Sa relation avec nous. (Pour approfondir ce sujet, voir La trame kabbalistique de Roch Hachana.)

Le thème principal du Chabbat est également le plaisir, le délice et le désir. « Appelez le Chabbat un délice », nous enjoint le prophète,11 ce que nous accomplissons en prenant de délicieux repas.12 Et ce que D.ieu nous ordonne de faire, Il le fait aussi Lui-même.13 Si c’est le cas, le jour du Chabbat, le plaisir et le désir de continuer perpétuer notre monde et notre relation sont déjà présents, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de sonner le Choffar pour les renouveler.

(Il existe néanmoins de nombreuses degrés de plaisir. Le niveau de plaisir divin suscité en sonnant le Choffar dans le Saint Temple – l’endroit où l’essence de D.ieu était manifestée – est plus grand que le plaisir naturellement suscité le Chabbat. C’est la raison pour laquelle le Choffar est sonné dans le Temple même lorsque Roch Hachana tombe le Chabbat.)

Nous espérons bientôt mériter d’entendre le « grand Choffar » qui retentira le jour de la Rédemption : « En ce jour retentira un grand Choffar, alors arriveront ceux qui étaient perdus dans le pays d’Assyrie, et ceux qui étaient exilés en terre d’Égypte, et ils se prosterneront devant D.ieu sur la montagne sainte, à Jérusalem. »14

Le « grand Choffar » symbolise le niveau ultime de plaisir, bien plus élevé même que le plaisir suscité dans les Saints Temples d’autrefois : le plaisir que D.ieu prend en chacun de Ses enfants. C’est ce plaisir qui sera ressenti et manifesté.

En effet, c’est cette immense révélation, ce grand retentissement du Choffar, qui atteindra le cœur des Juifs même les plus éloignés – ceux « perdus en terre d’Assyrie et exilés en terre d’Égypte » – et suscitera en eux le désir de revenir à leur place réelle : la sainte montagne de Jérusalem.15

Je vous souhaite à vous et aux vôtres une douce nouvelle année,

Rav Naftali Silberberg,

Équipe éditoriale de Chabad.org