Un penseur prolifique célèbre pour son commentaire monumental du Talmud

Le Rav Adin Even-Israel (Steinsaltz), célèbre talmudiste, kabbaliste, éducateur, rabbin communautaire, philosophe, auteur prolifique – et, par-dessus tout, hassid dévoué – qui fut internationalement considéré comme l’un des principaux rabbins de ce siècle, et décrit par le Time Magazine comme étant « un érudit comme il y en a une fois dans un millénaire », est décédé à Jérusalem le 7 août. Il avait 83 ans.

Il était né en 1937 à Jérusalem. Ses parents, Avraham Moshé et Léah Steinsaltz, étaient des immigrants polonais ayant une vision du monde laïque de gauche assumée. Dans ses années d’enfance et d’adolescence dans le quartier de Katamon de la Ville sainte, le jeune Adin était doté d’une curiosité exacerbée, et il se plaisait à raconter comment il s’investit dans l’exploration des textes religieux lorsqu’il les découvrit pour la première fois avec la même rigueur et la même voracité qu’il avait appliquées aux écrits des penseurs communistes et socialistes auxquels ses parents l’avaient initié.

Avec une détermination à la mesure de son intellect, l’adolescent réussit à obtenir la permission de ses parents d’étudier le talmud et la philosophie ‘hassidique à plein temps à la yeshiva ‘Habad de Lod. Presque aussitôt, il commença à correspondre avec le Rabbi de Loubavitch – Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, de mémoire bénie – qui avait récemment repris le flambeau de la direction du mouvement ‘Habad-Loubavitch après le décès de son beau-père et prédécesseur, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, de mémoire bénie.

Suivant le modèle de nombreuses grandes figures rabbiniques à travers l’histoire juive, Adin Steinsaltz compléta ses études religieuses par une immersion dans les études scientifiques, étudiant la chimie et la physique à l’Université hébraïque de Jérusalem avant d’entrer dans le domaine de l’éducation. Il fonda plusieurs écoles expérimentales et devint le plus jeune directeur d’école de l’État d’Israël à l’âge de 24 ans.

En 1965, il épousa ‘Haya Sarah Azimov, fille du Rav ‘Haïm Hillel Azimov, directeur du réseau des Talmud Torah Loubavitch de Paris. Le Rabbi avait conseillé à celle-ci de trouver son âme sœur en Israël, et c’est ce qui arriva. Le Rav Adin devint ainsi le beau-frère du Rav Chmouel « Moulé » Azimov, qui allait devenir l’émissaire du Rabbi à Paris.

Un ‘hassid dévoué

Chez le Rabbi, il trouva plus qu’un simple guide intellectuel et un maître en Torah. « Je crois fermement qu’il possédait une sorte de capacité surnaturelle et qu’il était en contact avec un autre état d’être, que je n’hésite pas à appeler le Divin », a-t-il évoqué dans Mon Rabbi, sa biographie du Rabbi parue en 2014 qui commence par cette phrase : « Une personnalité intense, foncièrement singulière. Telle fut mon impression immédiate, dès ma première rencontre avec le Rabbi. »

Cette première rencontre eut lieu en 1970, quand à l’âge de 33 ans il fut envoyé pour saluer le Rabbi en tant que représentant du président Zalman Shazar.

Les Steinsaltz eurent trois enfants, Esti, Meni et Ame’hayé. En plus de le guider dans ses études de la Torah et son leadership communautaire, le Rabbi manifesta à son égard une attention quasi paternelle ainsi que des conseils divinement inspirés sur des questions personnelles.

En 1989, le Rabbi conseilla au Rav et à son épouse que la famille change leur nom de famille « Steinsaltz » qui évoque l’amertume en une alternative hébraïque. Le nom qu’ils choisirent fut « Even-Israel ».

Peu de temps après, leur fils de 15 ans reçut un diagnostic de leucémie. Le Rabbi bénit le garçon et donna instruction aux parents de ne pas procéder à une greffe de moelle osseuse. « Les médecins étaient furieux que nous choisissions de suivre les conseils du Rabbi et non les leurs, raconta le Rav Adin dans Mon Rabbi. Malgré leur prédiction, notre fils a guéri, s’est marié et a eu des enfants… des années plus tard, les médecins ont admis… que leur approche avait été erronée. »

Un auteur primé de textes juifs révolutionnaires

Pour beaucoup, Rav Adin Even-Israel restera dans les mémoires pour avoir traduit et élucidé l’intégralité du Talmud en hébreu moderne puis en anglais, ce qui constitua un exploit individuel inégalé qu’il commença à l’époque de son mariage et acheva des décennies plus tard.

Son ouvrage sur la Kabbale devenu un classique, La Rose aux Treize Pétales (Albin Michel), fut publié en 1980 et traduit en huit langues. En tout, il est l’auteur de plus de 60 livres et de centaines d’articles, y compris des traductions révolutionnaires. Des vidéos et des extraits de plusieurs de ses écrits peuvent être trouvés sur Chabad.org.

Le Rav Even-Israël sur le mouvement ‘Habad-Loubavitch à Paris (hébreu)

Homme frêle au sourire en coin et à la voix aiguë, le Rav Even-Israel était connu pour son sens de l’humour caustique et son mépris pour les faux-semblants. Un admirateur se souvient de l’avoir complimenté une fois après un cours de Talmud pour débutants, disant innocemment au rabbin à quel point il avait apprécié le cours. « Vous n’étiez pas censé l’apprécier, fut la réponse. Vous étiez censé apprendre quelque chose. »

Récipiendaire de plusieurs prix prestigieux, dont le Prix d’Israël, il fut chercheur invité au Woodrow Wilson Center for International Studies à Washington et à l’Institute for Advanced Studies de Princeton.

Le Rav Even-Israel reçut de nombreuses distinctions, y compris le Prix d’Israël pour les Études Juives en 1988, le Prix du Président et le Prix National du Livre Juif en 2012 pour avoir rendu l’étude du Talmud plus accessible, et la médaille Yakir Yeroushalayim (« Digne Citoyen de Jérusalem ») en 2017. Parmi ses diplômes honorifiques se trouvent des doctorats de la Yeshiva University, de l’Université Ben-Gourion du Néguev, de l’Université Bar-Ilan, de l’Université Brandeis et de l’Université Internationale de Floride.

Depuis la fin des années 1950, il donna régulièrement un cours de philosophie ‘Habad tous les jeudis soirs à 22h40. Présenté à l’origine par le Rav S.Y. Zevin, ce cours attirait la fine fleur de la société intellectuelle israélienne, y compris le président Shazar qui y assista pendant son mandat.

À la demande du Rabbi, il fut le rabbin de la synagogue « Tsema’h Tsedek », le seul lieu de culte juif de la Vieille ville de Jérusalem qui ait survécu à l’occupation jordanienne entre 1948 et 1967. Il assuma cette fonction quelques années après la libération de la Vieille ville et continua à faire la longue marche de son domicile à la synagogue chaque Chabbat jusqu’à ce que sa santé fragile l’en empêche.

En Israël, les écoles sous sa direction dispensent des enseignements ‘hassidiques ‘Habad et s’adressent à des étudiants de divers horizons, en particulier ceux des cercles « modernes orthodoxes » (religieux nationaux).

En 1989, il fonda la Yeshivat Shamir dans le Moscou post-glasnost.

À un moment donné, il se sentit submergé par sa charge de travail écrasante et écrivit au Rabbi pour lui demander quelles tâches il devrait abandonner. La réponse du Rabbi fut : « Continuez tout ce que vous faites et ajoutez de nouveaux projets. » Il prit cette directive à cœur et il est à ce jour l’un des auteurs juifs les plus prolifiques du monde, ayant publié des commentaires sur le plus large éventail de sujets même après avoir dépassé l’âge de 80 ans.

Lorsque la nouvelle de son décès se répandit, des hommages ont afflué de l’ensemble du paysage de la vie juive.

« C’était un homme d’un grand courage spirituel, d’une immense connaissance et d’une pensée profonde qui a amené le Talmud à Am Yisrael en un hébreu et un anglais clairs et accessibles », a tweeté le président israélien Reuven Rivlin.

Rav Adin Even-Israel (Steinsaltz) laisse dans le deuil sa femme, leurs trois enfants, 18 petits-enfants et arrière-petits-enfants, dont un garçon né la veille du décès de son arrière-grand-père.

En raison de la pandémie de coronavirus, la famille a demandé que le cortège funèbre et l’inhumation soient limités aux membres de la famille.