Assis parmi ses ‘hassidim, Rabbi Tsvi Elimelekh Schapiro (1783-1841) de Dinov, en Pologne, raconta l’histoire suivante :
De nombreux volontaires se mirent à ratisser la région
Un an après leur mariage, un jeune couple eut la joie d’accueillir leur premier enfant, un petit garçon en bonne santé. Hélas, le bonheur ne devait pas durer. Quelques semaines plus tard, la jeune mère sortit de la maison et ne revint pas. De nombreux volontaires se mirent à ratisser la région à sa recherche, mais sans succès. Elle avait disparu sans laisser de trace.
La vie continua et l’enfant grandit avec un père dévoué, mais sans mère. Lorsqu’il fonda sa propre famille, le jeune homme ouvrit un petit magasin de vêtements. Il se rendit compte rapidement qu’il pouvait gagner plus d’argent en contournant le grossiste et en achetant des vêtements directement auprès du fabricant. Ainsi, tôt un jeudi matin, il engagea un cocher pour l’emmener à la fabrique de vêtements et ils se mirent en route pour le long trajet.
Après une journée d’achats réussie, il empila soigneusement ses marchandises et se mit à la recherche d’un charretier qui pourrait le ramener chez lui. Alors que le soleil amorçait sa descente inexorable vers l’ouest, il fut repéré par un charretier non-juif qui lui offrit ses services. En entendant l’itinéraire du jeune homme, le charretier proposa un changement pratique au programme : « J’habite sur cette route, à environ deux heures d’ici. Nous pouvons nous arrêter chez moi pour la nuit, et demain matin, je vous ramènerai chez vous. »
Le jeune homme accepta. Mais pas le climat.
D’épais flocons se mirent à tomber, s’accumulant à une vitesse inquiétante, au point où le cheval progressait difficilement. C’est à peine s’ils réussirent à atteindre le domicile du charretier, où celui-ci présenta le jeune marchand à sa mère. Après avoir échangé les politesses d’usage, le visiteur fit silencieusement Maariv, la prière du soir.
La neige continua de tomber toute la nuit et tout espoir de reprendre la route pour arriver chez lui avant l’entrée du Chabbat s’évapora. La déception du jeune homme était palpable. Aussi reconnaissant qu’il fût envers ses hôtes, passer le saint jour avec des non-juifs, loin de sa famille, n’était pas ce qu’il avait envisagé.
Comme il se faisait tard dans l’après-midi, il se mit à ses préparatifs habituels pour le jour de repos. Rien, pensa-t-il résolument, ne gâcherait son Chabbat. Il se lava et se mit dans un coin de la pièce pour dire la prière de l’après-midi, Min’ha.
La mère du charretier ne dit rien, mais une demi-heure avant le coucher du soleil, elle disposa deux bougies sur la table et les alluma. Elle se couvrit le visage et marmonna quelque chose pour elle-même. Le visiteur écarquilla les yeux.
– Puis-je demander ce qui pousse une femme non-juive à allumer les bougies de Chabbat ?, parvint-il à dire.
La femme ignora sa question, lui demandant à la place : « D’où venez-vous ? »
Le jeune homme nomma sa ville natale. Les yeux de la femme brillèrent un instant.
– Et connaissez-vous ces personnes ?, demanda-t-elle, énumérant les membres prestigieux de la communauté juive de la ville.
– Bien sûr que je les connais ! Mais vous, comment les connaissez-vous ?
« J’ai habité là-bas », dit la femme avec nostalgie, et elle se lança dans le triste récit de ses diverses erreurs, des mauvais choix qu’elle avait faits et de sa fuite impulsive de sa vie antérieure.
Lorsque le jeune commerçant mentionna le nom de son père, la voix de la femme se brisa. « Mon fils… tu es mon fils », dit-elle en larmes.
Le jeune marchand avait beaucoup à digérer. C’était sa mère qui était assise devant lui – la mère qu’il n’avait ni vue ni entendue depuis qu’il était un nourrisson, dont il n’avait aucun souvenir. Et le charretier « non-juif » était en réalité son demi-frère juif ! Ils s’assirent et parlèrent jusque tard dans la nuit, sans voir passer le temps. Ce fut une nuit profondément émouvante.
Le lendemain matin, alors que le voyageur faisait la prière de Cha’harit, il entendit un terrible cri venant de la pièce voisine.
Elle méritait un enterrement juif« Elle est morte ! Maman est morte ! », gémit le charretier à plusieurs reprises. Après s’être remis du choc, le charretier se lamenta que le curé local s’attendait sûrement à être richement payé pour l’enterrement.
« Ta mère – notre mère – était juive, lui dit son nouveau demi-frère. Elle mérite un enterrement juif. Demain, rassure-toi, je m’en occuperai dans le cimetière juif le plus proche. »
Et effectivement, le dimanche matin, la femme fut enterrée dans une bourgade juive voisine.
« Voyez-vous la grandeur d’une unique mitsva ?, s’écria Rabbi Tsvi Elimelekh à l’adresse de ses ‘hassidim. Cette femme avait abandonné son mari et son nouveau-né pour poursuivre une vie de péché. Pourtant, parce qu’elle avait conservé l’unique mitsva d’allumer les bougies de Chabbat, elle mérita finalement un enterrement juif. »
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