Sous la pression de la distanciation sociale et de l’isolement, nous assistons à l’éveil d’une conscience sociale renouvelée.
Non seulement nos interactions avec les autres n’ont pas diminué, mais elles sont devenues plus significatives, plus précieuses, plus intentionnelles, plus résolues. Les gens se rencontrent et se saluent, d’une manière apparemment plus fréquente que jamais, non pas en personne, mais dans l’éther instantané du cyberespace.
Que ce soit par le biais de la vidéoconférence Zoom, via les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, WhatsApp, par e-mail ou par téléphone, les gens utilisent la technologie pour se connecter, s’organiser, s’entraider et étudier ensemble.
C’est paradoxal, mais c’est vrai : l’isolement rassemble les gens.
Bien avant que la vidéoconférence interactive ne devienne une partie si centrale de la vie quotidienne, un visionnaire avait compris comment exploiter son immense potentiel spirituel et social.
Le Rabbi de Loubavitch – Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, de mémoire bénie – en avait articulé le principe de base dès l’été 1960, il y a près de six décennies :
Il y a la communication par l’écrit et l’imprimé... il y a la communication par la parole... mais la possibilité de communication par la radio est doublement avantageuse. Premièrement, la voix ne s’affaiblit pas, mais atteint les extrémités de la terre avec la même vigueur avec laquelle elle a quitté la bouche de l’orateur. Dès lors, si ce sont des paroles qui émanent du cœur, elles entreront également dans le cœur de l’auditeur. Deuxièmement, la parole est transportée sans long intervalle. Bien que le temps s’écoule, puisque tout dans ce monde est limité par le temps, elle voyage très rapidement, à la vitesse de la lumière. (Torat Mena’hem Hitvaadouyot, vol. 28, 145-148.)
Répondant aux objections soulevées dans certains milieux religieux selon lesquelles la radio pourrait être en quelque sorte « impie » ou préjudiciable au judaïsme, le Rabbi cita un passage du Tanya de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, l’œuvre fondamentale de la pensée ‘Habad : « Il n’y a rien de matériel ou de spirituel qui nous sépare de D.ieu... c’est seulement le péché qui nous sépare. »
Mais ce n’est pas simplement que la technologie est « casher ». Après tout, ce n’est pas parce qu’une chose est casher qu’elle est idéale ou qu’elle doit être adoptée sans réfléchir. Ce qui est vraiment essentiel ici, c’est que le Rabbi a considéré l’accent mis sur l’interaction interpersonnelle, sur le sens interpersonnel et sur l’amour interpersonnel comme étant l’une des principales innovations spirituelles de la ‘Hassidout. Cette idée est résumée dans une anecdote qu’il publia dans son premier livre, Hayom Yom :
Les premiers ‘hassidim de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi se rassemblèrent une fois à une date entre 1784 et 1787, et le sujet de leur discussion était que l’innovation du Rabbi est que l’on n’est pas seul. Dans le passé, le maître – le doyen de l’académie ou le sage génial – était seul et les disciples étaient seuls également. La voie du ‘Hassidisme instituée par le Rabbi constitue la grande et sainte innovation que le Rabbi n’est pas seul et les ‘hassidim ne sont pas seuls. (Hayom Yom du 22 Iyar.)
La solitude, ou l’aliénation, a longtemps été identifiée par les théoriciens et les sociologues comme l’une des maladies de la condition humaine, en particulier à l’époque moderne. Dans la période actuelle, ceux qui souffrent de solitude sont encore plus vulnérables que d’ordinaire, donc l’idée que la ‘Hassidout est l’antidote à la solitude est plus pertinente que jamais.
Philip Wexler, professeur émérite de sociologie de l’éducation à l’Université hébraïque, a soutenu que « les objectifs mystiques du ‘Hassidisme ne sont pas en tension avec la vie communautaire. Le mysticisme ‘hassidique est fondamentalement social ; il est vécu collectivement et constitue effectivement une expérience de collectivité. »1
À l’encontre du consensus général des sociologues, Philip Wexler soutient que dans la pensée et la pratique de ‘Habad, l’expérience mystique et l’expérience sociale sont fondamentalement liées : « Le sentiment d’être un individu se tenant à l’écart de la communauté… est en fait le résultat de l’exil et de l’emprisonnement de l’âme transcendante dans le corps terrestre. Réaliser une expérience mystique personnelle revient en d’autres termes à surmonter l’individuation corporelle, à surmonter la solitude et l’aliénation. »
Cela nous aide à comprendre l’adoption par le Rabbi des nouvelles technologies médiatiques. Elles ne sont pas simplement un moyen pratique d’atteindre un but supérieur. Les nouvelles technologies médiatiques présentent en fait une opportunité spirituelle suprême, une possibilité d’améliorer notre expérience de la collectivité, du rassemblement et de l’unité. La connexion et la communication positives sont synonymes de rédemption et d’ascension spirituelles.
La plus éminente expression de l’adoption de la technologie par le Rabbi réside dans les programmes de télévision interactifs internationaux de « ‘Hanouka Live » en 1989, 1990 et 1991. Grâce à la technologie de pointe des satellites, les célébrations publiques simultanées dans des villes du monde entier étaient toutes dirigées par le Rabbi, depuis sa synagogue du 770 Eastern Parkway à New York. Des écrans géants avaient été installés à la tour Eiffel à Paris, au Mur occidental à Jérusalem, au Kremlin à Moscou, ainsi que dans des villes en Inde, au Japon, en Australie et ailleurs.
Aujourd’hui encore, un tel événement serait une entreprise extrêmement ambitieuse. À l’époque, l’usage des ordinateurs personnels et de l’Internet n’étaient pas largement répandu et il était nécessaire de déployer des équipements satellites spéciaux montés sur des camions. La Jewish Telegraphic Agency a rapporté que ces célébrations de deux heures furent diffusées par la télévision en Israël, en Argentine, au Brésil, en Colombie, au Costa Rica, au Venezuela, en Grande-Bretagne, en France, en Italie, en Australie, à Hong Kong, au Japon et en Inde, et sur pas moins de 70 chaînes publiques de télévision aux États-Unis.
Pour le Rabbi, la technologie n’était pas un accessoire. Le vecteur faisait lui-même partie intégrante du message. Le satellite orbite dans les cieux et facilite ainsi l’interconnectivité mondiale sur terre – c’est le vecteur. Grâce à la dimension céleste de la connexion divine, toute l’humanité peut se rassembler dans une interaction dynamique et solidaire – c’est le message.
Dans les propres mots du Rabbi :
Afin de faciliter la compréhension du fait que l’action d’une personne à un endroit particulier est connectée et a un impact dans le monde entier, dans le ciel et sur la terre, D.ieu a révélé des mystères supplémentaires qu’Il a intégrés dans la nature, par lesquels on relie le ciel et la terre, et des parties de la terre qui sont séparées les unes des autres par de grandes distances.
Au moyen du satellite qui orbite dans l’espace, dans le « ciel », et qui reçoit les commandes qui y sont envoyées pour être transmises d’un bout à l’autre de la terre, une personne peut rester dans ses propres « quatre coudées » [...] et se connecter avec une personne à l’autre bout du monde, en lui parlant et en la voyant, et en communiquant avec elle pour lui fournir l’aide dont elle a besoin, ou l’aider à travers de bons conseils, etc [...] De plus, on peut réellement apporter de l’aide instantanément [...] car via le satellite une somme d’argent est transférée à la banque, ou au magasin de meubles ou de nourriture, pour cette personne [...]
C’est également l’un des objectifs fondamentaux du satellite, à travers lequel l’unité de l’humanité dans son ensemble sera accrue, en s’aidant les uns les autres bien que l’on soit géographiquement éloignés les uns des autres, que ce soit à travers une aide matérielle ou une aide spirituelle, ce qui fera avancer les dimensions de la justice, de la moralité, de la paix et de l’unité dans le monde. (Torat Mena’hem Hitvaadouyot 5752, Vol. 2, 18-19. Également disponible ici)
Commencez une discussion