Moshé Grunwald a vécu une vie longue et pleine. Descendant de l’aristocratie rabbinique et ‘hassidique de Hongrie, il avait survécu à Auschwitz et aux Marches de la mort, puis avait rebâti sa famille et sa vie en Amérique.

Ce résident de longue date de Brooklyn, à New York, est décédé cette semaine comme d’autres centaines de personnes terrassées par le coronavirus. La famille fut avertie que les funérailles se tiendraient à 10 heures précises. Seul un petit groupe était autorisé à y assister, et toute la procédure devait être brève, composée de quelques Psaumes et du Kél Malé Ra’hamim.

Suivant la tradition, mais séparés les uns des autres, les endeuillés se sont approchés du cercueil et ont demandé à leur bien-aimé patriarche de leur pardonner pour tout ce qu’ils auraient pu faire qui l’aurait blessé. Après la récitation des Psaumes, au moment où l’office funéraire abrégé était sur le point de se conclure, un employé des pompes funèbres assez nerveux s’est approché du cercueil et y a jeté un coup d’œil.

« Je suis vraiment désolé, dit-il à la famille. Nous avons sorti le mauvais cercueil. Attendez s’il vous plaît que je rentre ce cercueil et que je fasse sortir M. Grunwald. »

La famille sortit du salon funéraire en état de choc et attendit dans leurs voitures que vienne le moment de commencer les funérailles... une deuxième fois !

« Je dois admettre que j’étais tellement contrariée que cela soit arrivé à mon Zeidy [Papi en yiddish], a écrit sa petite-fille, ‘Haya Maimon, sur Facebook. Cet homme qui était aimé de tous, qui méritait tant de kavod, qui a dû mourir seul à cause de cette pandémie, qui a dû avoir ces obsèques raccourcies, qui n’a pu bénéficier d’un enterrement convenable ni de shiva, a subi cette dernière insulte. J’étais tellement bouleversée que j’ai commencé à rire et à pleurer en même temps. Je ne pouvais pas croire que je vis à une époque où il y a tellement de corps qu’ils les ont mélangés. »

Elle a ensuite appris le reste de l’histoire.

L’homme devant qui la famille Grunwald avait prié était en fait un meth mitsva (une personne qui n’a aucune famille pour s’occuper de ses funérailles, dont l’inhumation est alors une obligation communautaire).

Il était mort seul dans son appartement et n’avait été retrouvé que quatre jours plus tard. Il devait être enterré sans fanfare et sans personne pour prendre le deuil et prier pour lui.

À travers une tournure du destin divinement orchestrée, il s’est retrouvé avec les plus belles funérailles du moment et un minyane, chose qu’il n’aurait pas eu dans des circonstances ordinaires.

« C’est alors que je me suis souvenue de mon Zaidy, écrit Haya Maimon. Mon Zaidy était toujours l’objet d’honneurs, mais il les fuyait ; il ne voulait jamais être en vedette. Mon cousin a posté que nous devions envoyer des gens pour le pousser jusque sous les ‘houppas de notre famille pour s’assurer que s’il était honoré par la récitation d’une bénédiction, il serait bien là... Il pensait toujours qu’il y avait quelqu’un de plus grand que lui qui méritait un honneur.

« Eh bien, Zaidy, comme d’habitude, a eu le dernier rire. Nous n’avons pas pu le pousser à se mettre en avant au salon funéraire. Même dans la mort, il a donné son kavod à quelqu’un d’autre.

« Un meth mitsva a pu avoir des funérailles. Je peux juste imaginer le rire dans les yeux de Zaidy alors qu’il regardait cela. Son ‘hessed [bonté] et sa hakhnasat or’him [hospitalité] ne connaissaient pas de limites. Je sais dans mon cœur que mon zaidy a fait dans la mort ce qu’il a toujours fait dans la vie. »

Puisse la mémoire de Moshé ben Amram et Haya être une bénédiction.