L’histoire suivante est racontée à propos du grand-père maternel du Rabbi, Rav Méir Shlomo Yanovsky, et de mon arrière-grand-père paternel, Reb Asher Grossman, mieux connu sous le nom de « Reb Asher de Nikolaïev » :

Reb Asher, qui était cho’het (abatteur rituel) à Nikolaïev, fut choisi par le cinquième Rabbi de Loubavitch, Rabbi Chalom DovBer Schneersohn, pour expurger le Tanya de toute erreur typographique. La version qu’il prépara pour l’impression est toujours en usage à ce jour. Inutile de dire que lui et le grand-père du Rabbi, qui était le Rav de la ville, étaient bons amis.

À l’occasion de la brit mila du Rabbi, qui eut lieu le 18 Nissan 5662 (le quatrième jour de Pessa’h, en 1902), Reb Asher alla souhaiter « mazal tov » au Rav Méir Shlomo mais refusa de partager le repas, conformément à sa coutume personnelle de ne rien manger en dehors de sa propre maison à Pessa’h.1

On aurait pu s’attendre à ce que Rav Méir Shlomo soit contrarié de cela, car il était le rav de la ville et la nourriture servie à la brit était préparée selon les standards les plus exigeants en matière d’alimentation casher pour Pessa’h. Rav Méir Shlomo dit : « En vérité, je devrais vraiment te reprocher de ne pas manger ici aujourd’hui. Mais que puis-je te faire puisque je te dois ma vie ? »

Voici l’histoire :

De nombreuses années auparavant, lorsque le typhus faisait rage dans la région, Rav Méir Shlomo tomba malade. La maladie était très contagieuse et n’avait (et n’a toujours) aucun remède connu. Afin de contenir sa propagation, les autorités ordonnèrent que quiconque contractait la maladie soit mis en quarantaine en dehors de la ville, abandonné à son sort.

Complètement isolés de quiconque n’était pas atteint du typhus – à part un unique médecin qui déposait chaque jour des médicaments et de la nourriture de l’autre côté d’une porte fermée –, les patients gravement malades languissaient dans la dépression et le désespoir. Rav Méir Shlomo, lui aussi, fut contraint à cette mise en quarantaine, où il voyait sans pouvoir rien faire les gens qui l’entouraient mourir les uns après les autres, seuls et abandonnés.

Lorsque Reb Asher apprit que son ami était malade, il ne resta pas assis sans rien faire. Déterminé à aider Rav Méir Shlomo, Reb Asher se rendit quotidiennement au camp de quarantaine. Ne pouvant entrer, il se tenait sous une fenêtre et lisait à voix haute le 11ème chapitre d’Iguéret Hakodech, de la quatrième section du Tanya, le célèbre ouvrage de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, connue sous le titre « Lehaskilekha Bina » (« Pour t’éclairer par la compréhension »).

L’épître est une lettre aux accents mystiques qui décrit comment « … aucun mal ne vient d’en haut et tout est véritablement bon », de sorte qu’il convient de considérer ses propres souffrances comme un bien réel qui a été déguisé en opposé du bien. Et si l’on travaille sur soi suffisamment, on peut en venir à le percevoir comme un bien réel !

« … Aucun mal ne vient d’en Haut, et tout est bon. Et si l’homme contemple et intègre le fait que sa venue à l’existence se perpétue véritablement à chaque instant, comment pourrait-il penser qu’il a jamais souffert de quelque affliction liées aux enfants, à la santé et à la subsistance, ou de tout autre type de souffrances de ce monde ?... »2

Bien qu’il ne savait pas si Rav Méir Shlomo pouvait même l’entendre, Reb Asher revint chaque jour pendant trente jours pour lui lire cela, dans l’espoir de pouvoir encourager son cher ami en ces temps obscurs.

Contre toute attente, Rav Méir Shlomo se rétablit et rentra chez lui. Lorsqu’il put voir Reb Asher, il le remercia abondamment. « Tu m’as donné la vie ! Chaque jour, après avoir entendu le Tanya, je me sentais plus fort et en meilleure santé. Le Tanya que tu m’as lu m’a encouragé et inspiré à rester fort et positif ; il a soutenu ma foi et m’a permis de ne pas succomber à la maladie. »