Il y a quelques 2400 ans, le peuple juif était aux abois. Le perfide Haman avait persuadé l’empereur Assuérus d’édicter un décret condamnant à l’extermination l’ensemble des Juifs, hommes, femmes et enfants, en un seul jour. Et il n’y avait pas où s’enfuir, car l’empire d’Assuérus régnait en maître sur le monde civilisé.

Une voix se fit entendre, celle de Mordekhaï, qui encouragea à voir la situation pour ce qu’elle était : D.ieu tendait une perche à son peuple qui s’était détourné de Lui, et lorsque le peuple fit le choix de D.ieu, opérant sur lui-même un miracle au sein de la nature, D.ieu répondit par un miracle au sein de la nature et le décret et son instigateur disparurent, et à la place de la terrible menace « il y eut pour les Juifs lumière et joie et allégresse et gloire ».

Il y a 30 ans, le peuple juif était aux abois. Le dictateur irakien avait entrepris de faire pleuvoir des missiles sur la terre sainte, et la menace de l’usage d’armes chimiques était réelle car il était coutumier du fait. Les Juifs d’Israël et du monde ne savaient que faire : quitter le pays ou rester sur place ? Annuler tout voyage prévu en Israël ou les maintenir ? Descendre aux abris ou se réfugier dans une chambre rendue étanche en portant un masque à gaz ?

Une voix se fit entendre, celle du Rabbi, qui annonçait que cet événement s’inscrivait dans le processus messianique, d’après les termes du Midrash selon lesquels lorsque le dirigeant de l’ancienne Perse attaquera un roi arabe et suscitera une panique mondiale, D.ieu s’adressera au peuple d’Israël en disant : « Humbles, n’ayez pas peur. Tout ce que J’ai fait, Je ne l’ai fait que pour vous. Le Temps de votre délivrance est arrivé. » Le Rabbi insista sur le fait qu’il n’y avait pas lieu de craindre, et en particulier pas en Israël, le pays où « les yeux de D.ieu sont fixés du début de l’année jusqu’à la fin de l’année ». 39 missiles Scud tombèrent, et les miracles, habillés encore une fois dans les voies naturelles, se produisirent : pas un mort.

Aujourd’hui, l’épidémie du Covid-19 semble évoquer ces moments. C’est une épidémie mondiale, de sorte qu’il n’y a pas où aller pour y échapper. Même dans des endroits où elle ne s’est pas encore propagée, il est probable que des porteurs sains ou en incubation y amèneront également le virus sans le savoir.

Comme à l’époque de Pourim, comme lors de la Guerre du Golfe en 1991, nous devons incarner le paradoxe : à la fois suivre l’ordre naturel des choses en suivant les prescriptions des autorités sanitaires, et à la fois avoir une foi absolue que c’est le Bon D.ieu qui règne sur le monde et qui « dirige les pas de l’homme ».

Faisons donc entendre notre voix cette fois-ci pour exprimer notre conscience de cette réalité. Ainsi, dans les premières prières du matin, et après nous être lavé les mains chaque fois que nous avons fait nos besoins, disons de toute la profondeur de nos âmes, et de nos alvéoles pulmonaires, la bénédiction « acher yatsar » :

« Béni sois-Tu Éternel notre D.ieu, Roi de l’univers, qui a formé l’être humain avec une sagesse divine, et y a créé toutes sortes d’ouvertures et de cavités. C’est une chose révélée et connue devant Ton glorieux trône que si l’une d’entre elles venait à se boucher au moment d’être ouverte, ou à s’ouvrir au moment d’être fermée, l’on ne pourrait pas subsister, ne serait-ce qu’un instant. Béni sois-Tu Éternel, qui guérit toute chair et qui est l’auteur de cette merveille qu’est la vie humaine. »

Ne doutons pas que cette prise de conscience du fait que notre vie physique et naturelle est une œuvre divine à laquelle il nous est donné d’ajouter notre touche donnera lieu, cette fois encore, à une délivrance miraculeuse qui élèvera la nature, celle qu’introduira la venue de Machia’h très prochainement.