« Oh, de grâce Rabbi, aidez-moi !, implora le ‘hassid, en retenant ses larmes. Ma fille est enfin fiancée à un bon jeune homme, mais je n’ai pas la moindre idée de la façon dont je pourrai payer le mariage. »
Rabbi Yaakov Its’hak Horowitz, le Voyant de Lublin, dirigea ses yeux vers le ciel. « Ton aide est entre les mains de D.ieu et nulle part ailleurs. Voyage dans telle ville et prend une chambre à l’auberge locale. Étudie la Torah dans cet endroit, et D.ieu apportera l’aide nécessaire. »
Les doutes s’apaisèrent, le ‘hassid quitta la pièce, rentra chez lui pour emporter quelques objets de première nécessité et entama immédiatement son voyage vers la ville indiquée. Les paroles du rabbi avaient revigoré son cœur et son esprit.
Il trouva une auberge appartenant à des Juifs et y prit une chambre, peut-être pour toujours. Comme il demeuré cloîtré toute la journée à étudier, son manque d’activité suscita la curiosité de l’aubergiste. Au cours d’une de ses rares sorties dans le vestibule de l’auberge, le tenancier l’arrêta et lui demanda poliment la raison de ce comportement.
Le ‘hassid ne cacha pas la raison de son séjour et raconta à l’aubergiste toute l’histoire de la promesse du rabbi, à laquelle il croyait de tout son cœur. Une amitié se développa entre eux et les deux hommes s’ouvrirent de plus en plus l’un à l’autre à propos de leur vie.
Se sentant particulièrement à l’aise un soir, l’aubergiste confia :
« J’étais jadis un homme riche, béni d’une abondante richesse. Malheureusement, j’ai tout perdu en moins d’une heure, juste après mon retour de la foire de Leipzig il y a 20 ans.
J’avais fini de compter mes gains, d’arranger les billets en liasses et les pièces en paquets soignés et étiquetés, quand je fus mobilisé par une course soudaine et je laissais le coffre-fort ouvert et sans surveillance. Vous pouvez imaginer le choc qui fut le mien quand j’ai trouvé le coffre vide à mon retour.
Ma tête se mit à tourner. C’était l’intégralité de ma fortune ! La pièce avait exactement le même aspect que lorsque j’étais sorti, sans aucune trace d’effraction. Je soupçonnai mon serviteur et lui demandai d’avouer, mais lorsque je vis sa stupeur, je dus abandonner toute enquête. Je n’avais aucune preuve et je ne voulais accuser personne à tort.
Maintenant, cette auberge est ma seule source de revenus, mais je ne me plains pas », conclut-il avec un haussement d’épaules.
Au fur et à mesure de son séjour, le ‘hassid se lia également d’amitié avec un professeur de Torah vivant à l’auberge. Reconnu comme un homme érudit et agréable, le professeur s’y était installé des années auparavant lorsque l’aubergiste l’avait engagé pour instruire ses fils. Bien que les enfants aient depuis longtemps grandi, l’aubergiste lui avait permis de rester simplement parce qu’il était un bon ami.
Un jour où le temps était particulièrement clément dans le comté, l’instituteur et le ‘hassid se promenaient. Lorsque les deux hommes se trouvèrent à une distance considérable de l’auberge, le professeur se dirigea vers un grand rocher caché dans l’épaisseur de la forêt. « Reposons-nous ici », suggéra-t-il.
Les deux s’assirent. Le professeur soupira et se tourna vers le ‘hassid avec une expression sombre.
« J’ai une idée de la façon dont vous pouvez obtenir l’argent dont vous avez besoin pour le mariage de votre fille, confia-t-il d’un air triste, mais vous devez d’abord promettre de faire tout ce que je dirai. »
Le ‘hassid promit.
Le professeur poussa un soupir puis commença son histoire :
« Comme vous le savez probablement, je suis arrivé il y a de nombreuses années pour enseigner aux fils de l’aubergiste. Cinq ans après mon entrée en fonction, j’ai vu l’aubergiste revenir d’une foire de Leipzig avec de gros bénéfices. Il était en train de compter son argent quand il fut soudainement appelé au marché. En se précipita à l’extérieur, il ne remarqua pas que je me tenais là, consumé par la tentation.
J’ai vu ma chance et je l’ai saisie. J’ai honte de dire que je suis entré dans sa pièce ouverte et que j’ai mis tous ses gains dans mes poches. Personne ne me vit commettre ce vol.
Presque immédiatement, j’ai regretté mon acte impulsif, ne voulant rien de plus que de rendre l’argent et d’avouer. Mais malgré la culpabilité qui rongeait ma conscience, je n’y parvenais pas, car j’étais terrifié par les conséquences. Même après que l’aubergiste eut découvert le vol et que ses cris m’aient fait frémir, j’ai gardé l’argent. Je ne pouvais supporter l’idée que des gens découvrent que l’instituteur « vertueux » et « craignant D.ieu » avait pris l’argent.
Les années ont passé et bien que beaucoup de choses aient changé, l’argent est resté intact, toujours en liasses et estampillé. Je n’ai même pas osé le regarder. »
Le ‘hassid croisa le regard du professeur et vit des larmes briller à la lumière du soleil.
« Je vous prie de rendre l’argent pour moi. Voyant que vous êtes un visiteur venu de l’extérieur de la ville, il ne vous soupçonnerait jamais d’être le voleur d’il y a si longtemps.
Je suis certain, ajouta le professeur, que l’aubergiste vous récompensera charitablement pour cela. »
Le ‘hassid accepta et accompagna le professeur à la maison où il lui remit l’argent volé. Discrètement, le ‘hassid apporta l’argent dans sa chambre et attendit le bon moment pour le présenter à l’aubergiste.
Le lendemain, alors que le ‘hassid était assis dans sa chambre, se balançant au rythme de son étude, un coup à la porte l’arrêta au milieu d’une phrase.
C’était l’aubergiste. Ils conversèrent quelques instants avant que le ‘hassid ne dise : « J’ai pensais à l’histoire que vous m’avez racontée. Celle où vous avez été volé. Pourriez-vous me la raconter de nouveau ? »
– Avec plaisir, répondit l’aubergiste, qui raconta encore sa triste histoire.
– Je suis en mesure de vous restituer cet argent..., dit le ‘hassid.
L’aubergiste en resta bouche bée.
– ... mais à une condition.
– Bien sûr. Tout ce que vous voudrez !, s’exclama l’aubergiste.
– Vous ne devez pas rechercher le voleur. Vous avez compris ?
L’aubergiste acquiesça.
Une par une, le ‘hassid produisit les liasses de billets et les bourses de pièces et les plaça entre les mains tremblantes de l’aubergiste. Les yeux aussi larges que des soucoupes, l’aubergiste examina les sachets bien propres.
« Incroyable… Les sceaux sont encore intacts… »
L’aubergiste éclata en sanglots et étreignit le ‘hassid en pleurant.
« Cela doit être un miracle de votre Rabbi, dit l’aubergiste d’une voix étouffée. Une chaîne d’événements pour que je récupère ce que j’ai perdu... »
Il se redressa, s’essuya les yeux et tendit au ‘hassid un paquet contenant 1 000 roubles. « Vous méritez certainement cela. Allez célébrer le mariage de votre fille sans plus vous inquiéter. »
Adapté de Si’hat Hashavoua n° 1127
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