Ce qui rend mémorable la fête juive de Soukkot pour moi, c’est quelque chose que j’aime faire depuis que j’ai reçu pour la première fois mon propre set de Quatre Espèces, c’est-à-dire le bouquet du loulav et l’étrog. Il nous est commandé de secouer les Quatre Espèces tous les matins des sept jours de la fête (à l’exception du Chabbat), et le Rabbi, Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, de mémoire bénie, nous a appris à prendre notre loulav et notre étrog et à les passer à quiconque serait disposé à réciter la bénédiction et à faire un petit « shake ».

Les quatre espèces sont souvent associées à différentes parties du corps. L’étrog (cédrat) est comparé au cœur humain, le loulav (feuille de palmier) est associé à la colonne vertébrale, les aravot (saules) représentent la bouche et les hadassim (myrtes) sont comparés aux yeux.

Alors, à l’approche de la vingtaine, j’étais déterminée à vaincre ma timidité et à avoir la ‘houtspah et le cran de me tenir droite (loulav) et d’approcher les gens cœur à cœur (étrog), de les aborder avec ma parole (aravot) et de les regarder droit dans les yeux (hadassim) pour leur demander s’ils aimeraient dire une bénédiction sur les Quatre Espèces, qui selon les sages apportent l’unité au peuple juif.

À l’approche de la vingtaine, j’étais déterminée à vaincre ma timidité et à avoir la ‘houtspah d’approcher les gens pour leur demander s’ils aimeraient dire une bénédiction sur les Quatre Espèces, qui selon les sages apportent l’unité au peuple juif.

Au début, les « non » catégoriques m’ont intimidée, de même que ceux qui expliquaient qu’ils étaient trop occupés, ou qu’ils manquaient de connaissances pour dire une bénédiction en hébreu. Mes lieux de prédilection étaient les hôpitaux et les maisons de retraite, jusqu’à ce qu’ils deviennent si stricts qu’ils ne laissent plus un étranger entrer dans une chambre ou même lire le nom sur la porte pour voir si le patient pourrait être juif.

Au début, je limitais mes visites à des personnes que je connaissais ou à des personnes recommandées par d’autres. Puis, j’ai progressivement commencé à inclure les voisins et les patients des chambres adjacentes. Au bout d’un moment, j’ai même eu le courage d’approcher les médecins et les infirmières dans les ascenseurs. À une occasion, j’ai rencontré un médecin dans un ascenseur et je l’ai suivi jusqu’au dernier étage de l’immeuble, car il a fallu un certain temps pour le convaincre de faire la bénédiction et de secouer les Quatre Espèces !

Puis vinrent les miracles. Une fois, je suis entrée dans une pièce où un parent était assis avec un patient manifestement souffrant. Je les ai salués et leur ai proposé d’accomplir la mitsva, et la femme a dit : « Ne vous fatiguez pas, il n’a pas parlé depuis un an. » J’ai répondu : « Ça va, je vais juste le mettre entre ses mains. » J’ai placé correctement le loulav et l’étrog dans ses mains. L’homme a récité la bénédiction par lui-même. Tous les présents, moi comprise, étaient bouche bée, et la femme s’est mise à pleurer. Je me suis dépêchée de sortir pour les laisser entre eux, toujours stupéfaite.

Yehoudit avec son loulav et son étrog.
Yehoudit avec son loulav et son étrog.

Une autre fois, j’ai rencontré un jeune aveugle d’Amérique du Sud. Je ne me souviens même pas s’il parlait anglais. Son nom était à l’évidence juif, alors j’ai placé le loulav entre ses mains. Il a immédiatement reconnu ce que c’était et a récité la bénédiction après moi. J’ai doucement repris le loulav et l’étrog, mais voilà qu’il s’est mis à pleurer abondamment. Il semble qu’en secouant les Quatre Espèces, chose qu’il n’avait pas faite depuis des années, le jeune homme a été submergé d’émotion. J’ai été touchée et je me suis retrouvée moi aussi en larmes, et nous avons pleuré ensemble pendant une bonne dizaine de minutes.

Un homme que j’ai rencontré était extrêmement résistant. On m’avait prévenue de ne pas prendre cela personnellement, car il était connu pour être un patient récalcitrant et également très malade. Nous avons eu une conversation agréable, mais le patient a catégoriquement refusé de secouer les Quatre Espèces. J’ai dit au revoir et je suis parti. Au moment où j’arrivais à la porte, une voix retentissante résonna : « D’accord, d’accord, je vais le faire. Revenez ici ! »

Puis il y a eu les moments plus humoristiques. Dans une maison de retraite, j’ai approché une dame âgée assise dans un fauteuil à bascule. J’ai doucement placé le loulav et l’étrog dans ses mains. Ses yeux s’illuminèrent alors qu’elle rapprochait d’eux l’étrog. Je pensais qu’elle voulait l’examiner pour voir s’il avait des défauts.

Au lieu de cela, elle tenta d’en croquer une bouchée ! Heureusement, ma main fut plus rapide que la sienne ! Bon, on ne gagne pas à tous les coups.

Mais en fait, d’un point de vue céleste, c’est toujours une situation gagnante. Le Rabbi a parlé d’un étudiant rabbinique de ‘Habad-Loubavitch qui s’était rendu dans une petite ville du Midwest pour y amener le judaïsme. À son retour, il avait dit au Rabbi qu’il n’avait pas trouvé ne serait-ce qu’un seul Juif.

Le Rabbi informa le jeune homme qu’il avait reçu une lettre d’une femme de cette même ville. Celle-ci avait vu le jeune homme depuis la fenêtre d’un étage élevé. Elle avait été si inspirée de voir l’étudiant arpenter les rues avec fierté, arborant sa kippa et ses franges rituelles blanches (tsitsit), que son âme connut un éveil à ce moment-là, ce qui a déclenché un processus qui l’a finalement ramenée sur la voie du judaïsme.

Peut-être que la vue étrange d’une jeune femme marchant le long d’un couloir d’hôpital en agitant une branche de palmier et un agrume jaune-vert a suffi pour activer certains gènes juifs. Même s’il n’y a pas eu de preneur ce jour-là, mon âme juive chantait, et la musique a certainement été entendue quelque part.