Sujet : « Et vous rechercherez de là-bas l’Éternel ton D.ieu » – la quête de l’étincelle de divinité de l’âme qui s’est perdue.

[Après avoir expliqué la notion de la révélation des Treize Attributs de Miséricorde d’un point de vue général dans le service divin de l’homme, le maamar explique la spécificité de cette révélation pendant le mois d’Eloul, qui est analogue à une rencontre avec le roi.]

וְהִנֵּה יֵשׁ בָּאָדָם בְּחִינַת "עִיר מוֹשָׁב", וּבְחִינַת שָׂדֶה וּמִדְבָּר.

Or, il existe, dans le service divin de l’homme, deux situations :

- le degré dit d’une « ville de résidence », qui symbolise l’état dans lequel la Lumière divine (et donc également l’étincelle divine de son âme) « réside » en lui de façon révélée. De manière générale, c’est lorsque cet homme est investi dans des choses saintes, telles que l’étude de la Torah, l’accomplissement des mitsvot ou la prière ;

- le degré dit d’un champ, qui symbolise une situation « profane », dans laquelle la divinité « ne réside pas » et ne se révèle pas. Et en particulier si cet homme est tombé au degré d’un désert.

מִדְבָּר הִיא "אֶרֶץ לֹא זְרוּעָה", שֶׁהֵם הַמַּעֲשִׂים וְהַדִּבּוּרִים וְהַמַּחֲשָׁבוֹת אֲשֶׁר "לֹא לָהּ' הֵמָּה".

Un désert, en effet, est dans les mots de la prophétie de Jérémie, « une terre non cultivée »,1 qui représente les actions, les paroles et les pensées qui « ne sont pas accomplies pour satisfaire à la volonté de D.ieu », de sorte qu’il ne s’y trouve ni « semailles » ni « pousse » de la Lumière divine.

אֵין צָרִיךְ לוֹמַר אִם פָּגַם בְּמַחֲשָׁבָה דִּבּוּר וּמַעֲשֶׂה, אֶלָּא אֲפִלּוּ גַּם עִנְיְנֵי הֶיתֵּר, רַק שֶׁהֵם עִנְיָנִים שֶׁאֵינָם צְרִיכִין לַעֲבוֹדַת ה' וּדְבָרִים בְּטֵלִים, הֲרֵי "לָאו אוֹרְחָא דְּמַלְכָּא לְאִשְׁתַּעֵי בְּמִלֵּי דְהֶדְיוֹטָא".

Et il est évident que tel est le cas lorsqu’il a porté atteinte à son âme en pensée, en parole ou en action en transgressant, à D.ieu ne plaise, des interdits de la Torah, mais même lorsqu’il s’est livré à des actions du domaine de ce que la Torah a permis, mais qui à ce moment étaient des choses inutiles au service de D.ieu ou des futilités. En effet, la Lumière divine ne réside pas dans celui qui s’adonne à des actions profanes, dénuées de toute utilité au service de D.ieu, car, comme le dit le Zohar : « Il n’est pas dans l’habitude du Roi de s’adonner aux actions de l’homme commun. »2

וְזֶהוּ "אֲשֶׁר לֹא יָשַׁב אָדָם שָׁם", פֵּרוּשׁ "אָדָם" הוּא כְּמוֹ שֶׁכָּתוּב "וְעַל דְּמוּת הַכִּסֵּא דְּמוּת כְּמַרְאֵה אָדָם וְגוֹ'", "לֹא יָשַׁב שָׁם", כִּי "וְעָשׂוּ לִי מִקְדָּשׁ וְשָׁכַנְתִּי בְּתוֹכָם" כְּתִיב.

Et tel est le sens profond de la description du désert dans la suite de la prophétie de Jérémie : « [une terre...] où l’Homme n’a pas résidé ».3 « Adam », « l’Homme » se comprend ici comme signifiant D.ieu, qui est Adam Haélyone, « l’Homme Suprême », comme il est écrit dans la vision du Trône céleste dans la prophétie d’Ézéchiel : « Et sur la forme de la chaise, il y avait la forme de l’apparence d’un homme »,4 et « ... n’a pas résidé » signifie que D.ieu ne saurait résider au sein d’un homme qui n’est pas digne d’être lui-même une résidence pour « l’Homme Suprême », car l’homme doit faire de lui-même un Sanctuaire pour la Présence divine, comme il est écrit : « Ils me feront un Sanctuaire, et Je résiderai en leur sein ».5 Nos Sages remarquent que le verset ne dit pas que D.ieu résidera « en son sein », c’est-à-dire à l’intérieur du Sanctuaire, mais « en leur sein », ce qui enseigne que D.ieu résidera à l’intérieur de chaque Israélite qui fera l’effort d’en être digne.6

[C’est la raison pour laquelle au mois d’Eloul, D.ieu est comparé à un roi qui sort dans « les champs » pour permettre à tous ceux qui le souhaitent de se rapprocher de lui :

Lorsque les Juifs sont investis dans le domaine profane du « champ » et ne sont, de ce fait, pas dignes que l’étincelle divine de leur âme se révèle en eux de façon permanente (en particulier s’ils se sont compromis dans des actions, des paroles ou des pensées interdites ou étrangères au service de D.ieu, occultant totalement leur étincelle divine et se rendant ainsi indignes d’être un sanctuaire pour la Présence divine), ils ont alors besoin d’une aide pour pouvoir s’élever de leur routine profane et se rapprocher de D.ieu.

Cette aide prend alors la forme de la révélation des Treize Attributs de Miséricorde divine au cours du mois d’Eloul, à travers laquelle l’étincelle divine présente en l’homme (le nom divin « E-l ») se met à briller, et cette révélation a le pouvoir de pousser même celui qui se trouve dans un « champ » ou même un « désert » spirituel, très loin de la sainteté, à vouloir se rapprocher de D.ieu.

Cependant, tout comme dans l’allégorie du « roi dans le champ », il est nécessaire que les gens du peuple sortent à sa rencontre, pour que la révélation des Treize Attributs de Miséricorde fasse son effet et suscite chez un Juif l’amour et la crainte de D.ieu, il est également nécessaire que celui qui se trouvez dans un « désert spirituel » fasse l’effort de « sortir » de sa situation, et qu’il se mette à chercher le roi et qu’il renouvelle l’acceptation de sa royauté.7

C’est ainsi que le maamar poursuit : ]

וְעֵצָה הַיְעוּצָה לָזֶה:

Et la manière d’agir qui est conseillée pour réussir à sortir à la rencontre du roi est la suivante :

הִנֵּה כְּתִיב "וּבִקַּשְׁתֶּם מִשָּׁם אֶת הֲוָיָ"ה אֱ-לֹהֶיךָ", פֵּרוּשׁ: כִּי הִנֵּה כְּתִיב "וַיַּרְא אֱ-לֹהִים אֶת הָאוֹר כִּי טוֹב", וּפֵרְשׁוּ רז"ל: "כִּי טוֹב, לִגְנֹז". שֶׁבְּחִנַּת אוֹר שֶׁהוּא בְּחִינַת הֶאָרַת פְּנִימִיּוּת רְצוֹנוֹ יִתְבָּרֵךְ, יֵשׁ בְּכָל אֶחָד וְאֶחָד מִיִּשְׂרָאֵל, אֶלָּא שֶׁהוּא בִּבְחִינַת הֶסְתֵּר וְהֶעְלֵם מְאֹד בְּטִבְעוֹ, וְצָרִיךְ לְגַלּוֹת "אוֹצָר שֶׁל יִרְאַת שָׁמַיִם".

Il est écrit : « Et vous rechercherez de là-bas l’Éternel ton D.ieu »8 Ce verset qui enseigne que, pour trouver D.ieu, il est nécessaire de se livrer à une recherche, à une quête, suscite une interrogation : D.ieu serait-Il « perdu » pour qu’il faille se mettre à Sa recherche ? Toutefois, cela se comprend en considérant l’enseignement de nos Sages sur un verset de la Genèse. Il est en effet écrit : « Et D.ieu vit que la lumière était bonne »9 Et nos Sages ont commenté : « [Il vit] qu’elle était bonne à enfouir ».10 Cette lumière est celle du Visage (« panim ») de D.ieu, c’est-à-dire le rayonnement de la profondeur (« pnim ») de Sa Volonté est présente à l’intérieur de chaque Israélite (comme l’exprime le verset : « Il fera rayonner Son visage vers toi »), mais elle est « enfouie » dans son âme, qui est par nature très voilée et occultée. La tâche de l’homme est ainsi de révéler la Lumière divine qui est enfouie en lui comme un trésor caché. Il est donc nécessaire de mettre au jour ce « trésor de crainte du Ciel » que chacun recèle en son for intérieur, qui est, dans les mots du Tanya, comme « un trésor caché dans les profondeurs de la terre à la recherche duquel il creuse avec un effort intense. Ainsi faut-il creuser avec un effort intense pour dévoiler le trésor de crainte du Ciel qui est enfoui et dissimulé dans la compréhension du cœur de chaque Juif. »11

וְיֵשׁ מִי שֶׁהוּא בִּבְחִינַת אֲבֵדָה אֶצְלוֹ וּבְחִינַת גָּלוּת.

Mis à part le fait que celle lumière est naturellement « enfouie » au sein de l’âme de chaque Juif, il est également ceux chez qui elle est non seulement enfouie, mais « perdue » en eux, c’est-à-dire en exil sous la domination de « l’Autre Côté », le côté du mal, en conséquence de ses actions « étrangères à D.ieu » qui ont permis aux forces du mal de dominer sa vie. C’est le niveau de « désert » spirituel, au sein duquel il est impossible que son étincelle divine se révèle en lui.

וְעַל זֶה נֶאֱמָר "וּבִקַּשְׁתֶּם", שֶׁתְּבַקֵּשׁ וּתְחַפֵּשׂ, וְאֵין חִפּוּשׁ אֶלָּא אַחַר אֲבֵדָה, דְּהַיְנוּ דָּבָר שֶׁהוּא אֲבוּדָה אֶצְלוֹ בִּבְחִינַת גָּלוּת, שֶׁהוּא בְּחִינַת נִיצוֹץ אֱ-לֹהוּת הַנַּ"ל.

C’est au sujet d’une telle situation qu’il est dit dans la Torah « Et vous rechercherez [de là-bas l’Éternel ton D.ieu] » : ce verset parle de mener une quête, de rechercher. Or une recherche se mène en quête d’une chose perdue, en l’occurrence ici d’une chose qui est en perdition au-dedans de soi car elle est en exil : c’est l’étincelle divine dont il a été question.

וְזֶהוּ "אֶת הֲוָיָ"ה אֱ-לֹהֶיךָ", שֶׁהוּא נִמְשָׁךְ מִבְּחִינַת "אֵל" הַשּׁוֹרֶה בְּכָל אָדָם, לְהַחֲיוֹת נַפְשׁוֹ הָאֱ-לֹהִית.

C’est le sens de l’expression du verset « [vous rechercherez] l’Éternel ton D.ieu] ». Elokékha, « ton D.ieu » désigne la façon dont D.ieu est « ta force et ta vitalité », la force et la vitalité de ton âme, ce qui provient du degré de « E-l » qui réside en chacun et vivifie son âme divine.12 Or ce niveau est « en perdition » et « en exil » chez cette personne au sein du mal qui est devenu dominant en elle, de sorte qu’elle doit se mettre à sa recherche.

וְהִנֵּה הַכָּתוּב אוֹמֵר: "וּבִקַּשְׁתֶּם מִשָּׁם", "מִשָּׁם" דַּיְיקָא, כִּי כְּשֵׁם שֶׁאִי אֶפְשָׁר לְחַפֵּשׂ אַחַר אֲבֵדָה וּלְמָצְאָהּ זוּלַת בְּמָקוֹם שֶׁנֶּאֶבְדָה, כָּךְ לֹא יַשִּׂיג אוֹר פְּנֵי ה', וְשֶׁתִּהְיֶה אַהֲבָתוֹ אֵלָיו, וְיִרְאָתוֹ עַל פָּנָיו, כִּי אִם אַחַר הַחִפּוּשׂ תְּחִלָּה בַּמָּקוֹם שֶׁנֶּאֶבְדָה לוֹ. עַל דֶּרֶךְ מַה שֶׁכָּתוּב: "נַחְפְּשָׂהּ דְּרָכֵינוּ כוּ'", שֶׁיְּפַשְׁפֵּשׁ בְּמַעֲשָׂיו וְדִבּוּרָיו וּמַחְשְׁבוֹתָיו שֶׁעָבְרוּ וְחָלְפוּ מִיּוֹם הֱיוֹתוֹ אֲשֶׁר לֹא טוֹבִים.

Or le verset dit : « Et vous rechercherez de là-bas », en précisant bien « de là-bas ». En effet, tout comme on ne peut chercher et retrouver un objet perdu que si on le recherche à l’endroit où il a été perdu, le Juif ne parviendra à révéler son étincelle divine pour être digne de recevoir la Lumière du Visage de D.ieu, et ainsi pouvoir de nouveau éveiller en soi l’amour de D.ieu et ressentir la crainte de D.ieu, que s’il la recherche en premier lieu à l’endroit où il l’a perdue, c’est-à-dire dans ses actions étrangères à la volonté de D.ieu. C’est ainsi qu’il est écrit : « Fouillons nos voies et examinons-les, et retournons à l’Éternel »,13 il s’agit de fouiller dans ses actions, ses paroles et ses pensées passées qui se sont succédées depuis sa naissance et qui n’étaient pas bonnes.

וְעַל יְדֵי זֶה יִתְמַרְמֵר לִבּוֹ בְּקִרְבּוֹ, "וְיָשׁוֹב אֵל ה' וִירַחֲמֵהוּ", דְּהַיְינוּ שֶׁיְּעוֹרֵר רַחֲמִים רַבִּים עַל נִיצוֹץ אֱלֹהוּת שֶׁבְּתוֹכוֹ בִּבְחִינַת גָּלוּת.

Lorsqu’il réfléchira à ces conduites négatives et qu’il prendra conscience de son éloignement de D.ieu qui en a découlé, à travers cela, il ressentira une profonde amertume dans son cœur et « Il reviendra vers D.ieu et il aura pitié de Lui »,14 selon le sens profond de ce verset qui est que c’est l’homme qui a pitié de D.ieu, c’est-à-dire qu’il éveillera en lui une grande miséricorde pour l’étincelle divine qu’il recèle qui est actuellement en exil.15

וְעַל זֶה נֶאֱמָר: "לְיַעֲקֹב אֲשֶׁר פָּדָה אֶת אַבְרָהָם", כִּי מִדַּת יַעֲקֹב הוּא מִדַּת רַחְמָנוּת, שֶׁעַל יְדֵי זֶה פּוֹדֶה מֵהַגָּלוּת מִדַּת אַהֲבָה, הִיא מִדָּתוֹ שֶׁל אַבְרָהָם אָבִינוּ ע"ה.

C’est ainsi en éveillant cette intense miséricorde envers l’étincelle divine qu’on la libère de son exil. C’est à ce propos qu’il est dit : « Ainsi a parlé D.ieu à la maison de Jacob qui a libéré Abraham »16 Dans une lecture classique du verset, c’est D.ieu qui a libéré Abraham. Cependant, l’enchaînement des termes implique que c’est Jacob qui a libéré Abraham. Or, il est enseigné à ce propos dans la Kabbale que l’attribut divin qui est lié à Jacob est l’attribut de compassion et de miséricorde, et l’attribut d’Abraham est l’amour, comme il est écrit : « Abraham qui M’aime »,17 et il arrive que la seule façon de libérer et de susciter l’amour soit à travers la compassion.18

Ainsi, lorsque l’amour d’un Juif qui devrait normalement être dirigé vers D.ieu et vers le bien se retrouve en exil dans les choses négatives et les plaisirs égoïstes, c’est ainsi, en suscitant une profonde compassion envers son étincelle divine qui est la source du sentiment d’amour de D.ieu, qu’il pourra libérer de l’exil le sentiment d’amour, qui est l’attribut d’Abraham notre père, que la paix soit sur lui, et ainsi « s’attacher à [D.ieu] de tout son cœur et de toute son âme, de toute la profondeur de son cœur, au point d’être prêt à donner sa vie pour Lui ».19

כִּי לָכֵן נִקְרָא "אָבִינוּ" כוּ', וְלִהְיוֹת "בְּרָא כַּרְעָא דְּאָבוּהָ", לְהִבָּטֵל וּלְהִכָּלֵל בִּרְצוֹנוֹ יִתְבָּרֵךְ.

L’amour de D.ieu qui caractérise Abraham se trouve au sein de chaque Juif et de chaque Juive, ses descendants, et c’est pour cela qu’Abraham est appelé « notre père », le père de chaque membre du peuple d’Israël,20 car, en révélant l’amour de D.ieu d’Abraham, qui est l’amour de D.ieu caché dans le cœur de chaque Juif et qui le pousse à s’attacher à D.ieu avec une totale abnégation,21 nous révélons que nous sommes « des fils de D.ieu »,22 de sorte que « le fils est comme la jambe du père », ce qui, comme nous l’avons expliqué au chapitre précédent, signifie que l’on s’annule – on annule son existence égoïste – et l’on s’inclut totalement dans la volonté de D.ieu.