Le Rav Nissan Telushkin (1881-1970) – qui fut un éminent rabbin en Biélorussie puis aux États-Unis – fut invité en 1947 à prendre part à une conférence rabbinique dans ce qui était alors appelé la Palestine mandataire. Voyager d’Amérique en Terre Sainte était à cette époque un voyage ardu (il fallait environ deux semaines de bateau). Il estima cependant que les sujets qui seraient abordés étaient suffisamment importants pour qu’il mette son confort de côté et qu’il participe à cette réunion.

À son arrivée, il fut chaleureusement accueilli par les organisateurs de l’événement qui le remercièrent d’avoir entrepris ce difficile voyage. Et, effectivement, les débats traitèrent d’importantes questions relatives à la halakha (la loi juive) particulièrement pertinentes à cette époque.

Au cours d’une de ses réunions, le Rav Unterman (qui devint plus tard le grand rabbin d’Israël) et quelques autres rabbins (je crois que le Rav Herzog, le grand rabbin de l’époque, était présent) lui posèrent la question suivante :

« Vous êtes un ‘hassid du Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn. Vous avez donc certainement entendu son cri de ralliement Lealter letéchouva, lealter leguéoula, “le repentir immédiat [entraînera la] rédemption immédiate.” Il a dit cela il y a plus de cinq ans et au cours des cinq dernières années, le peuple juif s’est certainement repenti. Alors, où est la rédemption ? »

– Avant de quitter New York pour participer à cette réunion, déclara le Rav Telushkin, j’avais également la même question. J’ai décidé d’aller la poser au Rabbi lui-même. J’ai dit à l’un de ses assistants que je voudrais parler au Rabbi et il m’informa de quand je serais autorisé à entrer dans son bureau pour une audience privée.

« C’était la seule question que je comptais poser. Cependant, lorsque je suis rentré dans le bureau du Rabbi et que je l’ai regardé, la question m’a aussitôt échappé. Elle avait tout simplement disparu. Je suis resté là sans rien avoir à demander. Le Rabbi me regarda et me demanda : “Pourquoi êtes-vous venu me voir ? Que voudriez-vous demander ?” Ne sachant pas quoi répondre, j’ai simplement dit : “Je suis venu voir comment le Rabbi va.”

« Dès que j’ai quitté la pièce, je me suis souvenu de ma question et je me suis senti très gêné. Mais la question me dérangeait vraiment, alors j’ai demandé à être autorisé à rentrer de nouveau dans le bureau du Rabbi. L’assistant refusa, mais j’étais persistant. Je suis parti voir Reb Eliyahou Simpson, qui fait également partie du personnel du Rabbi, et je lui ai parlé de mon dilemme. Il me dit : “Nissan, je vais vous permettre d’entrer de nouveau.”

« Alors je suis entré dans le bureau du Rabbi pour la seconde fois. Mais une fois de plus, dès que je suis entré, la question s’est échappée de mon esprit et je suis resté là sans voix. J’y suis encore retourné une troisième fois et, oui, la même chose s’est produite encore une fois.

« Alors, messieurs, conclut le Rav Telushkin, quelle est la réponse à votre question, je le ne sais pas. Mais ce que je peux dire avec certitude, c’est que dans le bureau du Rabbi, la question est inexistante ! »

J’ai entendu ce qui précède du Rav Nissen Mangel (puisse-t-il vivre et se porter bien), qui a dit que le Rav Telushkin avait raconté cette anecdote lors d’un de ses chéva berakhot.