Pour écraser encore plus tout sentiment de fierté juive, le tsar Nicolas Ier publia un nouveau décret : les peyot – les mèches de cheveux que les hommes juifs laissent pousser à leurs tempes – étaient désormais interdites. Tout Juif arrêté portant des peyot serait soumis à une coupe de cheveux publique, généralement effectuée par des soldats hilares armés de baïonnettes.
La réponse des Juifs fut variable. La plupart d’entre eux replièrent leur peyot derrière leurs oreilles, les cachèrent sous leurs kippas ou les réduisirent au minimum. Cependant, certains, comme Rabbi Hillel de Paritch (qui vivait à Babroïsk, en Biélorussie à l’époque), n’ont tout simplement rien fait. Personne, pas même le tsar lui-même, ne pouvait intimider Reb Hillel. Ses peyot restèrent intactes.
Et puis c’est arrivé. Les longues touffes de cheveux argentés qui pendaient sur les côtés du visage de Reb Hillel ne pouvaient passer inaperçues. Sans hésiter, un officier plaqua Reb Hillel au sol, prêt à lui couper les peyot, mais il trouva la tâche plus difficile que prévu. Les yeux fermés, Reb Hillel plaqua ses mains sur les deux côtés du visage de sorte que, malgré ses efforts, l’officier ne réussit pas à les lui enlever.
Un tailleur juif, qui cousait des uniformes militaires pour gagner sa vie, découvrit Reb Hillel plaqué au sol, tentant d’éviter les coups de l’officier.
« Laisse-le tranquille ! Lâchez-le ! »« Laisse-le tranquille ! Lâchez-le !, cria le tailleur. Ce Juif est un homme juste. Traiter comme cela quelqu’un d’aussi saint est inapproprié et insultant ! »
Peut-être fut-ce l’effet des cris de panique du tailleur, ou peut-être par épuisement, mais l’officier grogna de déception et s’écarta du vieux Juif.
Reb Hillel était euphorique. « Je vous promets, dit-il à son bienfaiteur, que votre sépulture sera adjacente à la mienne. »
Lorsque Reb Hillel quitta ce monde quelques années plus tard, il fut enterré à Kherson, dans le sud de l’Ukraine.
Avec le temps, le tailleur vieillit et décida de rendre visite à sa fille qui habitait Kherson. Sur le chemin du retour à Babroïsk, son état de santé le contraignit à retourner chez sa fille. Peu de temps après, il rendit son âme à son Créateur.
Les funérailles se déroulèrent par une journée venteuse, la neige recouvrant tout le paysage d’un épais manteau blanc. Choisir le lieu de sépulture allait être délicat dans ces conditions. Dans la mesure où le défunt était étranger à Babroïsk, le comité décida de l’enterrer au bord du cimetière.
Quand le temps se radoucit et que la neige fondit, ils découvrirent leur erreur : le simple tailleur de Babroïsk avait été enterré juste à côté de Rabbi Hillel, un honneur réservé aux citoyens les plus prestigieux.
Le rabbin local fut consulté, mais il ne permit pas de déplacer le corps. Toucher à une tombe n’était pas une mince affaire.
Mais comment une chose pareille avait-elle pu arriver ? Le rabbin décida de mener ses propres recherches.
Une lettre du rabbin de Babroïsk révéla ce qu’il avait besoin de savoir. La bénédiction de Rabbi Hillel s’était accomplie.
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