Lors de la période des « demi-fêtes », les jours intermédiaires de Pessa’h, nous nous préparons pour les derniers jours de fête. Or, si le 7ème jour de Pessa’h évoque le miracle de la traversée de la mer Rouge et la fin définitive de l’exil égyptien, le 8ème jour, A’harone chel Pessa’h, est axé sur la rédemption messianique à venir.

Ce 8ème jour est placé sous le signe de la nouveauté, d’abord parce qu’au temps de Moïse, il n’existait pas. Ce sont nos Sages qui instaurèrent le yom tov cheni chel galouyot, le second jour de fête en diaspora, transformant ainsi un jour profane ordinaire en un jour sacré, pour pallier au doute sur la date exacte de la promulgation de la néoménie en Terre Sainte.

Une autre nouveauté, qui intervint à l’époque du Second Temple, fut l’instauration de la Haftarah, la section des Prophètes lue chaque Chabbat, lorsque le pouvoir grec séleucide avait interdit la lecture publique de la Torah.

Même lorsque les contingences qui conduisirent à l’instauration de ces deux pratiques disparurent (à travers l’établissement d’un calendrier basé sur le calcul, et la défaite des Grecs lors de ‘Hanouka), celles-ci perdurèrent, car leur raison historique était seulement superficielle, alors que leur apport spirituel demeure actuel et pertinent.

Or, le 8ème jour de Pessa’h, la Haftarah évoque en termes clairs la personne du Machia’h et l’ère messianique qui constitue l’aboutissement de notre monde.

Nous rendons le sujet de Machia’h plus immédiat et plus tangible

Si cette finalité messianique fut présente depuis la création du monde (« Le souffle de D.ieu planait sur la surface des eaux » (Genèse 1,2), « c’est l’esprit du Machia’h » disent nos Sages1), elle l’était sous la forme d’un concept spirituel, un idéal.

La révélation des prophéties à son sujet, puis leur lecture ritualisée dans la Haftarah ont permis de le faire descendre d’un cran vers nous en le faisant rentrer dans « le monde de la parole ». Nous sommes en effet à l’image de D.ieu, qui crée le monde avec la parole, et quand nous disons cette Haftarah chaque année, nous rendons le sujet de Machia’h plus immédiat et plus tangible.

Il y a deux siècles et demi, il y a eu une nouvelle étape dans cette évolution : le Baal Chem Tov instaura un repas supplémentaire à la fin du 8ème jour de Pessa’h, la « Séoudat Machia’h », qui exprime le fait que Machia’h s’apprête à rentrer dans la réalité matérielle, tout comme les matsot que nous consommons alors deviennent une partie de notre chair. Pourquoi le Baal Chem Tov ? Parce que c’est lui qui fit rentrer le judaïsme de la Kabbale, et en particulier de nombreuses coutumes séfarades, dans le quotidien du monde ashkénaze qui ne le connaissait pas. Celui qui amena à vivre ce qui était auparavant caché.

Machia’h s’apprête à rentrer dans la réalité matérielle

Puis il y eut encore une évolution : lorsque l’enseignement ‘hassidique, rendu intellectuellement accessible à tous par la révélation et la diffusion de la ‘Hassidout ‘Habad, atteignit un niveau où tous étaient désormais capables de parvenir à ressentir profondément la connexion de son âme avec D.ieu, le Rabbi Rachab, 5ème Rabbi de ‘Habad-Loubavitch, instaura en 1906 que l’on prenne 4 verres de vin au cours de ce repas, représentant le fait de ressentir intérieurement le goût des choses, et qui sont directement reliés avec l’expérience de la délivrance.

Depuis plusieurs dizaines d’années, nous voyons tous comment le monde avance vers la Délivrance. Aujourd’hui, à travers ce jour de fête, cette Haftarah, ce « Repas du Machia’h » et ces quatre verres de vin, nous prenons les forces non seulement d’en être conscients toute l’année, mais d’en être nous-mêmes les artisans.