Des choses se tramaient contre les Juifs à Saint-Pétersbourg. Rabbi Mena’hem Mendel de Loubavitch, le « Tséma’h Tsédek », s’attela immédiatement au travail pour que le décret antisémite soit aboli. Dans le cadre de ses efforts, il estima que Rabbi Israël de Rouzhin devait être tenu au courant des derniers développements. Il envoya donc l’un de ses disciples les plus accomplis, Reb Its’hak Aïzik de Homil, lui transmettre l’information en personne.

Reb Aïzik fut chaleureusement accueilli par Rabbi Israël et fut même invité à dîner avec le vénérable rabbi. Il était clair que l’honneur qui lui était fait découlait en grande partie de l’estime que Rabbi Israël accordait au rabbi qui l’avait envoyé.

Après que Reb Aïzik eut transmis le message de son rabbi et ait commencé à se préparer pour son voyage de retour, un événement inattendu le retint plusieurs jours à Rouzhin. Il profita de ce séjour forcé pour observer la conduite de Rabbi Israël, qu’il trouvait fascinante.

L’audience à Rouzhin était une affaire des plus cérémonieuses : Rabbi Israël, flanqué des deux côtés par de fidèles ‘hassidim, écoutait attentivement chaque visiteur. Reb Aïzik eut également l’honneur d’être présent.

Il vit deux visiteurs entrer ensemble. L’un d’eux était un respecté érudit de la Torah de Bucovine qui cherchait l’approbation de Rabbi Israël pour un recueil de ses enseignements de la Torah.

L’autre visiteur tenait également un livre entre ses mains. Ce n’était pas une œuvre monumentale de la Torah, mais un recueil d’histoires, principalement au sujet de miracles accomplis par la prière, minutieusement rassemblées au fil de nombreuses années. Lui aussi espérait que Rabbi Israël approuverait son livre avant sa publication.

...et tandis qu’il écoutait, il était visible que Rabbi Israël se délectait de la chaleur émanant de ces récits.

Rabbi Israël demanda à l’un des hommes à ses côtés de lire quelques pages du livre d’histoires et, tandis qu’il écoutait, il était visible que Rabbi Israël se délectait de la chaleur émanant de ces récits. Il demanda ensuite à entendre un bref échantillon des enseignements de Torah, qui fut suffisant pour démontrer le rare génie de l’auteur.

Après s’être plongé dans ses pensées pendant quelques minutes, Rabbi Israël leva les yeux et commença à louer le concept d’histoires juives. Il évoqua avec enthousiasme les impressions positives que celles-ci laissent sur leurs auditeurs et l’effet qu’elles ont sur les mondes spirituels. Il aborda ensuite les enseignements de Torah et le mérite du savant qui avait produit un travail si remarquable.

Lorsque Rabbi Israël eut fini de parler, il demanda une plume et un encrier. Il écrivit une recommandation élogieuse pour le recueil d’histoires et la remit à l’auteur. Trempant à nouveau sa plume dans l’encre, il écrivit une autre approbation, celle-ci pour le livre de Torah, attestant de sa haute valeur à tout futur étudiant.

L’épisode troubla l’esprit de Reb Aïzik. Il lui semblait que Rabbi Israël valorisait plus la narration d’histoires que l’étude de la Torah !

Deux jours plus tard, à Roch ‘Hodech (le premier jour du mois juif), Reb Aïzik fut invité à dîner une nouvelle fois avec Rabbi Israël. Au cours du repas, Rabbi Israël exposa certaines idées de la Torah. Reb Aïzik fut invité à faire de même.

Juste avant la fin du repas, comme s’il réfléchissait à voix haute, Rabbi Israël déclara soudainement : « Le rabbin de Homil, l’émissaire du Rabbi de Loubavitch, s’interroge sur moi et sur mes voies. En réalité, cependant, sa question n’a rien de nouveau, pas plus que la réponse à celle-ci.

« La Torah commence par nous raconter des histoires sur la manière dont D.ieu créa le monde et accomplit des miracles pour Son peuple. C’est seulement plus tard que nous abordons la question de la loi juive, lorsque nous rencontrons la première mitsva qui est d’établir un calendrier fixe.

« Rachi a abordé cette question dans les premières lignes de son commentaire : La Torah aurait dû commencer par le verset : “Ce mois sera pour vous...” Quelle est la raison pour laquelle elle commence par : “Au commencement...” ?

« Et Rachi de répondre : Parce que “Il a déclaré à Son peuple la force de Ses œuvres”. La force fait référence à l’âme – la puissance – cachée dans la Création du monde.

« Mon grand-père, le Maguid of Mézeritch, savait voir l’âme qui donne vie à tous les aspects de la création. Il a appris ce secret du Baal Chem Tov. »

« Comprenez-vous ce que je dis ? Je ne fais que suivre le même ordre que D.ieu a établi dans Sa sainte Torah... »

Rabbi Israël fixa son invité de son regard pénétrant. « Comprenez-vous ce que je dis ? Je ne fais que suivre le même ordre que D.ieu a établi dans Sa sainte Torah... En premier lieu viennent les histoires sur la grandeur de D.ieu, ensuite viennent les Mitsvot. »

Rabbi Israël poursuivit en adoucissant le ton : « Les deux auteurs sont des modèles de ‘hassidim. Les deux œuvres sont de grande valeur. Aussi évident que cela puisse paraître, le livre d’enseignements de la Torah démontre le génie de l’auteur et sa capacité impressionnante à saisir les concepts subtils de la Torah – vraiment merveilleux. Les histoires, cependant, transmettent le message que D.ieu est continuellement impliqué dans le développement du monde. À travers elle, la gloire de D.ieu brille au sein du monde matériel. »