Bien que les relations actuelles entre les Juifs et certains pays arabophones soient quelque peu tendues, pour le moins, cela n’a pas toujours été le cas. Il fut un temps où la plupart des Juifs vivaient dans des pays arabophones, de sorte que de nombreux livres juifs furent écrits en arabe, ou plus précisément en judéo-arabe, qui était soit le dialecte juif de l’arabe, soit l’arabe classique écrit en caractères hébraïques. La plupart de ces œuvres furent par la suite traduites en hébreu et en d’autres langues, devenant des ouvrages juifs fondamentaux, au point où beaucoup de gens ignorent qu’elles ont été écrites à l’origine en arabe.
Voici sept de ces ouvrages :
1. Kitab al-Amanat wa’l-Itiqadat (Émounot VeDéot : « Le livre des Croyances et des Opinions »), de Rav Saadia Gaon
Rav Saadia Gaon (Saadia ben Joseph Al-Fayyumi) naquit en Égypte et servit en tant que gaon et chef de la yéchiva à Soura, dans l’Irak actuel. Il mourut en l’an 942 de l’ère commune. Il fut l’un des premiers rabbins à écrire abondamment en arabe et est considéré comme l’initiateur de la littérature judéo-arabe. Il est surtout connu pour son œuvre maîtresse Émounot VeDéot (« Le Livre des Croyances et des Opinions », appelé aussi, sous son nom plus long et plus complet : « Le Livre des Articles de Foi et les Doctrines du Dogme »), qu’il a achevé en l’an 933. Rav Saadia Gaon rédigea cette œuvre après avoir constaté la confusion et l’ignorance parmi de nombreux Juifs au sujet de leur propre foi. Il s’agit de la première présentation systématique et du un fondement philosophique de la pensée et du dogme juifs.
Il a également écrit des ouvrages sur de nombreux autres sujets, notamment la grammaire hébraïque, la loi juive et la controverse contre les karaïtes. Il est également l’auteur d’une traduction des Écritures en arabe, avec un très précieux commentaire. Ce chef-d’œuvre est appelé Tafsir.
Voir plus sur Rav Saadia Gaon ici.
2. Al Hidayah ila Faraid al-Qulub (‘Hovot HaLévavot – « Les Devoirs du Cœur »), de Rabbi Ba’hya
On sait peu de choses sur Rabbi Ba’hya ben Yossef ibn Paquda, mis à part le fait qu’il vécut dans l’Espagne du XIe siècle où il siégea au tribunal rabbinique. Il est célèbre pour son ouvrage intitulé ‘Hovot HaLévavot, « Les Devoirs du cœur » (ou comme il était intitulé à l’origine avant d’être traduit en hébreu, le « Livre de Direction vers les Devoirs du Cœur »). Rabbi Ba’hya écrit qu’il composé son œuvre après avoir observé que de nombreux Juifs ne s’intéressaient qu’à l’observance extérieure de la loi juive, « les devoirs à accomplir par les parties du corps », sans s’intéresser aux idées et aux sentiments intérieurs qui doivent animer ce mode de vie, « les devoirs du cœur ». Ainsi, ‘Hovot HaLévavot traite des commandements basés sur l’esprit et les émotions, tels que la réflexion sur l’unité de D.ieu, l’amour de D.ieu et la confiance en D.ieu, mais aussi l’hypocrisie et le scepticisme, l’humilité et la repentance.
Comme les autres ouvrages cités ici, ‘Hovot HaLévavot est devenu l’un des ouvrages fondamentaux de l’éthique juive et a été traduit en plusieurs langues, dont l’hébreu, le latin, le judéo-espagnol, l’italien, l’anglais et le français.
3. Kitab al-Ḥujjah wal-Dalil fi Nuṣr al-Din al-Dhalil (Le Kouzari – « Une Défense de la Foi Méprisée »), par Rabbi Yéhouda HaLévi
Rabbi Yéhouda HaLévi était un médecin, un poète et un philosophe juif espagnol du XIIe siècle. Tout au long de sa vie, Rabbi Yéhouda a rêvé de s’installer sur la Terre d’Israël. Il est l’auteur de la célèbre phrase : « Mon cœur est à l’Est, mais je suis dans l’Ouest le plus éloigné. » Vers la fin de sa vie, il s’est dirigé vers la Terre Sainte. La légende raconte qu’en arrivant à Jérusalem et en contemplant le mont du Temple, il se roula au sol en extase et composa « Tsione Halo Tishali ». À ce moment-là, un cavalier arabe le vit et le piétina à mort. « Tsione Halo Tishali » est chanté jusqu’à ce jour dans les Kinot, les élégies traditionnellement récitées par les Juifs dans le monde entier le jour de Tichea BeAv afin de pleurer la destruction du Premier et du Second Temples de Jérusalem.
Rabbi Yéhouda HaLévi est surtout connu pour son ouvrage magistral, Le Kouzari, dont le titre complet est : « Le Livre de la Réfutation et de la Preuve au nom de la Religion la Plus Méprisée ». Le Kouzari est structuré comme un dialogue entre un rabbin et le roi de Khazarie (un pays situé dans la Russie et l’Ukraine actuelles), couvrant des sujets tels que les fondements du judaïsme, la prophétie, la vie après la mort, la terre d’Israël, la langue hébraïque, les avantages de la prière en commun, le Chabbat, l’astrologie et le déterminisme par opposition au libre arbitre. Le Kouzari est un classique intemporel et est considéré comme l’un des plus importants travaux polémiques et apologétiques de la pensée juive.
Voir plus sur Rabbi Yéhouda HaLévi ici.
4. Maqala Fi-Sinat Al-Mantiq (Milot HaHigayone – « Traité de terminologie logique »), de Maïmonide
Né à Cordoue (Espagne) en 1135, Rabbi Moïse ben Maïmone, le RaMBaM – ou Maïmonide, tel qu’il est communément appelé – fut un philosophe, astronome et médecin à la cour du sultan Saladin en Égypte. Il est peut-être le plus célèbre des sages juifs énumérés ici. Maïmonide fut un écrivain prolifique. À l’âge de 16 ans, il écrivit Milot HaHigayone (« Traité sur la terminologie logique »), une étude de divers termes techniques employés en logique et en métaphysique. Bien que son œuvre maîtresse, le Michné Torah, dans laquelle il a rassemblé et codifié l’ensemble du droit talmudique de manière ordonnée et systématique, ait été écrite en hébreu, la plupart de ses autres ouvrages l’ont été en judéo-arabe.
5. Kitab al-Siraj (Pirouch HaMichnayot – « Commentaire sur la Michna »), de Maïmonide
À 23 ans, alors qu’il fuyait avec sa famille les Almohades (une dynastie musulmane fondamentaliste qui avait pris le contrôle de Cordoue), Maimonide commença son commentaire sur la Michna, une œuvre colossale écrite en arabe puis traduite en hébreu par la célèbre famille ibn Tibbon. Dans celle-ci, il explique non seulement chaque michna, mais il inclut également d’importantes informations générales, telles qu’un enregistrement de la transmission de la loi orale aux dirigeants de chaque génération et une articulation des 13 croyances fondamentales du judaïsme.
6. Kitab al-Farai'd (Sefer HaMitsvot – « Le Livre des Commandements »), de Maïmonide
Également écrit en arabe, cet ouvrage est une énumération des 613 mitsvot de la Torah. Dans l’introduction, Maïmonide énumère 14 règles permettant de déterminer quels commandements divins sont inclus dans les 613.
7. Dalalat al-Ha'rin (Moré Nevoukhim – « Guide des Perplexes »), de Maïmonide
Le Moré Nevoukhim, traité de philosophie juive rédigé en arabe, aborde des concepts tels que la nature et l’existence de D.ieu, le but de la création, D.ieu et Sa relation à l’univers, le sens de la vie et du destin humain, l’origine et la réalité sous-jacente du mal, du libre arbitre, de la Providence et de l’omniscience divines, de la justice divine, de la révélation, du but et des raisons de nombreuses mitsvot de la Torah, et de la véritable manière d’adorer D.ieu.
Lire plus sur la vie et les œuvres de Maïmonide ici.
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