Le 18 Eloul marque l’anniversaire de la naissance de « deux grands luminaires » du ‘hassidisme que furent le Baal Chem Tov, fondateur de la ‘Hassidout générale, et l’Admour Hazakène – Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, fondateur de la ‘Hassidout ‘Habad.
La ‘Hassidout Habad est une branche de la ‘Hassidout générale, mais elle traduit ses concepts dans le domaine intellectuel, afin qu’ils soient compris par la ‘Hokhma (sagesse) de l’homme, sa Bina (compréhension) et son Daat (connaissance), les initiales de ces trois concepts formant l’acronyme ‘HaBaD. Il y a cependant une différence fondamentale entre ces deux modes de pensée, car ‘Habad introduit une notion totalement nouvelle.
Quelle est cette différence ? Le Rabbi précédent a dit que le Baal Chem Tov nous avait montré comment nous devons servir D.ieu, et l’Admour Hazakène, comment nous pouvons servir D.ieu.
Bien entendu, cela ne signifie pas que le Baal Chem Tov ne nous a pas enseigné comment servir D.ieu concrètement. La plupart de ses disciples servaient D.ieu à la manière ‘hassidique avant l’apparition de la ‘Hassidout ‘Habad ; de même dans les générations suivantes, la plupart des Juifs servaient D.ieu sans adopter la philosophie ‘Habad. Quel est le sens, alors, de l’affirmation selon laquelle « l’Admour Hazakène nous a enseigné comment nous pouvons servir D.ieu » ?
Nous comprendrons cela en comparant la ‘Hassidout à la Torah. Tout comme la ‘Hassidout a d’abord été révélée de façon générale, puis a été transposée dans le domaine intellectuel (‘Habad), il en fut de même pour la Torah : lorsque D.ieu donna la Torah à Moïse, Il ne lui enseigna pas toutes les lois de la Torah et leurs innombrables détails. Il donna la Torah Écrite, la Torah Orale et les règles avec lesquelles nous pouvons interpréter la Torah. Ensuite, chaque Juif peut – à l’aide de ces lois, et grâce à son intellect – déduire de nouveaux concepts.
Ceci résout un paradoxe que nous rencontrons dans les propos de nos Sages. Ils disent en effet : « Tout nouveau concept découvert par un disciple zélé a déjà été donné à Moïse au Sinaï. » Si « tout a déjà été donné à Moïse au Sinaï », alors aucune idée ne peut plus être considérée comme « nouvelle » ! Que signifie donc cette affirmation ?
Voici comment nous pouvons résoudre ce paradoxe : Moïse reçut la Torah avec des règles lui permettant de résoudre tous les cas particuliers qui se présenteraient à lui – dans le domaine de l’interprétation allégorique, homilétique et ésotérique. Cependant. Moïse n’a pas étudié tous les détails. Il possédait seulement les règles avec lesquelles on peut déduire ces réponses. Lorsque par la suite, un étudiant déduit un concept à partir des principes de base, ce concept est considéré comme nouveau.
Une nouvelle dimension
Parallèlement, comme chaque nouveau concept doit être déduit des lois données à Moïse, il s’ensuit que « tout a été donné à Moïse au Sinaï » : tout est compris dans la Torah qui a été donnée à Moïse (même si ce n’était pas de façon dévoilée).
Il en va de même pour la ‘Hassidout ‘Habad : bien que ce soit une partie de la ‘Hassidout générale (tout comme les « nouveaux concepts » sont inclus dans la Torah qui fut donnée à Moïse), elle a apporté une nouvelle dimension, en transposant la philosophie ‘hassidique dans le domaine intellectuel, et en mettant ses principes à la portée de chaque Juif.
Nous pouvons aller encore plus loin : il est difficile de considérer comme vraiment « nouveaux » les concepts déduits par les étudiants, car bien que Moïse n’ait pas déduit lui-même et enseigné les détails de chaque halakha, ceux-ci existaient potentiellement puisqu’ils étaient compris dans la Torah qu’il reçut. Nous devons donc dire que « la nouveauté » ne concerne pas tellement l’idée elle-même, mais plutôt sa révélation. La Torah donnée à Moïse, nous l’avons déjà dit, comprenait toutes les lois et tous les détails qui furent déduits par la suite. Mais ils étaient présents sous une forme extrêmement concentrée. En effet. Moïse lui-même, bien qu’il fût particulièrement versé dans la connaissance des principes de base, ne connaissait pas « les innombrables détails des lois » que Rabbi Akiba déduisait d’après les couronnes des lettres de la Torah.
Ainsi, la révélation d’une loi qui existait auparavant sous une forme uniquement potentielle, est une « nouveauté », et le mérite appartient entièrement à « l’étudiant zélé » qui l’a déduite en faisant appel à son intelligence propre.
Nous pouvons ainsi comprendre la différence qui existe entre la Torah telle qu’elle fut donnée et la façon dont elle a été étudiée par la suite. Au Sinaï, D.ieu a donné au peuple juif la Torah d’en-Haut, comme il est dit : « Je vous ai donné une loi bonne. »1 Mais il ne suffit pas de recevoir la Torah comme un cadeau. Chaque Juif doit l’étudier et la comprendre afin de saisir réellement tous les concepts qu’elle recèle.
Comme la Michna et le Talmud
Lorsqu’un professeur présente une idée nouvelle à ses élèves, il n’enseigne pas de prime abord le sujet dans tous ses détails, tel qu’il le connaît lui-même, mais il leur propose une vue d’ensemble – il expose uniquement les principes de base : les détails sont compris dans l’idée générale, mais ils ne sont pas explicités. Une fois que le professeur a présenté ce schéma, si l’étudiant veut saisir convenablement cette idée nouvelle, il doit s’efforcer de comprendre chaque détail, car c’est seulement en connaissant chaque détail que l’élève peut maîtriser l’idée dans sa totalité. La Michna en est un exemple. La Michna est écrite dans un style très concis : pour la comprendre dans toute sa profondeur, il faut étudier toutes ses ramifications telles qu’elles sont présentées dans le Talmud et les commentaires.
La différence entre la ‘Hassidout générale et la ‘Hassidout ‘Habad correspond en quelque sorte à ce qui vient d’être dit. La ‘Hassidout vient d’en-Haut – de D.ieu et des Justes « qui ressemblent à leur Créateur ». Ainsi, l’un des principes essentiels de la ‘Hassidout est la foi, comme il est dit : « le Tsadik (le Juste) vivra par sa foi. »2 La foi ne dépend pas des efforts de l’homme, c’est une faveur du Ciel, ainsi que l’ont dit nos Sages : « Les Juifs sont des croyants fils de croyants. »3
L’Admour Hazakène, à travers la ‘Hassidout ‘Habad, a permis à la philosophie ‘hassidique d’être appréhendée par l’intellect. Les concepts évoqués dans la ‘Hassidout ne dépendent plus seulement de la foi, mais ils peuvent aussi être appréhendés par l’intelligence de l’homme moyennant ses efforts.
Quel est le but de tout cela ? La ‘Hassidout, « l’âme de la Torah »,4 introduit de la vitalité dans la pratique des Mitsvot et dans l’étude de la Torah. La « vitalité » n’est pas une entité séparée, elle n’ajoute rien à l’objet qu’elle anime. Un corps vivant ne possède rien de plus qu’un corps mort. Mais la vie est l’âme du corps, elle donne de la vitalité à chaque membre du corps.
Deux aspects de chaque force
Voilà ce qu’apporte la ‘Hassidout. Lorsqu’un Juif étudie la Torah et accomplit les Mitsvot sans y mettre toute son âme, il ne fait pas corps avec elles : lui et la Torah et les Mitsvot sont des entités séparées. La ‘Hassidout, quant à elle, nous enseigne comment chaque Juif peut révéler son essence et donner de la vitalité à son étude de la Torah et à sa pratique des Mitsvot, car l’essence du Juif est une avec la Torah et les Mitsvot.
La ‘Hassidout ‘Habad ajoute une nouvelle dimension à ce qui précède. Le Baal Chem Tov a révélé la vitalité générale qu’un Juif peut introduire dans son service divin, et qui s’exprime, comme nous l’avons dit précédemment, à travers sa foi. La foi pénètre dans toutes les couches de l’âme et emplit de vitalité toutes ses actions : « le Tsadik vit par sa foi ». Cependant, la vitalité qu’apporte la foi touche chaque aspect de l’âme d’une façon générale seulement, et ne concerne pas chaque élément en fonction de sa spécificité. Tout comme la « vie » anime uniformément tous les organes du corps, et n’est pas liée à la fonction particulière de chacun d’eux.
En d’autres termes, chaque force de l’âme possède deux aspects : tout d’abord, elle fait partie des qualités de l’âme en général, ensuite, elle a des qualités spécifiques : force intellectuelle, émotionnelle, etc. La foi peut affecter uniquement la dimension générale de l’âme, mais pas directement chaque qualité particulière.
Le façonnage du caractère
L’Admour Hazakène a introduit de la vitalité jusque dans les caractéristiques particulières de l’âme. La compréhension correcte de la nature profonde d’un concept judaïque comme il est expliqué par la ‘Hassidout façonne le caractère de la personne.
Ainsi, en transposant la ‘Hassidout dans le domaine intellectuel, en la mettant à la portée de tous les Juifs, la vitalité que la ‘Hassidout introduit dans le service divin de chaque Juif provient des efforts personnels de l’homme – et influe alors sur toute sa personnalité.
C’est le sens des paroles du Rabbi précédent, lorsqu’il a dit que « le Baal Chem Tov avait enseigné comment on doit servir D.ieu, et l’Admour Hazakène comment on peut servir D.ieu ».
« Comment on doit servir D.ieu » sous-entend ce qu’on attend d’un Juif et les forces qu’on lui accorde pour cela d’en-Haut. « Comment on peut servir D.ieu » signifie que l’homme peut parvenir au service de D.ieu grâce à ses propres efforts, ce qui renforce et augmente la vitalité dans chaque aspect de son service.
Bien entendu, la ‘Hassidout générale permet de servir D.ieu suivant les principes du ‘Hassidisme. Chaque dimension du service – la prière, l’étude, l’accomplissement des Mitsvot – est illuminée par la vitalité propre à la ‘Hassidout. Mais, comme cela vient d’en-Haut, de la foi, c’est une vitalité qui touche toutes les caractéristiques de la personnalité de façon uniforme. Il y manque l’aspect spécifique à chaque domaine.
L’Admour Hazakène a montré comment un Juif peut introduire de la vitalité dans son service divin grâce à ses propres efforts, en appréhendant avec son intelligence, par l’étude de la ‘Hassidout, la profondeur de chaque détail de son service (et pas seulement les acceptant avec sa foi). Dès lors, chaque aspect du service possède une vitalité nouvelle qui correspond à la profondeur de sa compréhension dans ce domaine.
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