Je me suis mise à la peinture. C’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire, mais je n’en ai jamais eu le temps. Ce n’est pas que je l’aie vraiment désormais, mais j’ai décidé que c’était maintenant ou jamais. (Je ne ferai jamais rien pour moi-même si je continue à attendre le bon moment.) Me voilà donc en peintre novice.

Auriez-vous jamais pensé trouver autant de couleurs et de formes dans une main, dans une manche ou dans un doigt ?

Je regarde un objet... et qu’est-ce que je vois ? Je vois une couleur et une forme. Je regarde mes tubes de peinture. J’ai toutes les teintes de base : bleu, jaune, vert, rouge, orange, blanc, violet, noir et vert. Je décide de peindre ma main et j’examine son ton chair. Regardez votre main. Essayez, si vous le pouvez, de reproduire sa couleur.

Je mélange le rouge et l’orange, le blanc et le jaune. Hmm, je vois qu’il me faut aussi un peu de bleu et une touche de vert. La teinte pêche de la chair est composée de plus de couleurs que j’avais jamais imaginé – et ce n’est que la couleur d’une main !

Maintenant, pour la simple manche blanche de ma chemise, qui aurait pu croire que pour obtenir cette couleur j’aurais besoin de violet, de noir et de bleu ?

Regardez la forme. Il y a des courbes et des angles, des lignes et des cercles. Je vois un doigt fait de rectangles, de triangles et de carrés.

Auriez-vous jamais pensé trouver autant de couleurs et de formes dans une main, dans une manche, dans un doigt ?

Pensez à toutes les expériences que vous traversez. Il y a des moments sombres de noir et de violet. Il y a des moments excitants d’orange, de jaune et de rouge. Il y a des moments plus calmes de vert et de bleu. Certains moments se mélangent pour donner du marron, d’autres font du rose ou du turquoise ; certains donnent du gris. Même un moment ou une expérience de clarté est un mélange de plusieurs choses.

Des couleurs, tellement de couleurs. Vous peignez et vous réalisez que votre peinture n’est pas complète sans une abondance de couleurs.

Les arbres s’épanouissent et l’air est plein de pollen. Le paysage est plein de couleurs. C’est le printemps et, de nouveau, cela signifie que Pessa’h frappe à ma porte. Et je me demande chaque année la même chose : « Es-tu prête ? » Non, je ne parle pas du ménage, des courses et de la cuisine. Je ne parle pas du repas ou de la liste des choses dont nous avons besoin pour le Seder. Je me demande : moi, Elana, suis-je prête ? Suis-je prête à voir la variété et la profondeur de toutes les couleurs du chef-d’œuvre appelé Sens ; du chef-d’œuvre appelé Vie ?

C’était il y a 13 ans, au moment de Pessa’h, quand je me suis assise avec un ventre rebondi, enceinte. Mon fils (né une semaine plus tard, le septième jour de Pessa’h) faisait des culbutes à l’intérieur. Nous avons commencé la partie de la Haggada de Maguid (le récit de l’Exode) : « Voici le pain d’affliction que nos pères mangèrent en terre d’Égypte... » Nous avons montré la matsa. Nous – mon mari, les invités et moi (car nous n’avions pas encore d’enfants) – avons posé « les Quatre Questions » sur pourquoi cette nuit était différente de toutes les autres nuits.

Nous avons continué le récit. « Nous étions esclaves de Pharaon en Égypte » ... « Au début, nos pères servaient des idoles ; mais maintenant l’Omniprésent nous a rapprochés de Son service » ... « Et J’ai pris ton père Abraham de l’autre côté du fleuve, et Je l’ai conduit dans tout le pays de Canaan » … « Et il [Jacob] descendit en Égypte », forcé par le décret divin. « Les Égyptiens nous ont maltraités et ils nous ont fait souffrir, et ils nous ont imposé un dur labeur. »

Ne pouvons-nous pas juste parler du bien ?

Je me suis arrêtée. Pourquoi cette nuit – la nuit de la rédemption, de la liberté et de l’espérance, une nuit de protection et de foi –, pourquoi devons-nous, cette nuit-là, évoquer toute cette partie douloureuse de notre passé ? Ne pouvons-nous pas juste parler du bien, être heureux et passer à autre chose ?

J’ai tapoté mon gros ventre. L’enfant à l’intérieur n’y était pas arrivé facilement. Il y était apparu au bout de beaucoup de larmes et de traitements infructueux. Il était venu au bout d’années d’injections et d’innombrables heures d’attente dans des cabinets médicaux. Tout cela était heureusement derrière moi. J’ai tapoté mon ventre et j’ai réalisé que les larmes et les échecs faisaient partie intégrante de l’histoire. C’étaient autant de couleurs dans le chef-d’œuvre de la création de ce magnifique enfant, tout autant que les couleurs de joie. Ce sont les couleurs complexes et multiples de la vie.

Maintenant, je suis assise à la table du Seder et l’émotion qui s’approche de nous – l’émotion de la bar-mitsva de mon fils et de sa lecture de la Torah dans une semaine – s’intensifie et grandit. Et je me demande : « Elana, es-tu prête ? » Es-tu prête à chanter en cette nuit spéciale ? À chanter des louanges à D.ieu, pas seulement pour le salut et les miracles que nous vivons tous les jours, mais pour les couleurs sombres qui nous aident à identifier la lumière brillante grâce au contraste qu’elles créent. Es-tu prête à voir l’image tout entière, à apprécier toutes ces merveilleuses teintes ? Es-tu prête à reconnaître que le noir fait autant partie du chef-d’œuvre que le blanc ?