Il n’était pas facile d’être un Juif au dix-huitième siècle en Europe de l’Est. Une fois, dans le but d’éviter les fonctionnaires frontaliers corrompus, un Juif embaucha des hommes pour faire passer près de 200 charrettes de vin à travers la campagne russe. Il avait investi beaucoup d’argent dans cette entreprise risquée et attendait impatiemment d’entendre que les charrettes étaient bien arrivées.
Hélas, l’homme, qui comptait parmi les adeptes de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi (l’Admour Hazakène), fut averti, comme la foudre par une journée ensoleillée, que ses 200 charrettes avaient été capturées et saisies par les autorités russes. Terrassé par la détresse, le pauvre homme eut à peine le temps de comprendre la situation avant de s’évanouir. Pire encore : impossible de le ramener à lui. Chaque fois qu’on parvenait à le ranimer, il s’évanouissait de nouveau. Ce scénario se répéta de nombreuses fois.
On se dépêcha de prévenir l’Admour Hazakène dont la réponse fut déroutante, mais catégorique : les charrettes n’avaient pas été saisies.
Cette réponse déclencha une recherche effrénée des charrettes disparues, et elles furent découvertes, saines et sauves. Les conducteurs racontèrent qu’au cours de leur périple à travers la campagne russe, le bruit d’une voiture munie d’une cloche leur fit croire qu’ils étaient poursuivis par les autorités. Craignant pour leur vie, les conducteurs de charrettes abandonnèrent la caravane et s’enfuirent à pied. C’est ainsi que le long cortège de chevaux attachés à des charrettes bloqua la route, ce qui ne manqua pas d’attirer l’attention des passants. Ceux-ci menèrent les chevaux au bord de la route, où ils les attachèrent. Les chevaux et leur précieuse marchandise demeurèrent là, au bord de la route jusqu’à ce que, finalement, les conducteurs revinrent et rapportèrent la marchandise au propriétaire soulagé.
Après que tout ceci fut éclairci, les ‘hassidim s’adressèrent de nouveau à l’Admour Hazakène en lui posant une nouvelle question : comment est-il possible que quelqu’un qui prétend ne pas faire de miracles soit pris à en faire un de façon flagrante ? Comment le Rabbi avait-il su que les marchandises n’avaient pas été réquisitionnées ?
L’Admour Hazakène réfuta la question d’un geste, expliquant : « Il n’y a eu aucun miracle. Ma réponse était basée sur l’enseignement de nos sages selon lequel D.ieu envoie seulement à une personne une souffrance à laquelle elle est capable de résister. Quand j’ai entendu que l’homme était incapable de se réveiller et s’évanouissait constamment, il fut évident pour moi que la saisie de 200 charrettes de vin ne constituait pas une épreuve que D.ieu lui enverrait. Une telle épreuve était trop dure pour lui. »
Note : Cette histoire (adaptée de Chmouot VeSipourim, tome I, page 32-a) n’est pas destinée à justifier la souffrance d’autrui, mais seulement à nous donner une perspective alors que nous traversons nos propres épreuves.
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