Par la grâce de D.ieu
13 Tichri 5728
[17 octobre 1967]
Brooklyn, NY

À M. Ariel Sharon,

Salutations et bénédictions !

J’ai été profondément peiné d’apprendre dans le journal la tragique perte de votre jeune fils, puisse-t-il reposer en paix. Il ne nous a pas été donné de connaître les voies du Créateur. Au cours de la guerre, aux heures de danger, vous avez été sauvé – vous avez d’ailleurs été l’un des artisans de la victoire pour notre nation, les Enfants d’Israël, sur nos ennemis, dans laquelle « le grand nombre fut livré au petit nombre, etc » – et voilà qu’en temps de paix survient cette terrible tragédie ! Mais il n’est pas surprenant qu’un être créé ne puisse comprendre les voies du Créateur, qui nous dépasse de façon infinie. Nous ne nous étonnons pas qu’un enfant ne comprenne pas les agissements d’un sage âgé et vénérable, bien que la différence entre eux ne soit que relative.

Je n’essaie évidemment pas, par ces mots de minimiser votre malheur. Malgré la grande distance matérielle entre nous, je souhaite exprimer mes condoléances.

De prime abord, il pourrait sembler que nous soyons éloignés l’un de l’autre non seulement géographiquement, mais aussi – ou plus encore – du fait de ne pas s’être connus, ni même avoir été conscients de l’existence de l’autre avant la guerre des Six Jours (comme on l’appelle désormais), lorsque vous êtes devenu célèbre et acclamé en tant que commandant et défenseur de notre Terre Sainte et de ses habitants, et en tant que personne aux puissantes capacités. D.ieu, béni soit-il, vous a accordé Sa grâce et le succès dans vos activités, en effet une victoire d’une envergure inattendue.

Mais sur la base d’un principe juif fondamental et profondément enraciné, à savoir que tous les Juifs sont apparentés, la renommée que vous avez reçue a révélé quelque chose qui existait auparavant, c’est-à-dire l’interconnexion de tous les Juifs, qu’ils soient de Terre Sainte ou de la diaspora. C’est cette interconnexion qui m’a incité à écrire les mots qui précèdent à vous et à votre famille.

Un autre facteur qui m’a motivé à écrire cette lettre est l’inspiration formidable que vous avez suscitée dans les cœurs d’un grand nombre de nos frères juifs lorsque vous avez mis les Téfiline au Mur Occidental, un acte qui a été grandement médiatisé et qui a eu un écho puissant et positif dans les différentes couches de notre nation, dans des endroits proches et lointains.

Un élément de consolation – de fait, plus qu’un simple élément – est exprimé dans la bénédiction traditionnelle, consacrée par nombre de génération de Torah et de tradition dans notre peuple :  

« Puisse le Tout-Puissant vous consoler parmi ceux qui pleurent Sion et Jérusalem. »

On pourrait demander pourquoi faire allusion à ceux qui pleurent « Sion et Jérusalem » dans une circonstance où il s’agit de consoler une personne individuellement de la perte d’un être cher. Mais un examen plus attentif révélera que cette personne est apte à trouver du réconfort précisément dans cette comparaison entre son propre malheur d’une part, et la destruction et l’exil de Sion d’autre part. Il y a plusieurs raisons à cela.

La première est que l’affliction relative à la destruction de Sion et de Jérusalem est partagée par tous les Juifs du monde (même si elle est plus palpable pour ceux qui vivent à Jérusalem et voient effectivement le Mur Occidental et notre Temple en ruines. Cependant, ceux qui vivent au loin en éprouvent, eux aussi, un grand chagrin). De même, l’individu ou la famille touchés par le malheur trouveront du réconfort à la pensée que « les enfants d’Israël dans leur ensemble forment un tout unique et solidaire », et qu’ainsi la douleur de chacun est partagée par tout notre peuple.

La deuxième raison : nous avons pleine confiance que D.ieu relèvera Sion et Jérusalem de leurs ruines ; qu’Il rassemblera, par l’intermédiaire de notre juste Machia’h, le peuple d’Israël dispersé dans tous les coins de la terre, et lui fera voir, dans l’allégresse, la joie de Sion et de Jérusalem. Nous avons également pleine confiance que D.ieu réalisera Sa promesse selon laquelle « [...] les habitants de la poussière [les morts] se réveilleront et rendront grâces à l’Éternel ».1 En effet, la joie alors sera grande, quand tous seront réunis une fois la Résurrection des Morts accomplie.

La troisième raison : les Babyloniens et les Romains pouvaient détruire seulement le Temple fait de bois et de pierre, d’or et d’argent, mais ils n’avaient aucune prise sur le « Temple » intérieur qui est dans le cœur de chaque Juif, car ce Temple est éternel. De la même manière, la mort peut avoir raison du corps, mais seulement de lui, car l’âme est éternelle. Loin de mourir, elle regagne simplement le monde de Vérité. Aussi chaque bonne action que nous faisons conformément à la volonté de D.ieu, Dispensateur de toute vie, ajoute au mérite de cette âme montée au ciel, de même qu’elle accroît son bien-être spirituel.

D.ieu veuille que vous soient désormais épargnées, à vous et à votre famille, toute douleur et toute détresse et que dans vos efforts pour défendre notre Terre Sainte, « la terre sur laquelle sont les yeux de D.ieu du commencement de l’année à la fin de l’année »,2 ainsi que dans votre observance de la mitsva des Téfiline – et une mitsva en entraîne une autre dans son sillage –, vous trouviez la consolation.

Avec estime et bénédiction.