Onkelos appartenait par son origine à la famille impériale romaine. Sa mère était la sœur d’Hadrien et son père s’appelait Kalonikos.

Homme d’une vaste culture, très versé dans la philosophie et la science des Romains et des Grecs, Onkelos était doté, non seulement d’un clair cerveau d’une rare puissance de pénétration, mais encore d’un cœur pur et d’une âme généreuse. Il avait vite compris que l’idolâtrie était une erreur et que la Foi juive représentait la vérité. Il s’était mis à servir D.ieu en secret et attendait l’occasion favorable pour proclamer publiquement son attachement au Judaïsme.

Un jour, il alla rendre visite à son oncle Hadrien, et lui dit :

– J’ai passé des années à me pencher sur mes livres et les manuscrits pour étudier les sciences et les langues, mais cela ne m’a été d’aucun profit. Il est temps que j’aille parcourir les routes du vaste monde pour m’adonner au négoce. Mais tu sais que je manque de sens pratique. Toi, par contre, Empereur de Rome, tu possèdes beaucoup d’expérience. Aussi, suis-je venu te demander conseil. Quel genre de marchandises dois-je acheter et vendre ?

Très flatté de se voir sollicité pour un conseil de la part de son neveu si savant, Hadrien lui répondit :

– Tu peux puiser dans mes trésors royaux. Prends tout l’argent dont tu as besoin pour ton négoce. En ce qui concerne le choix de la denrée négociable, je te dirais qu’il serait bon de partir à la recherche d’un produit très peu demandé sur le marché. Les gens n’en sachant pas apprécier la valeur, il sera très bon marché. Achète-le à vil prix et fais ensuite le nécessaire pour que le public en comprenne la valeur et l’utilité. Tu gagneras beaucoup d’argent ainsi.

Peu de temps plus tard, le prince Onkelos quitta le palais impérial et partit de Rome pour se rendre à Jérusalem, en Judée. Dès son arrivée, il embrassa la Foi des Juifs persécutés et se convertit au Judaïsme. Il devint un disciple de Rabbi Eliézer ben Horkenos et de Rabbi Josué ben ‘Hananiah, les célèbres Tannaïm qui avaient été, eux-mêmes, les élèves de Rabbi Yo'hanan ben Zackaï, et s’adonna entièrement à l’étude de la Torah.

Son zèle ne manqua pas d’inspirer à ses Maîtres, Rabbi Eliézer et Rabbi Josué de sérieux soucis pour sa santé. Mais Onkelos, loin de réduire son effort, travailla jour et nuit jusqu’à ce qu’il ait compris tous les mystères de la sainte Torah.

Onkelos était particulièrement attentif au fait que de nombreux Juifs avaient oublié la langue sacrée pendant l’exil de Babylone et s’étaient accoutumés à parler babylonien ou araméen ainsi que d’autres dialectes.

Au retour de l’exil, Ezra avait traduit la Torah en araméen afin que tout le monde puisse la comprendre, mais cette traduction s’était perdue. Onkelos décida de refaire ce travail sous la direction des grands Maîtres et en conformité avec la Tradition Orale, qui avait passé de génération en génération en partant du scribe Ezra, voire de Moïse. C’est cette traduction que nous connaissons à ce jour sous le nom de Targoum Onkelos.

L’empereur Hadrien ne tarda pas d’apprendre que son neveu avait embrassé la Foi juive et était devenu l’un des Sages les plus célèbres en Israël. Il en fut vivement contrarié et dépêcha une escouade avec l’ordre de mettre Onkelos en état d’arrestation et de le ramener enchaîné à Rome.

Onkelos reçut amicalement les légionnaires et les entraîna dans une discussion philosophique et religieuse. Séduits par l’argumentation sûre et convaincante du savant, ils finirent par se jeter à ses pieds, implorant la faveur d’être reçus au sein du Judaïsme comme il l’avait été lui-même.

Ne les voyant pas rentrer, Hadrien chargea de la même mission d’autres soldats, choisis parmi les plus braves et les plus audacieux combattants de l’armée romaine, en leur intimant l’ordre de mettre Onkelos en état d’arrestation, de lui passer les chaînes et de le ramener à Rome. Il les avertit aussi qu’ils n’avaient pas à se laisser entraîner dans des discussions théoriques avec Onkelos, mais à exécuter simplement les ordres. Car, déjà il avait été informé de ce qui s’était passé avec ses premiers émissaires.

De nouveau, Onkelos reçut avec amabilité les envoyés de l’empereur :

– Je sais, je sais, dit-il, que l’empereur vous a interdit de discuter avec moi. Vous devez obéissance aux ordres de l’empereur. J’en ai fait autant, d’ailleurs. Permettez-moi, cependant, de vous poser une question. Vous êtes certainement au courant de l’ordre de bienséance qui est de règle à la Cour impériale de Rome : en tête marche le légionnaire, au titre de porte-flambeau de bas rang, pour éclairer le chemin du centurion ; celui-ci, à son tour, porte un flambeau pour éclairer le chemin du questeur, qui, lui, ouvre la route au général. Celui-ci en fait autant pour l’empereur. Mais, dites-moi : à qui l’empereur éclaire-t-il le chemin ?

– Mais voyons ! fut la réponse, il n’est au service de personne, puisqu’il est l’empereur !

– Voyez donc ! conclut Onkelos. Le D.ieu d’Israël qui créa les cieux et la terre et qui délivra les Juifs d’Égypte, le D.ieu qui domine tous les dieux, Lui est d’un naturel si humble qu’il n’a pas hésité à éclairer Lui-même la route devant ses serviteurs, les Juifs, pendant quarante ans avec une colonne de feu.

Cette remarque fit sur les fonctionnaires romains une impression considérable. Ils ne tardèrent pas à résilier leur mission et à devenir les fidèles élèves d’Onkelos.

Une dernière fois, Hadrien répéta sa tentative et chargea une centurie placée sous le commandement d’officiers supérieurs, de procéder brutalement à l’arrestation d’Onkelos, sans lui prêter oreille, ni, surtout, lui répondre.

Les sbires survinrent et, sans un mot, emmenèrent leur prisonnier. Mais, quand il quitta sa chambre, Onkelos s’arrêta un instant et, avec tous les signes d’une grande allégresse, embrassa la Mézouza sur la porte.

Surpris, les soldats lui firent des grands yeux et ne purent s’empêcher de lui dire :

– Qu’est-ce que cette chose qui se trouve clouée sur ta porte et pourquoi tant de joie en un moment pareil ? Oublies-tu que nous t’emmenons à Rome où ton oncle va sûrement t’enlever la tête ?

– Je me moque des hommes stupides, répliqua vertement Onkelos. Un roi se tient dans ses appartements et entoure son palais de sentinelles pour se préserver du danger. Le Roi des Juifs, par contre, le Maître de l’Univers, permet à ses serviteurs de se retirer béatement chez eux et c’est Lui qui monte la garde à l’extérieur. C’est cela, la Mézouza à notre porte.

Complètement subjugués par l’argument d’Onkelos, les émissaires impériaux ne mirent pas longtemps à devenir, eux aussi, ses fidèles disciples.

Quand Hadrien se rendit compte qu’il ne pourrait ramener son neveu par la force, il en conclut que l’affaire n’était pas des plus simples, et, vivement désireux de rencontrer Onkelos, il fit serment de ne lui faire aucun mal s’il venait lui rendre visite de son propre gré.

Onkelos s’embarqua pour Rome. Lorsqu’il se présenta devant l’empereur, celui-ci se montra surpris de sa mauvaise mine. Mais son neveu l’assura qu’en échange du poids corporel perdu, il avait gagné beaucoup de Torah et de sagesse. Hadrien voulut savoir pourquoi il avait abandonné son foyer et sa Foi pour partir embrasser celle d’un petit peuple plus persécuté et martyrisé qu’aucune autre nation sur la Terre.

– Je me suis conformé simplement à tes excellentes directives, lui répondit Onkelos avec le sourire. Tu m’as conseillé de me procurer une denrée dépréciée, peu demandée sur le marché. Je suis donc allé voyager de par le monde et je n’ai trouvé nulle part une marchandise aussi peu demandée que la foi juive. Alors, j’ai acheté. Je me suis vite rendu compte, d’ailleurs, que j’avais fait une excellente affaire. Les saints prophètes d’Israël ont annoncé que le pauvre peuple juif si martyrisé était destiné à devenir une nation de princes que les rois dans le monde s’estimeront honorés de servir. Quant à la Torah, si méprisée de nos jours, elle sera reconnue par tous les peuples et Jérusalem deviendra un phare pour le monde entier.