Moché-Chlomo était un homme simple, fort peu érudit en vérité. Il avait en revanche la crainte de D.ieu. Et ce n'était pas là son unique vertu ; il en avait d'autres. Son amour de D.ieu se doublait d'un amour égal pour la Torah et pour ses frères juifs. Simple, oui, mais sincère et pieux. Aussi, le Baal Chem Tov lui portait-il une affection toute spéciale.

Moché-Chlomo le lui rendait bien. Il avait l'habitude d'aller de temps en temps le voir chez lui. Le grand et saint Rabbi lui prodiguait ses encouragements. En retour Moché-Chlomo faisait tout ce qui était en son pouvoir pour se montrer digne de l'attention de l'illustre chef des 'Hassidim. Ce dernier était heureux de lui donner ses bénédictions, et priait pour que le succès couronnât ses entreprises. Et ces bénédictions portaient leurs fruits, car les affaires de Moché-Chlomo prospéraient. De son côté, celui-ci, plein de gratitude, apportait au Baal Chem Tov, sous forme d'importantes sommes d'argent, sa contribution à la Tsédakah 1 ; et il éprouvait beaucoup de joie de savoir qu'il avait ainsi une part dans les actions charitables que le saint homme accomplissait avec la plus grande discrétion, et même en secret, venant en aide aux Juifs qui en avaient besoin. C'était tantôt un aubergiste que son propriétaire, seigneur polonais de la région, jetait à la rue – et parfois gardait ses enfants comme otages – parce que le malheureux était dans l'impossibilité de payer son loyer ; tantôt un commerçant en vue qui, victime d'un incendie ou d'une calamité semblable, avait perdu sa fortune, et à qui la honte interdisait de solliciter un secours quelconque. Nombreux étaient les pauvres et les besogneux. Nul n'était instruit autant que le Baal Chem Tov de leur infortune.

Une paternité tant souhaitée

Moché-Chlomo et sa femme menaient une vie simple, et en étaient satisfaits. Leur bonheur eût toutefois été parfait s'ils avaient eu des enfants. Mais c'était là une bénédiction que D.ieu ne leur accordait point. Il y avait quinze ans qu'ils étaient mariés, et ils étaient toujours seuls. La voix enjouée d'un enfant, son rire cristallin manquaient à ces deux êtres qui, malgré l'entente parfaite qui les unissait, sentaient le poids de leur solitude. De temps en temps une tristesse passagère les envahissait. Que leur désir était grand d'avoir un fils ! Plus d'une fois, au cours de ses visites, Moché-Chlomo, incapable de se contenir, avait demandé au saint Rabbi d'intercéder auprès de D.ieu afin qu'il lui accordât la joie d'être père. Mais chaque fois, le Baal Chem Tov répondait en bénissant seulement le travail de Moché-Chlomo. Jamais ses bénédictions n'avaient pour objet cette paternité tant souhaitée.

Les disciples du saint Rabbi connaissaient bien Moché-Chlomo. Ils étaient pleins d'admiration et de respect pour sa sincérité, sa piété et sa générosité. Ils n'ignoraient pas son grand désir d'avoir un enfant et de l'en voir privé les peinait. Ils essayaient bien de temps en temps d'appeler sur son cas l'attention de leur saint maître, mais ce dernier s'obstinait à garder le silence à ce sujet.

Dix années s'écoulèrent ainsi. Moché-Chlomo et sa femme Rivkah avançaient en âge, et plus le temps passait, plus s'amenuisait leur espoir. Au regret succédaient insensiblement la déception et même un sentiment de détresse.

Un jour, le Baal Chem Tov les fit appeler et leur dit :

– Mes amis, pourquoi vous laissez-vous ainsi abattre ? Vous savez que D.ieu ne vous a pas mesuré Ses bénédictions, que ce soit sous forme de vertus, ou d'ample parnassah,2 afin que vous puissiez faire tant de bonnes actions !

Les larmes vinrent aux yeux des deux époux.

– Nous nous faisons vieux, répondit Moché-Chlomo, et nous n'avons ni fils, ni fille pour nous succéder, poursuivre notre œuvre et entretenir notre souvenir...

Encore une fois, le Baal Chem Tov ne dit rien. Il leur demanda s'ils voulaient faire avec lui un voyage qu'il comptait entreprendre le lendemain en compagnie de quelques-uns de ses disciples.

Que de noms semblables !

Le matin de bonne heure, trois voitures étaient prêtes à emmener le groupe. La première était destinée au Baal Chem Tov, la seconde à dix de ses disciples, enfin, dans la dernière, devaient prendre place Moché-Chlomo et sa femme.

Le voyage dura cinq jours. Le groupe s'arrêtait en fin de journée et passait la nuit dans une auberge juive sur la route. Le Chabbat, les voyageurs le célébrèrent dans une petite bourgade, juive elle aussi. Dans toutes les villes et les villages qu'ils traversaient, Moché-Chlomo et sa femme faisaient généreusement la Tsédakah.

Le sixième jour – c'était un lundi –, ils arrivèrent à un bourg voisin de la ville de Brody. Le Baal Chem Tov dit à son cocher de s'arrêter à une maison où demeurait un de ses disciples. Les autres cochers firent de même. L'accueil fut très chaleureux. Après que les voyageurs eurent pris un peu de repos, le Baal Chem Tov dit qu'il désirait faire une promenade à pied ; elle lui permettrait de voir un peu les environs. Et il invita le groupe à l'accompagner.

Dans une rue voisine, ils aperçurent quelques jeunes garçons qui jouaient. Le saint Rabbi appela l'un d'eux et lui demanda son nom.

– Baroukh-Moché, répondit le garçon. Ses camarades s'étaient approchés.

– Et toi, mon enfant ? demanda le Baal Chem Tov à un autre.

– Baroukh-Moché.

– Toi aussi tu t'appelles Baroukh-Moché ? demanda le saint Rabbi à un troisième.

– Baroukh-Moché, en effet.

Pour étrange que cela paraisse, le quatrième garçon s'appelait lui aussi Baroukh-Moché. Mais le cinquième se nommait Baroukh-Mordékhaï, et le sixième Baroukh-Eliah. Un peu en retrait se tenait une petite fille. Elle n'attendit pas que le Baal Chem Tov lui demandât aussi son nom.

– Et moi je m'appelle Brakhah-Léah ! lança-t-elle de loin.

Les disciples du saint Rabbi, de même que Moché-Chlomo et Rivkah qui assistaient muets à la scène, furent fort surpris de ce que les garçons et la fille portassent le même nom, ou en tout cas des noms très voisins. Le Baal Chem Tov, lui, ne montrait aucun signe d'étonnement. Un sourire bon et chaleureux éclairait son visage. Il ne disait mot, et ses disciples n'osaient lui demander la signification de cette répétition du même nom en ce lieu singulier.

Les promeneurs reprirent leur marche. Peu après, ils rencontrèrent une autre petite fille. Le Baal Chem Tov s'arrêta et lui demanda son nom.

– Brakhah-Léah, répondit-elle.

Tournant le coin d'une petite rue, le saint Rabbi et ses compagnons virent un groupe de petites filles qui jouaient. Elles interrompirent leurs jeux.

– Comment t'appelles-tu ? demanda le Baal Chem Tov à l'une d'elles.

– Brakhah-Léah.

– Et toi ?

– Brakhah-Léah aussi.

Et ainsi de suite. Chaque fois qu'une des filles disait son nom, le grand Rabbi avait un sourire heureux. La plupart d'entre elles avaient le double prénom de Brakhah-Léah. L'une d'elles s'appelait Brakhah-Miriam.

Les promeneurs poursuivirent encore leur chemin. À un moment, ils aperçurent une école. D'une fenêtre ouverte leur parvenaient les voix des élèves. C'était un ‘héder3 où les garçons étudiaient sous la direction d'un melamed4. Le Baal Chem Tov entra. Les élèves et leur maître se levèrent et le saluèrent respectueusement. Le saint Rabbi demanda au maître de lui permettre d'appeler le couple âgé qui attendait dehors. Moché-Chlomo et Rivkah entrèrent, et se trouvèrent en présence d'une vingtaine de petits garçons. Le Baal Chem Tov entreprit cette fois encore de leur demander, l'un après l'autre, leurs noms. Leurs réponses surprirent encore davantage que les fois précédentes Moché-Chlomo et sa femme. Ils en furent stupéfaits. Car il se trouva que six d'entre eux se nommaient Baroukh-Moché ; de plusieurs, le nom était soit Baroukh, soit Moché ; ou encore la combinaison de l'un de ces deux avec un autre nom, ce qui donnait Baroukh-Abraham, Moché-Yossef, Baroukh-David ou Moché-Yits’hak. L'un d'eux s'appelait même Moché-Chlomo !

Moché-Chlomo et sa femme étaient intrigués. Que pouvait bien signifier tout cela ? Tous les garçons, toutes les filles de cette petite ville avaient-ils donc des noms identiques, ou en tout cas très proches ?

Le Baal Chem Tov et ses disciples, suivis de Moché-Chlomo et sa femme, reprirent leur promenade. Ils visitèrent plusieurs Talmoud-Torah,5 ainsi que la yéchivah6 que fréquentaient non seulement les élèves locaux, mais aussi ceux des villages alentour.

Le saint Rabbi, soucieux de poursuivre l'expérience, demanda aux garçons leurs noms. Encore une fois ils étaient ou semblables ou très proches.

De plus en plus surpris !

Vint l'heure de Min'hah.7 Le Baal Chem Tov et son groupe se rendirent au Beth-Hamidrache.8 Rivkah monta dans la galerie réservée aux femmes. Les disciples du saint Rabbi ne pouvaient détacher leur pensée du fait, étrange et tant de fois répété, dont ils venaient d'être les témoins. Que les noms des garçons et des filles fussent si similaires ou si voisins les intriguait. Ils conclurent qu'un saint Tsaddik9 répondant au nom de Baroukh-Moché, et sa femme nommée Brakhah-Léah, avaient dû vivre dans le passé dans cette bourgade et que les parents donnaient leurs noms à tous leurs enfants pour perpétuer leur mémoire dans l'espoir aussi qu'ils intercéderaient au ciel en leur faveur, et que les garçons et les filles marcheraient sur les traces du saint couple dont ils portaient les noms.

Après Min'hah, le Baal Chem Tov demanda à l'un des vieux Juifs présents :

– Pourriez-vous nous dire pourquoi la plupart des garçons et des filles de ce bourg se nomment presque tous respectivement Baroukh-Moché et Brakhah-Léah ?

– Oh ! C'est toute une histoire, répondit le vieillard. Je vous la raconterai volontiers,

Un fils plutôt décevant

Et il fit au groupe le récit suivant :

« Il y a de cela environ un siècle et peut-être davantage, vivait dans notre petite ville un Juif nommé Yits’hak-Chlomo. C'était un éminent érudit en Torah et un homme d'une grande piété. Boucher de son état, il gagnait largement sa vie. La générosité était un des traits les plus évidents de son caractère. Non seulement il consacrait une part substantielle de ses gains à la Tsédakah, mais aussi, chaque vendredi et la veille de Yom-Tov, il fournissait gratuitement la viande tant au rabbin qu'aux étudiants de la yéchivah.

De longues années durant, Yits’hak-Chlomo et sa femme restèrent sans enfants. Ce ne fut qu'après quinze ans que D.ieu bénit leur union. Ils eurent un garçon qu'ils appelèrent Baroukh-Moché, d'après le nom de son grand-père.

L'enfant grandit. Vint le temps où il fut envoyé au ‘héder. Mais il ne montra pas de grandes dispositions pour l'étude. Il n'était pas particulièrement intelligent, et sa mémoire qui eût pu y suppléer tant soit peu ne lui était pas, elle non plus, d'un grand secours. Son père ne se découragea pas. Il eut recours aux leçons particulières du maître le plus capable du bourg. Il espérait ainsi que son fils rattraperait le retard, et qu'il finirait par devenir un érudit en Torah. Mais ses espoirs ne se réalisèrent pas. Baroukh-Moché atteignit sa Bar-Mitsva, et poursuivit ses études une année encore. La situation demeurant la même, son père dut finalement reconnaître que tous ses efforts avaient été vains. Il devait renoncer à son rêve, son fils ne serait pas un érudit.

Il décida de l'emmener tous les jours à sa boucherie pour lui enseigner le métier. L'adolescent s'y trouva plus à l'aise que dans la fréquentation des livres. Il apprit rapidement tout ce qu'un boucher juif doit savoir. En même temps, son père lui inculquait les principes moraux qui devaient faire de lui à la fois un commerçant honnête et un Juif respectueux de la Torah. Il lui apprit à donner scrupuleusement à chaque client le poids qui lui était dû, à ne pas augmenter arbitrairement ses prix, à être bon pour les pauvres, et par-dessus tout à ne pas oublier de fournir gratuitement la viande au rabbin et aux étudiants de la yéchivah à Erev Chabbat et à Erev Yom-Tov.10

Avant longtemps, Yits’hak-Chlomo était à même de laisser tout son travail aux mains désormais expertes de son fils, et de se consacrer entièrement à l'étude de la sainte Torah et aux affaires de la communauté.

Dix ans passèrent. Yits’hak-Chlomo trouva une bonne épouse pour son fils. Elle se nommait Brakhah-Léah et était la fille de Rabbi Yaakov Farouche, un saint homme et un érudit. Les deux époux vécurent heureux et respectés de tous. Plusieurs années après ce mariage, Yits’hak-Chlomo mourut, suivi de peu par sa femme. Quelque temps après, les parents de Brakhah-Léah, eux aussi moururent. Le jeune couple demeurait seul.

Baroukh-Moché voulut apprendre des Michnayoth qu'il réciterait pour le repos de l'âme de ses parents. A cet effet, il prit un maître. Mais quelque effort qu'il fît, il ne put apprendre une seule Michnah par cœur. Il en fut ulcéré. Il prit aussi l'habitude de se rendre au Beth-Hamidrache, et de se joindre aux fidèles qui s'asseyaient autour d'une longue table. Il écoutait d'une oreille attentive la leçon quotidienne de Midrache, bien qu'il ne comprît pas grand-chose à ce qui se disait. Un jour cependant, il y entendit des paroles qui lui allèrent, droit au cœur. Le melamed déclarait que celui qui enseigne la Torah aux enfants de son voisin est comme un père pour eux, exactement comme s'il les avait engendrés lui-même. Ces mots firent une peine profonde à Baroukh-Moché. Non seulement il n'avait pas d'enfants, mais aussi il était incapable d'enseigner quoi que ce soit à ceux des autres. Il était lui-même si ignorant ! Cela lui brisait le cœur ; et quand vint l'heure de Maariv,11 il pleura à chaudes larmes sur son triste sort.

Une solution heureuse

Ce soir-là, il rentrait en compagnie du melamed. À un moment, ne pouvant contenir son chagrin, il poussa un profond soupir. Le melamed connaissait les tourments du boucher. Il fit de son mieux pour le réconforter.

– Ne sois pas si abattu, Baroukh-Moché, lui dit-il. Vous êtes encore jeunes, toi et ta femme. Ne perdez pas foi en D.ieu. Il vous accordera sûrement des enfants.

Les yeux du boucher se remplirent de larmes.

– De t'entendre dire, répondit-il d'une voix émue, qu'enseigner la Torah aux enfants des autres c'est comme leur avoir donné le jour, m'a brisé le cœur. Mon ignorance est si grande que je ne sais rien de plus que les prières. Comment enseignerais-je donc aux autres ? Non seulement je n'ai pas d'enfants, mais aussi mon incapacité intellectuelle me prive de cette unique chance d'être un père pour ceux des autres.

Le melamed entreprit d'expliquer à Baroukh-Moché qu'il l'avait mal compris.

– Cela ne veut pas dire, fit-il, que tu doives effectivement enseigner toi-même aux enfants. C'est aussi bien si tu leur rends possible l'étude de la Torah. Par exemple, si tu paies un maître qui la leur enseigne, ou si tu aides matériellement ou financièrement les étudiants de yéchivah, leur facilitant ainsi l'étude de la Torah. Eh bien, dans ces cas aussi tu seras considéré comme leur véritable père.

Les traits de Baroukh-Moché s'illuminèrent.

– Tu ne sais combien tu me rends heureux ! dit-il au melamed. Et il se hâta de regagner son foyer, impatient d'annoncer la merveilleuse nouvelle à sa femme.

Brakhah-Léah fut aussi heureuse que son mari en apprenant qu'ils avaient le moyen « d'avoir des enfants ». Ils décidèrent ensemble d'engager un maître pour enseigner la Torah à tous les garçons et filles pauvres du bourg.

Les jours s'écoulaient. Baroukh-Moché et Brakhah-Léah avançaient en âge, mais ils ne s'en souciaient plus, ils étaient désormais heureux. Car, au long des années, ils avaient « donné naissance » à d'innombrables enfants juifs. D'une année à l'autre, ils avaient, en effet, multiplié le nombre des maîtres. Celui-ci se montait maintenant à trente. Les affaires de Baroukh-Moché prospéraient. Plus il dépensait pour les maîtres et les yéchivoth, plus l'argent rentrait redoublé dans sa caisse sous forme de bénéfices. Lui et sa femme n'en continuaient pas moins à vivre aussi modestement que par le passé, ce qui leur permettait de consacrer davantage d'argent à la Tsédakah et aux maîtres, qui enseignaient maintenant la Torah non seulement aux enfants de leur propre communauté, mais aussi à ceux des villages voisins.

Des enfants innombrables

La plupart des Juifs de notre ville, poursuivit le vieillard, le rabbin et ceux de ma génération, moi compris, ont été les élèves des Talmoud-Torah et des yéchivoth fondés par ce couple admirable et entretenus par lui. Il y a déjà une quinzaine d'années que Baroukh-Moché et sa femme ne sont plus de ce monde. Ils moururent fort vieux, et vers la fin de leur vie, ils avaient confié tous leurs biens conjointement au rabbin et à un comité de quatre baalei-batim.12 Selon leurs volontés, toute leur fortune fut divisée en quatre parts égales. La première était destinée à leurs familles, la seconde aux pauvres, la troisième devait servir pour faire face aux frais occasionnés par les melamedim et les institutions toraniques, enfin, la quatrième pour les autres œuvres charitables.

Assurément, ils quittèrent ce monde sans avoir eu d'enfants – leurs propres enfants. Néanmoins, nombreux sont les garçons et les filles qui portent et perpétuent leurs noms. Car chacun de nous, qui devons à ce couple toute notre éducation et toutes nos connaissances, a appelé chacun de ses enfants Baroukh-Moché si c'était un garçon, et Brakhah-Léah si c'était une fille, d'après les noms de nos inoubliables « père » et « mère ». À l'anniversaire de leur mort, le rabbin lui-même conduit les prières, et nous récitons tous le Kaddiche pour le repos de leurs âmes. Nous rendons visite à leurs tombes et entretenons leur souvenir exactement comme s'ils étaient nos vrais père et mère. Ce qu'ils sont, en vérité. Car si nos parents naturels nous ont donné cette vie physique et terrestre, nos parents adoptifs, eux, nous ont donné la vie éternelle. Leur sainte mémoire sera toujours vénérée par nous. »

« Dans Mes puissants murs... »

Quand ce soir-là le Baal Chem Tov, ses disciples, Moché-Chlomo et sa femme Rivkah eurent regagné leur auberge, le saint Rabbi parla au vieux couple en ces termes :

– Mes amis, vous comprenez maintenant la signification des paroles que D.ieu a mises dans la bouche de Son prophète au sujet des personnes stériles : « Et Je leur assurerai, dans Ma maison et dans Mes puissants murs, une place et un nom, meilleurs que des fils et des filles. Je leur donnerai un nom éternel qui se perpétuera à jamais. »13 « Ma maison », c'est la Torah, la demeure de D.ieu et « Mes puissants murs », c'est le peuple juif dont la foi en l'Éternel est inébranlable comme une muraille. Les Juifs comme vous, qui mènent une vie juive et aident les autres à apprendre la Torah ont dans celle-ci et dans le peuple juif une part éternelle.

Moché-Chlomo et sa femme trouvaient enfin la paix et le réconfort dont ils avaient besoin. Désormais ils ne se plaindraient plus de leur sort, et ne déploreraient pas que D.ieu n'eût pas béni leur union, heureux au contraire de penser qu'en aidant tant de jeunes à apprendre la Torah, ils « donnaient naissance » en fait à beaucoup d'enfants. Pleins de gratitude envers D.ieu qui leur permettait « d'adopter » tant de garçons et de filles, ils décidèrent de suivre l'exemple de Baroukh-Moché et de sa femme Brakhah-Léah qui avaient été les père et mère de ces merveilleux parents et de leurs enfants qu'ils avaient justement rencontrés ce jour-là.