Une démonstration de la façon dont trois aspects majeurs de la théorie scientifique moderne interagissent merveilleusement avec les concepts clés de la tradition kabbalistique.

1) La quête de l’unité

La science, dans sa quête pour révéler l’unité sous-jacente au sein de la nature, se retrouve constamment à revenir aux origines de l’univers – au « jour un » (yom e’had) de la Création. L’univers, dans son état actuel, est trop froid et trop solide pour que l’on puisse y trouver l’indication d’une telle unité. C’est seulement au sein de l’énergie et de la chaleur qui régnaient au tout début du temps et de l’espace que toutes les forces et tous les éléments de la nature pouvaient fusionner pour ne faire qu’un. Telles sont les prémisses qui sous-tendent les théories du champ unifié et du « big bang ». Si l’on recherche l’unité encore plus profonde qui lie « l’existence » à la « non-existence », il devient alors nécessaire de proposer des théories encore plus obscures – comme la théorie des cordes – qui relèvent presque de la métaphysique.

La recherche de l’unité commence avec le principe généralement admis dans la physique moderne que le temps partage une « géographie » commune avec l’espace : de même que tous les points de l’espace coexistent selon un continuum unique, tous les points dans le temps – passés, présents et futurs – se répartissent simultanément au sein du même réseau.

Beaucoup admettent actuellement que le processus cosmologique qui a produit ce continuum d’espace-temps s’est déroulé en quatre étapes, dont les trois premières émanent des théoriciens des « cordes », tandis que la dernière est populairement connue sous le nom de « théorie du big bang ». En premier lieu, les propriétés et les relations mathématiques qui régissent l’espace-temps devaient être définies ou « créées ». Ensuite, en un seul saut quantique, « l’existence » a spontanément émergé de cette « abstraction ». À ce moment-là, une grande « inflation » de l’univers se produisit, lors de laquelle il s’étendit, instantanément, de l’ordre de 1050. Finalement, le « big bang » déchaîna la pleine poussée de sa force à partir d’un point unique à l’intérieur de cet univers étendu. Dès lors, l’univers tel que nous le connaissons commença à se dilater, quoiqu’infiniment plus lentement qu’il ne l’avait fait jusque-là, se figeant dans son état actuel au fur et à mesure que ses éléments structurels se refroidissaient.

En termes kabbalistiques, ces quatre étapes peuvent être considérées comme correspondant à la séquence des quatre lettres du Nom ineffable de D.ieu – Youd Hé Vav Hé, le modèle sur lequel repose toute méditation dirigée vers D.ieu et la Création. La première lettre de Son Nom, Youd, un point minuscule, représente la « contraction » initiale (le tsimtsoum) de la Lumière Divine à partir de laquelle fut créé le vide primordial de l’espace et du temps. La seconde lettre de Son Nom, le développé dans l’espace, représente l’émergence initiale de l’être créé ex nihilo. La troisième lettre, le Vav linéaire (dont la valeur numérique est 6), symbolise l’extension soudaine de cet être dans les six directions de l’espace. Il suggère également à la prémisse contenue dans la théorie des cordes qu’il existe six autres dimensions cachées qui sont effectivement « enveloppées » au sein des quatre que nous identifions communément. Enfin, la répétition de la lettre à la fin du Nom de D.ieu suggère une fois de plus l’idée d’expansion – désignant cette fois-ci l’expansion finale de l’univers par laquelle il s’est installé dans sa forme divinement assignée.

L’hypothèse d’une unité sous-jacente au sein de la Création entraîne avec elle la croyance concomitante en un état de symétrie parfaite ayant caractérisé l’univers naissant. (Les mathématiques de la physique moderne utilisent des groupes de symétrie lorsqu’elles veulent exclure des phénomènes conceptuels « indésirables » comme les infinis.) Au fur et à mesure que progressent les étapes de la création, cet état initial de symétrie dans l’univers semble s’effondrer. Ainsi, tout retour à l’unité primordiale de la création semblerait impliquer un retour correspondant à la symétrie maximale.

Le dernier verset de la section de la Torah de Béréchit (Genèse 5,8) évoque le ‘hen (amabilité ou faveur) que Noé trouva aux yeux de D.ieu. Le terme ‘hen est compris dans la pensée ‘hassidique comme impliquant le genre particulier de beauté gracieuse qui découle d’une symétrie innée. Noé, qui représentait le dernier vestige de la grâce naturelle demeurée dans la Création après le grand déclin moral qui provoqua le déluge, fut identifié aux yeux de D.ieu comme une source de ‘hen, comme l’exprime le fait que les lettres hébraïques de son nom – le noun et le ‘het – forment une image miroir du mot ‘hen. Ainsi, le ‘hen que Noé trouva aux yeux de D.ieu suggère de manière figurative l’identification d’une symétrie suffisante au sein de la Création pour susciter la compassion divine et sauver le monde de la destruction totale. La pupille de l’œil est appelée en hébreu ishon – littéralement « petit homme » –, faisant peut-être allusion à l’image de Noé qui occupait le centre de la vision de D.ieu lorsque Celui-ci évaluait l’avenir de Sa création.

La Torah désigne communément l’œil comme étant l’instrument de mesure du ‘hen. Le rôle que joue la symétrie dans le processus de la perception visuelle s’exprime clairement par la fonction du cristallin, la lentille qui projette sur la rétine une image inversée qui est par la suite retraitée par le cerveau pour produire l’image rectifiée que nous percevons réellement. Cela nous indique que la façon de découvrir le ‘hen caché de l’univers est d’imaginer une « inversion » de la réalité, dans laquelle la Divinité est pleinement révélée tandis que l’aspect matériel de la Création passe dans l’abstraction.

2) Le principe d’incertitude et la conscience de la foi

À côté de l’unité sous-jacente de la nature, le centre d’intérêt le plus « éclairé » de la recherche scientifique moderne peut être considéré comme étant celui de la relation intime entre la conscience et les lois de la réalité physique.

Le principe d’incertitude de la physique quantique, qui établit en substance l’impossibilité de déterminer simultanément certaines paires de phénomènes subatomiques (comme la position et la quantité de mouvement), implique que l’acte même de l’observation humaine – ou « conscience » – affecte nécessairement l’une des propriétés que l’on observe. Les physiciens ne sont pas d’accord sur le degré de conscience nécessaire à la mesure de la réalité physique. Néanmoins, l’idée demeure – soutenue par la métaphysique correspondante de la Kabbale – que la conscience à la faculté de déterminer par elle-même la nature du monde que nous cherchons à connaître.

Le principe d’incertitude est un bon exemple de la façon dont les principes fondamentaux de la physique moderne peuvent contredire les axiomes du bon sens. Au bout du compte, le courage intellectuel de contester le consensus de la raison découle de la force suprarationelle de la foi inhérente à l’âme divine de l’homme. Avant l’avènement de la physique quantique, la science croyait que le déterminisme dirigeait l’univers. Avec le principe d’incertitude, il est désormais évident que la nature ne peut pas être expliquée en termes de pure causalité. Au maximum, nous pouvons parler de « probabilité », ce qui permet de réintégrer au débat scientifique des phénomènes tels que le libre arbitre et la responsabilité morale qui, du fait de leur caractère « non scientifique » supposé, avaient été totalement rejetés par les penseurs scientifiques antérieurs.

La litanie de la physique moderne est remplie d’attaques au bon sens : la vitesse de la lumière reste constante, quelles que soient les circonstances de sa mesure ; les changements énergétiques dans l’univers se produisent à intervalles « quantiques » fixes (la constante de Planck) plutôt que par incréments contigus. Ces deux « constantes » dans la nature – « c » (la vitesse de la lumière) et « h » (l’unité d’énergie quantique) – changent à jamais la façon dont nous concevons des concepts classiques tels que « l’infini » et « zéro » ». Une troisième « constante » dans la nature, dérivée des deux précédentes et placée, en quelque sorte, entre celles-ci, est « l’inverse de la constante de structure fine », égale au nombre « pur » (c’est-à-dire sans dimension) de 137. (Le nombre 137 est aussi l’équivalent numérique du mot Kabbalah en hébreu.) Ensemble, ces trois constantes forment un ensemble qui correspond à la séquence des étapes dans le service de D.ieu, expliquée ailleurs dans la tradition ‘hassidique.

3) La descente de la création à une position de repos

Une autre base de la physique moderne est citée comme le postulat selon lequel toutes les structures physiques tendent vers leur niveau d’énergie le plus bas possible. Ce principe fondamental est reflété dans la doctrine kabbalistique des « mondes descendants », dans laquelle la Création est vue comme descendant de l’énergie infinie de l’Être divin jusque dans la stase de la réalité matérielle.

La finalité de cette descente est de procurer à D.ieu une dira beta’htonim – une « demeure dans les domaines inférieurs » – où la Gloire de Son Royaume pourrait être manifeste de par l’effet du service de la Torah et des mitsvot sur l’ordre créé.

La révélation de la Majesté divine qui accompagnera la rectification finale de notre monde physique éclipsera de loin toute révélation antérieure de Divinité dans l’histoire de la Création. C’est pour cette raison que la tendance à « descendre dans la matérialité » domina l’état initial de sublime symétrie qui caractérisait la création naissante. L’univers recherche cet « état d’énergie le plus faible » à partir duquel il est destiné à manifester une symétrie radicalement nouvelle au sein de la Création : celle qui harmonisera la perfection primordiale de D.ieu avec le domaine déficient de la réalité matérielle.

Dans la Kabbale, la propriété de « descente » associée au royaume matériel atteint son expression ultime dans l’eau, qui par nature coule du haut vers le bas, cherchant le plus bas point. La propriété opposée de l’ascension spirituelle est représentée dans la flamme du feu, qui consume la matière dans sa tentative d’ascension. Au final, la force de gravité associée à l’eau surpasse la force de légèreté liée au feu, de même que l’enracinement du monde dans la matérialité dépasse son désir intérieur d’être consumé dans la Divinité.

Selon la plupart des physiciens, l’univers a déjà atteint son plus bas niveau de distribution d’énergie. Cela signifierait, selon la foi kabbalistique, que le monde est sur le point d’entrer dans un nouvel état de symétrie. On peut considérer que c’est le Chabbat qui fournit la meilleure métaphore de cette nouvelle réalité.

Nous devrions imaginer la Création comme un processus qui passe d’un état sabbatique d’équilibre et d’harmonie à un autre. Le premier « Chabbat » – caractérisé par l’extension infinie de la Lumière Divine qui imprégnait à l’origine toute la réalité – était le reflet de la « première pensée » de D.ieu concernant la création imminente qui allait avoir lieu : que celle-ci soit construite sur le principe de « din », la mesure stricte contribuant à la forme idéale. La symétrie impliquée par ce programme était d’une parfaite uniformité, inspirée par l’Unité absolue de la Lumière Divine à partir de laquelle elle avait été conçue.

Une intention plus profonde, cependant, apparut avec la décision de D.ieu d’appliquer conjointement avec le din, le principe de ra’hamim, la compassion divine. C’est cet attribut qui fut responsable de la forme « tolérante » que prit finalement la Création, celle qui accueillit en son sein les imperfections de la réalité matérielle finie. Ayant commencé sa « descente », l’univers s’engagea sur chemin mystérieux menant au « Chabbat à venir », lorsque le monde sera délivré de son agitation et de sa turbulence.

Cette représentation des principes contraires à l’œuvre dans la Création se reflète dans le célèbre Midrash qui décrit comment les deux attributs de ‘hessed (« Bienveillance ») et emeth (« Vérité ») ont comparu devant D.ieu avant la Création pour aborder la question de si le monde devait effectivement être créé. La Vérité exigea que ce monde ne soit pas créé, car il finirait par se remplir de « l’asymétrie » des mensonges et de la fausseté ; la Bienveillance, arguant qu’une création matérielle ne peut jamais se justifier, demanda que le monde soit néanmoins créé, ne serait-ce que par le mérite de la bonté de D.ieu, ainsi que l’occasion qu’il nous donne d’enrichir notre prochain.

Le Midrash conclut bien sûr que D.ieu privilégia la position de la Bienveillance, relatant qu’Il « jeta la Vérité à terre », un acte reflétant Son désir que l’idéalisme strict soit tempéré par l’empathie et la considération des limites de l’existence finie. Il y a, dans cet acte, le désir implicite que « la Bienveillance et la Vérité se rencontrent, que la Justice et la Paix s’embrassent, que la Vérité jaillit de la terre et que la Justice regarde du Ciel » (Psaumes 85, 11-12). C’est la symétrie révélée entre la Bienveillance et la Vérité qui sera manifeste au sein de la Création au moment où celle-ci entrera dans son jour de Chabbat éternel.

Pour qu’elle puisse reconnaître le but et le destin véritables de la Création, il est nécessaire que l’Âme Divine se revêtisse d’un corps physique. C’est seulement alors que l’homme pourra accomplir la Volonté de D.ieu à travers l’étude de la Torah et le service des mitsvot. Au bout du compte, l’accomplissement de ce mandat suscitera un esprit divin révolutionnaire qui demeure latent dans l’univers. L’éveil réussi de cet esprit exposera la véritable intention de D.ieu lorsqu’Il causa la descente de la Création : la sanctification ultime de Son Nom et de son Royaume avec l’ascension de l’Humanité et de toute réalité à un plan infiniment plus élevé que celui auquel ils se trouvaient initialement.

La majesté de l’âge messianique – le Chabbat éternel du futur – est une réalité que nous construisons lentement à travers la discipline divinement révélée de la pensée, de la parole et de l’action qui façonnent chaque jour de vie en ce monde. C’est une discipline qui – en nous permettant d’affiner notre conscience de la perfection divine qui sous-tend la réalité – nous rend tous les architectes d’un nouvel ordre mondial.

La perfection du Chabbat est immuable et éternelle ; seule notre conscience est soumise aux changements et à la distorsion qui lui sont imposés par la coquille matérielle dans laquelle elle est enfermée. En neutralisant l’effet de cette coquille, nous libérons simplement la conscience naturelle du divin que possède l’âme de sorte qu’elle puisse s’affirmer de la manière la plus forte et mettre ainsi en évidence l’essence véritable de la réalité matérielle. Ainsi, l’aboutissement de ce processus exige que chaque dernier semblant d’être matériel soit éclairé et « clarifié » par notre conscience du divin. C’est la raison pour laquelle la Création doit descendre à son niveau le plus bas avant que la symétrie cachée du Chabbat puisse se manifester à jamais.

Notre réalité physique actuelle ne laisse guère penser à la grandeur future à laquelle elle est destinée. Ce que nous percevons de la « descente de la Création » est le phénomène physique de « l’entropie » par lequel l’univers semble avancer inexorablement dans le temps vers une décomposition de plus en plus grande. La force de l’entropie se reflète dans le concept kabbalistique de Tohou (chaos). La défaite finale du Tohou devant la force du Tikoun (ordre rectifié et symétrie) n’est pas évidente au plan macrocosmique de l’expérience humaine, tout comme le renversement du temps et beaucoup d’autres phénomènes prouvés de la réalité quantique ne le sont pas.

Mais du royaume merveilleux de la réalité subatomique – le microcosme caché que seul D.ieu peut « connaître » directement –, de nombreux indices de la vraie nature de la Création apparaissent. Les particules élémentaires se déplacent vers l’arrière dans le temps, en laissant des « empreintes » qui sont observables expérimentalement. Ainsi, l’on peut dire que la force de Tikoun – l’entropie négative – réside dans le domaine de l’infiniment petit. L’homme accède à cette force en se rendant lui-même tout aussi petit et humble afin de partager la vision dégagée de D.ieu de la réalité.

En conclusion, nous voyons maintenant comment trois principes fondamentaux de la science moderne – l’unité sous-jacente de la nature, l’incertitude incorporée à la réalité subatomique et la tendance de l’univers à une dissipation croissante – finissent par « embrasser » la croyance kabbalistique à trois moments : le passé primordial (la croyance dans l’unité divine initiale à partir de laquelle la création fut conçue), le moment présent continu (la croyance en la construction permanente de la réalité par la conscience raffinée), et le futur en développement (la croyance en l’unité supérieure qui s’affirmera lorsque chaque élément de la Création sera éclairé par l’âme).