Tu es toujours là, prêt à bondir. Dès l’instant où je suis arrachée au sommeil à 5 h par les cris de ma fille, tu es là, à me dire que je ne suis pas assez bien. Pour toutes sortes de raisons. Ce pourrait être parce que je ne suis pas assez ferme ou disciplinée pour régler le sommeil de ma fille, ou parce que je suis allée au lit trop tard, ou que je n’ai pas un programme clair pour la journée et que je ne vais « probablement » pas mettre à profit à bon escient le temps dont je dispose nouvellement (maintenant que mes deux filles sont à la crèche). Je traverse le couloir en claudiquant avec les orteils endoloris et me sentant lourde alors que j’essuie ce tir de barrage de tous côtés.

Et tu me suis toute la journée, à regarder comment tu peux me défaire. Et tu ne cesses de me défaire. C’est si facile pour toi, tu me connais si bien. Tu sais à quel point je veux être bien, et bien faire. Et tu ressasses sans cesse que je suis exactement la personne que j’essaie de ne pas être. Que ma course décrit futilement des cercles sans fin. Que la sieste qui a le potentiel de me revigorer et de recharger mes batteries n’est que paresse. Et la liste est encore longue...

Tu es si incroyablement sévère. Tu veux que je saigne. Tu ne fermes les yeux sur rien, et tu ne remarques certainement rien de bien que je fasse.

Certes, tu connais mes qualités. Comme celle de valoriser la confiance qu’a ma fille que je serai toujours là pour elle, quoi qu’il arrive. Celle de déployer tellement d’efforts pour gérer la situation. Mais le tableau complet, tu ne le vois pas. Tu ne célèbres pas mes réalisations ; tu en exiges plus. Même si mon book d’articles est plein à craquer, tu me compares à des auteurs plus en vogue. Tu ne prends pas en compte ma mission unique et l’ensemble de mon histoire personnelle.

Et, tu sais quoi, je te laisse avoir tant de pouvoir, parce qu’une petite fille douce et vulnérable à l’intérieur de moi croit qu’elle a besoin d’être extraordinaire. L’aspiration à être extraordinaire semble en soi extraordinaire, non ? Mais je m’aperçois de plus en plus que ce qui est extraordinaire, c’est de m’aimer quand je ne suis pas « extraordinaire ». C’est être extraordinairement imparfaite, humaine, vulnérable et m’aimer infiniment malgré tout. C’est pouvoir me pardonner moi-même pour tous mes défauts et toutes mes erreurs tout en travaillant pour être au top. Pour qui te prends-tu, à essayer de rendre mon amour-propre conditionnel ?

Je te vois. Je t’entends. Tu es ce que les psychologues appellent la voix intérieure sévère et critique, et ce que le judaïsme appelle le yetser hara, le mauvais penchant, constamment prêt à pousser une personne à faire ce qui est mal aux yeux de D.ieu. Tu cherches à me faire tomber d’une manière qui ne me poussera pas à être meilleure, mais me jettera dans une spirale de négativité, m’empêchant de remplir ma mission unique et de faire jaillir la lumière que moi seule peux apporter au monde. Mais j’ai également un yetser tov, un bon penchant, et je reconnais la vérité. Toi, tu ne représentes pas la vérité. Tu es seulement une voix, et c’est moi qui ai la main sur la touche du volume. Et si je rechargeais mes batteries avec cette bonne sieste maintenant ?