Je veux changer. Devrais-je brusquement mettre un terme à mes comportements destructeurs, ou bien m’efforcer d’introduire progressivement des attitudes positives dans ma vie ?
Mes habitudes alimentaires sont dramatiques. Dois-je immédiatement arrêter les aliments sucrés et gras (à quoi bon manger un légume d’une main en tenant une bouteille de Coca de l’autre ?), ou devrais-je introduire petit à petit les brocolis et la laitue dans mon alimentation ?
Je veux écrire un livre. Dois-je interrompre tout ce que je fais et consacrer chaque minute de l’année prochaine à cette tâche, ou devrais-je me consacrer à l’écriture 10 minutes chaque jour ?
Je veux changerJe voudrais sortir de mon obscurité spirituelle. Je peux mettre toute mon énergie à arrêter mes comportements négatifs. Mais peut-être devrais-je reconnaître que, pour le moment, je ne suis pas en mesure d’arrêter tout et que je devrais m’efforcer d’introduire des activités productives dans ma routine quotidienne.
Il est clair que toutes les situations sont différentes, et dans la plupart des cas il nous faut utiliser conjointement les deux tactiques. Mais il y a certainement matière à discussion quant à l’endroit où il convient de concentrer nos efforts.
Cette question est à l’origine d’un différend talmudique sur la quantité de lumières allumées chacun des soirs de ‘Hanouka :
La Maison de Shammaï dit : Le premier jour, nous allumons huit lumières et nous diminuons ensuite progressivement. Mais la Maison de Hillel dit : Le premier jour, une lumière est allumée et par la suite, on en augmente progressivement le nombre.
Oula dit : Dans l’Ouest [en Israël], deux sages, Rabbi Yossi bar Avin et Rabbi Yossi bar Zevida, débattent. L’un soutient que la logique de la Maison de Shammaï est que cela correspond aux jours encore à venir et que celle de la Maison de Hillel est que cela correspond aux jours passés. Mais l’autre maintient que la raison de la Maison de Shammaï est que cela correspond aux taureaux [offerts sur l’autel pendant la fête] de Souccot, tandis que la raison de la Maison de Hillel est que nous nous élevons dans [les sujets de] la sainteté, mais ne descendons pas.1
Selon Shammaï, nous commençons par allumer huit bougies le premier soir, puis nous diminuons d’une bougie chaque soir. Hillel affirme que nous commençons en allumant une bougie, puis nous augmentons jusqu’à avoir une menorah complète le huitième soir (la halakha suit Hillel). Pourquoi cette différence d’opinions ? Examinons la seconde explication :
Shammaï dit de diminuer, à l’image du nombre de taureaux offerts dans le Temple à Souccot. Hillel dit d’augmenter parce que, en règle générale, nous sommes censés croître en sainteté et non diminuer. Cela demande quelques explications supplémentaires. En effet, selon Hillel, pourquoi la Torah nous ordonne-t-elle de diminuer le nombre de taureaux offerts chaque jour à Souccot ? Cela ne contredit-il pas son principe selon lequel nous devons croître en sainteté ? Quant à Shammaï, ne souscrit-il pas lui aussi au principe de l’augmentation de la sainteté ?
Shammaï et Hillel diffèrent sur la question de savoir par où commencer.
Shammaï dit que la première chose que l’on doit faire est de lutter contre son mal – complètement. On ne combat pas le mal en avançant par sauts de puce. On doit se jeter dans la mêlée. On doit se dire des choses telles que : « Je ne recommencerai jamais à [remplissez cet espace par n’importe quel comportement destructeur]. » Si l’alcool est votre problème et que vous dites : « Je prendrai seulement trois verres au lieu de quatre », vous ne gagnerez jamais. Avancer à petits pas dans la bonne direction, fait valoir Shammaï, est comme construire un château de sable sur une plage : il sera emporté par la première vague de la mer déchaînée.
Par conséquent, dit Shammaï, la première nuit de ‘Hanouka, vous devez allumer toutes les lumières, car vous avez besoin de chaque once d’énergie dont vous disposez pour lutter contre l’obscurité à l’extérieur. Le résultat sera que demain, ce sera un peu plus facile. Vous aurez affaibli le mal le premier soir, donc il y en aura moins le second, c’est pourquoi vous n’aurez besoin que de sept lumières le second soir. À terme, vous vous serez débarrassé de l’obscurité et vous n’aurez plus besoin de lumière avec laquelle la combattre.
Hillel dit : Oubliez le mal.
Peut-être qu’à l’époque du Temple nous avions la force spirituelle pour attaquer de front l’obscurité et c’est pourquoi les offrandes de Souccot diminuaient chaque jour. Mais en exil, privés que nous sommes de la puissance spirituelle du Temple, il nous faut une toute nouvelle stratégie.
Oubliez le malNous devons nous concentrer sur l’action positive.
Ne vous préoccupez pas de l’obscurité, faites ne serait-ce qu’un petit pas dans la bonne direction. Allumez simplement une petite bougie. No big deal. C’est à la portée de n’importe qui. La clé, cependant, est que demain vous ajoutiez un plus de lumière. Une croissance ténue, mais constante. Très rapidement, votre ménorah sera complète.2
Et donc, dans nos propres vies aussi, avec nos propres difficultés : de petites améliorations à notre portée peuvent produire au final beaucoup de bienfaits et de lumière.
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