« Pourquoi ton dinosaure a-t-il un ruban sur la tête ? » demanda l’institutrice au bout de chou de cinq ans que j’étais.

« Parce que c’est une fille », lui répondis-je avec un sourire.

J’étais la seule enfant qui avait attribué un genre à mon dessin. J’étais fière de mon dinosaure. Il reflétait bien sa personnalité féminine. L’instit a trouvé cela tellement mignon qu’elle a téléphoné à ma mère le lendemain pour lui parler de ma créativité.

Dans mon enfance, je tenais à porter des robes, et surtout des roses. Je suppose que je suis née avec une nature féministe, dans le sens apolitique. Je célébrais mon identité de fille et j’en étais fière.

J’étais fière de mon dinosaure

À un très jeune âge, je me suis rendue compte qu’il y avait quelque chose de très spécial à propos de ma féminité. C’était un objet de beauté. Je l’admirais en moi-même, et je voulais que les autres le remarquent en moi. Je me suis également rendue compte que les vêtements avec lesquels j’ornais mon corps avaient un sens. Ils définissaient qui j’étais, qui je voulais être, et comment je voulais que les autres me perçoivent.

Il n’est pas surprenant que les gens nous jugent à travers ce que nous portons. C’est un fait, aussi superficiel que cela paraisse, que notre habillement véhicule aux yeux des autres une image de qui nous sommes et de qui nous voulons être. Nous vivons dans une société visuelle. Nous regardons le monde extérieur à travers les stimuli visuels de la télévision, de l’Internet et des magazines.

Et pourtant, connaître vraiment une personne est tellement plus profond que cela. Pour parvenir à admirer profondément une personne, il nous faut utiliser nos autres sens. La beauté s’exprime dans des choses qui peuvent être vues, mais également dans des choses qui ne peuvent pas être vues. Cela peut être dans l’odeur d’une personne, son toucher, sa personnalité. Percevoir la beauté complète et véritable d’une personne demande de la profondeur.

En grandissant, j’ai appris la notion de pudeur. La pudeur ne jouit pas d’une grande popularité dans les cercles des adolescents et des jeunes adultes. C’est compréhensible, parce que, de prime abord, elle semble étouffer l’individualité et la liberté. Nous sommes même surprises quand nous trouvons belle une femme qui s’habille pudiquement.

Lors d’un voyage avec un groupe d’amies, l’une d’entre nous a désigné une femme rayonnante dans un café casher et a dit : « Je pensais que les femmes religieuses étaient censées être pudiques, mais elle est magnifique. »

Cela semble étouffer l’individualité et la liberté

Ce que mon amie pensait, c’est que la raison pour laquelle les femmes doivent s’habiller pudiquement est de faire en sorte que les hommes ne les regardent pas. Dans son esprit, être pudique était synonyme de faire de soi quelqu’un sans attrait.

La culture occidentale moderne nous encourage à faire étalage de nos atouts. Et, pour les femmes, nos corps peuvent être nos plus grands atouts. Exhiber notre corps est décrété comme étant « libérateur ». Nous ne devrions pas « avoir honte » de ce que nous avons, du moment que c’est considéré beau. S’habiller d’une manière plus provocante est appelé « grandir ». Cela est certainement vrai à Hollywood, mais Hollywood ne fait que refléter la société. Être fière de son corps revient à être fière de soi.

En tant que femme vivant dans l’Amérique d’aujourd’hui, je ressens qu’on m’adresse des signaux contradictoires. On attend de moi d’être une femme instruite, menant carrière, mais aussi que je sois féminine et séduisante afin de trouver un mari. Mais les tenues pour faire ces choses sont totalement différentes. La superwoman d’aujourd’hui devrait réussir sur tous les plans, et s’habiller en conséquence pour chaque rôle qu’elle joue.

Le judaïsme nous dit que nous pouvons jouer ces deux rôles en étant habillée modestement. Non pas parce que le judaïsme veut que les femmes soient peu attrayantes : la pudeur est censée être belle. Non pas parce qu’une femme doit avoir honte de ce qui est en dessous, mais parce que c’est précieux. Quand quelque chose est précieux, nous le gardons à l’abri. Nous ne laissons pas n’importe qui le voir ni le toucher. Nous le protégeons. Une femme s’habille modestement parce qu’elle est consciente de la puissance du corps féminin. Et aussi, s’habiller modestement nous permet d’être fidèles à nous-mêmes, quel que soit le type de rôle que nous jouions.

Le judaïsme nous dit que l’être humain est composé de deux éléments : le corps et l’âme. Notre corps, cependant, n’est pas qui nous sommes. Il est le vêtement de notre âme.

Le rôle de notre corps est de contenir notre âme et de l’aider à grandir. En couvrant les parties les plus « flashy » de nous-mêmes, nous invitons les autres à avoir un regard plus profond sur nous. Notre pudeur permet aux autres de vraiment apprendre à nous connaître.

Nous invitons les autres à avoir un regard plus profond

La pudeur ne nous empêche pas d’être belles. De fait, être belle de façon modeste est louable. C’est une manière d’affirmer : « Je me respecte, et je suis une personne qui gagne à être connue. » La pudeur est un outil pour nous permettre, en tant que femmes, d’exploiter notre beauté en disant au monde que nous sommes beaucoup plus que notre extérieur.

La pudeur nous guide pour savoir comment accéder à la beauté illimitée qui est en nous. Elle met les autres au défi de constater la profondeur de cette beauté. Elle est destinée à rehausser notre valeur en tant que personnes, pas à nous limiter.

Certaines de mes amies se sont mises à faire des petits scrapbooks de stars de cinéma habillées pudiquement. D’autres ont commencé des blogs de mode modeste, dans l’esprit « fashion & tsniout ». C’est incroyable de se rendre compte combien il y a d’exemples de femmes célèbres qui s’habillent de cette façon. Ce n’est pas aussi insolite qu’on pourrait le croire ; c’est juste que nous n’avons pas été entraînées à le remarquer.

Les robes roses, les bandeaux, les talons hauts, les cheveux flottants et le maquillage sont des choses qui me font aimer être une fille et une femme. Être coquette en tant qu’adulte et être admirée pour mon élégance féminine ne sont pas des choses auxquelles je voudrais renoncer. Mais je voudrais aussi ne jamais abandonner la possibilité d’être admirée pour ma beauté intérieure et pour la femme que je suis devenue. La pudeur est aussi bien le véhicule de mon expression personnelle que de mon respect de moi-même.