Au 19ème siècle et pendant une bonne partie du 20ème, la guerre était un sport international. Les invasions et l’impérialisme étaient franc-jeu. La victoire revenait au plus fort. En Europe, la paix était maintenue par un délicat équilibre des pouvoirs, et lorsque cet équilibre vacillait, le carnage éclatait. La Première Guerre mondiale fit 15 millions de morts, pour des questions de pouvoir et de territoire. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le bilan était de 78 millions de morts.

Il devint évident que la guerre n’était qu’une option de dernier ressortPourtant, en 1990, lorsque Saddam Hussein envahit le Koweït pour résoudre les problèmes financiers de l’Irak, le monde s’en indigna. Ce genre de démarche était définitivement passé de mode. Quelque chose avait changé dans notre perception morale.

Les Nations Unies ont fourni un nouveau moyen de résoudre les conflits. Établies en 1945, elles ont pour but de constituer un espace de dialogue entre les nations et de minimiser la nécessité du recours à la guerre. Alors que depuis des temps immémoriaux, la guerre avait constitué la manière naturelle de régler les conflits, il était désormais évident que la guerre n’était qu’une option de dernier ressort.

Le Rabbi de Loubavitch évoqua la création des Nations Unies comme annonciatrice de l’ère messianique. Il fit remarquer que, sur le mur faisant face à leur quartier général, sont gravés les mots « Et ils transformeront leurs épées en socs de charrue... », un verset de la prophétie d’Isaïe décrivant l’ère messianique. Le monde a été raffiné, dit le Rabbi, au point où la paix et la bienfaisance envers les nécessiteux sont devenues des nécessités évidentes dans la mentalité de la plupart de gens.

En février 1992, une conférence eut lieu aux Nations Unies qui réunissait les représentants de nombreuses grandes puissances. À l’issue de cette conférence, les chefs d’État résolurent de diminuer leurs dépenses militaires et de réaffecter ces ressources à la production alimentaire. De nouveau, le Rabbi souligna cette manifestation très concrète de la prophétie d’Isaïe, la transformation d’« épées » en « socs de charrue ». Et la prophétie continue de se réaliser. Des satellites conçus pour espionner l’ennemi depuis l’espace sont maintenant utilisés pour détecter les ressources souterraines et ainsi développer l’agriculture dans de nouveaux territoires. Des millions de dollars de budget pour la recherche en matière de défense sont désormais consacrés à adapter les technologies militaires à des usages civils et commerciaux.

C’est tellement évident. Pourtant, cette idée qui apparaît aujourd’hui tellement sensée semblait jadis irrationnelle.


La Torah fait allusion à l’évolution de l’éthique dans le premier verset de la paracha de Michpatim, qui traite de nombreux commandements divins rationnels.

D.ieu dit à Moïse :

« Et ceux-ci sont les préceptes que tu placeras devant eux. »

Le Midrache (cité par Rachi) délivre un enseignement basé sur les deux premiers mots de ce verset, « Et ceux-ci » :

« Partout où il est écrit : “et ceux-ci”, le texte implique un ajout à ce qui précède. De même que ce qui précède [les Dix Commandements] fut proclamé au Sinaï, ceux-là aussi furent proclamés au Sinaï. »

Il a façonné nos esprits de sorte qu’ils puissent comprendre une partie de Sa volonté et pas l’autreLa Torah inclut un « et » apparemment superflu pour souligner que ces préceptes rationnels furent également donnés au Sinaï. En d’autres termes, de peur que l’on s’imagine que ces lois sont un code d’éthique engendré par quelque conscience humaine, D.ieu précise qu’elles sont bien d’origine divine, tout autant que les lois « irrationnelles ». La seule différence est que D.ieu nous a fait la grâce de pouvoir saisir la raison de ces mitsvot, alors que la compréhension d’autres mitsvot nous est refusée.

Nous supposons naturellement que les rites du Judaïsme sont soit rationnels, comme donner la charité ou respecter ses parents, soit irrationnels, comme manger cachère ou s’immerger dans un bain rituel. Mais ici D.ieu remet en question nos idées reçues. « Ceux-ci aussi viennent du Sinaï » : toutes les mitsvot émanent d’une même source, la volonté et la sagesse de D.ieu. Il a façonné nos esprits de sorte qu’ils puissent comprendre une partie de Sa volonté et pas l’autre. Cette dernière, Il nous demande de l’accomplir parce que nous L’aimons, pas parce que nous Le comprenons.

Mais à mesure que nous progressons dans le continuum temporel et que nous approchons de l’ère messianique, nos esprits sont de plus en plus en phase avec la sagesse divine. Sa volonté nous apparaît de plus en plus naturelle. Par exemple, D.ieu nous dit de respecter les frontières, mais depuis toujours, les empires ont annexé des nations plus faibles dans leur désir d’hégémonie. Telle était la règle du jeu politique. Mais aujourd’hui, si un pays tente ce genre d’aventure, l’ONU envoie une armée en mission de maintien de la paix pour tenir en respect l’agresseur.

D.ieu demande d’aider ceux qui sont dans le besoin. Mais au cours de l’histoire, cette notion a toujours semblé absurde. Pourquoi devrions-nous investir nos ressources durement gagnées dans un autre pays où cela ne nous sera d’aucun bénéfice ? Qu’ils s’occupent eux-mêmes de leurs problèmes ! Et pourtant, aujourd’hui, c’est devenu presque instinctif : quelqu’un d’autre souffre, je dois ouvrir mon porte-monnaie. Après le tremblement de terre dévastateur en Haïti en janvier dernier, de nombreuses nations ont envoyé des centaines de sauveteurs et de militaires. Les États-Unis ont envoyé des milliers de soldats et promis 100 millions de dollars d’aide. En tout, c’est plus d’un milliard de dollars qui ont été promis par de nombreux pays. La mission de secours israélienne a couté à son gouvernement 40 millions de shekels. Des entreprises et des personnes privées ont aussi donné des millions aux diverses institutions caritatives impliquées en Haïti.

Aurait-on vu une réaction comparable il y a deux siècles, ou même seulement un siècle ?

Le Rabbi a dit que nous sommes au seuil d’un changement global, et bientôt le monde deviendra un endroit merveilleux. Et nous faisons avancer ce processus en faisant du bien aujourd’hui. C’est tellement évident.1