Il existe, cependant, une autre définition de la Torah qui semble incompatible avec, et même contraire à, la définition de la Torah comme « la sagesse et la volonté de D.ieu ».

Rabbi Josué se leva et dit : « La Torah n’est pas dans les cieux ! »

La Torah déclare elle-même qu’elle « n’est pas dans les cieux »1 En plus d’exprimer le fait que la Torah est accessible à chaque individu,2 ceci signifie également que le processus de compréhension, d’interprétation et d’application des lois et des principes de la Torah est rationnel et logique, totalement et exclusivement confié aux processus rationnels de l’esprit humain. Le Talmud illustre ce principe avec le récit suivant d’un différend entre Rabbi Eliezer et les autres sages sur un point de droit  dans la Torah. L’objet du débat était de savoir si un certain type de four est susceptible de contracter l’impureté rituelle ou non :

Ce jour-là Rabbi Eliezer leur apporta toutes sortes de preuves, mais ils ne les acceptèrent pas. Il leur dit : « Si la loi est comme je le dis, que ce caroubier le prouve ! » C’est alors que le caroubier fut déraciné et déplacé de cent coudées de son lieu d’origine ; d’autres disent : de quatre cents coudées. Ils lui dirent : « On ne peut pas apporter une preuve d’un caroubier. »

Il leur répondit : « Si la loi est comme je le dis, que le canal le prouve ! » Le canal se mit à couler en sens inverse. Ils lui dirent : « On ne peut pas apporter une preuve d’un canal. »

Il leur répondit : « Si la loi est comme je le dis, que les murs de la salle d’étude le prouvent ! » Les murs de la salle s’inclinèrent au point qu’ils allaient tomber. Rabbi Josué les réprimanda en leur disant : « Si des érudits de la Torah luttent l’un contre l’autre dans une affaire de loi de la Torah, qu’avez-vous à intervenir ? » Les murs ne tombèrent pas par respect pour Rabbi Joshua, ni se redressèrent-ils, par respect pour Rabbi Eliezer ; et ils sont encore ainsi inclinés.

De nouveau, il leur dit : « Si la loi est comme je le dis, qu’elle soit prouvée du ciel ! » Une voix céleste fut alors émise qui proclama : « Que voulez-vous de Rabbi Eliezer ? La loi est comme il le dit... »

Rabbi Josué se leva et dit : « La Torah n’est pas dans les cieux ! »

Quelle est la signification de la déclaration que la Torah « n’est pas dans les cieux » ?  R. Yirmiyah déclara : « Nous ne tenons aucun compte des voix célestes, car Toi, D.ieu, a déjà écrit dans la Torah au Sinaï de suivre l’avis de la majorité. »3

Rabbi Nathan rencontra par la suite le prophète Élie et lui demanda : « Qu’a fait D.ieu à ce moment-là ? » [Élie] répondit : « Il a souri et a dit : « Mes enfants ont triomphé de Moi, Mes enfants ont triomphé de Moi. »4

Le Talmud rapporte également :

Ceci était débattu à l’Académie Céleste : Si la tache blanche précède le poil blanc,5 il est impur ; si le poil blanc précède la tache blanche, il est pur ; mais s’il y a un doute (sur lequel est apparu en premier) ?

Le Saint, béni soit-Il, dit : « Il est pur. »

L’Académie Céleste tout entière dit : « Il est impur. »

Ils dirent : « Qui décidera pour nous ? Rabbah bar Na’hmeini ! » Car Rabbah bar Na’hmeini  avait déclaré : « Je suis unique dans ma connaissance des lois de tsaraat. »... Ils envoyèrent un messager [pour l’amener au ciel]... Rabbah dit : « Pur ! Pur ! »6

L’exégèse de la Torah est totalement et exclusivement confiée aux processus rationnels de l’esprit humain

Dans son Michné Torah7 ainsi que dans son introduction à son commentaire sur la Michna, Maïmonide explique quel est le rôle de la prophétie dans la foi juive. Bien que ce soit « un principe fondamental de la religion que D.ieu communique à l’homme par la prophétie », le rôle des prophètes n’est pas d’établir ou d’expliquer les lois de la Torah ou d’instituer de nouvelles lois et ordonnances.8 Ceci fut exclusivement l’apanage du premier et du plus grand des prophètes, Moïse. Après que la Torah et les méthodes de son interprétation aient été communiquées par D.ieu à travers Moïse, l’interprétation et l’application de la Torah sont exclusivement confiées aux sages de la Torah de chaque génération, qui utilisent les outils de la déduction rationnelle pour révéler la sagesse et la volonté divines implicites dans la Torah. Un prophète peut également être un sage de la Torah, mais ses opinions sur les lois de la Torah sont uniquement issues de son propre raisonnement logique. Par conséquent,

Si mille prophètes, tous du niveau d’Élie et d’Élisée, ont un avis sur une question de droit de la Torah, et mille et un sages ont une opinion contraire, nous devons « suivre la majorité » et la loi sera selon l’opinion des sages, pas celle des prophètes... De même, si un prophète témoigne que D.ieu lui a révélé que la loi en ce qui concerne ce commandement est telle, ou que l’opinion d’un certain sage est la bonne... c’est un faux prophète... comme il est écrit : « Elle n’est pas dans les cieux. » D.ieu ne nous a pas permis d’apprendre la Torah des prophètes, mais des sages qui se basent sur ​​des arguments et des opinions logiques.9

C’est l’intelligence humaine intrinsèquement limitée et faillible, plutôt que la révélation divine, qui est le véhicule par lequel la Torah est exposée et appliquée.