Je suis heureux d’apprendre que vous avez une foi aussi forte dans la « Bible hébraïque ». Ma question est : comment savez-vous que celle-ci est vraie ? Vous vous en remettez certainement en cela à ​​la tradition. Sinon, comment savez-vous que les mots que vous lisez sont ceux écrits originellement par Moïse et les prophètes ? Comment savez-vous qu’ils ont bien reçu ces prophéties ? Quel autre moyen y a-t-il pour cela que de s’appuyer sur l’intégrité du peuple juif à travers les âges ?

Et c’est cela qu’est, en réalité, le judaïsme : une foi dans l’intégrité de l’expérience juive telle qu’elle nous a été transmise par les générations précédentes. Il s’avère que tout ce en quoi nous croyons, y compris la foi en la parole de la Torah écrite, repose sur cette foi en le peuple juif. Peut-être est-ce pourquoi nous appelons cela le judaïsme (ou yahadout, ou yiddishkeit) et non « Torahisme » (ou karaïsme), parce que l’objet de notre foi la plus fondamentale est le peuple juif et, à partir de là, elle s’étend à la parole écrite et aux prophètes.

Il y a une histoire dans le Talmud qui va dans ce sens :

Il y a environ deux mille ans, il y avait deux grands sages en Israël : Chammaï et Hillel. Un certain gentil s’est présenté chez Chammaï et lui a demandé : « Combien de Torahs avez-vous ? »

Chammaï répondit : « Deux. La Torah qui est écrite, et l’explication de la Torah que nous savons par la tradition. »

Ce à quoi, le gentil répondit : « À propos de la Torah écrite, je vous crois. À propos de la Torah orale, je ne vous crois pas. Faites de moi un Juif, à condition que vous m’enseignerez la Torah écrite. »

Chammaï réagit avec colère et mépris et chassa l’homme.

Le gentil s’en fut chez Hillel. Et Hillel le convertit. Puis vint le temps de la première leçon.

« Ceci est un alef, lui dit Hillel. Et ceci est un beth. » Hillel enseigna ainsi au nouveau converti l’alphabet hébraïque dont il aurait besoin pour lire la Torah écrite.

Le lendemain, l’homme revint pour sa deuxième leçon. Mais cette fois, Hillel renversa tout ce qu’il lui avait enseigné la veille. « Ceci est un beth, dit-il, désignant un alef. Et ceci, dit-il en montrant un beth, est un alef. »

– Attendez une minute ! S’écria le converti. Hier, vous m’avez dit l’inverse !

– Et vous m’avez fait confiance ? dit Hillel.

– Eh bien...

– Alors, pourquoi ne pas me faire confiance sur la tradition orale également ?

L’argument d’Hillel était que, sans tradition orale, il n’y a pas de Torah écrite. Des symboles écrits sur un parchemin n’ont aucun sens sans contexte. Nous n’avons aucune idée de ce que les mots signifient, ni même s’ils sont véridiques.

La Torah dit de se reposer le septième jour. J’ai rencontré une fois un homme qui m’a dit qu’il avait essayé d’observer le Sabbat tel qu’il est écrit dans la Torah, mais que c’était décidément trop difficile : à quatre heures de l’après-midi, il avait dû se lever de son lit ! Qui dit que son interprétation est moins valable que celle de n’importe qui d’autre ?

La Torah dit : « Ces mots seront des totafot entre tes yeux. » Mais qu’est-ce donc que des totafot ? Où se trouve « entre tes yeux » ? Quand doit-on les porter ? Et de quelle manière ?

La Torah dit : « Tu abattras un animal tel que Je te l’ai prescrit. » Qu’est-ce donc que D.ieu a prescrit à Moïse ? Comment pouvons-nous le savoir ? Il semble n’y avoir aucune indication à ce sujet dans l’ensemble des Cinq Livres de Moïse. À l’évidence, tout le monde savait ce qui avait été dit à Moïse. Ils le pratiquaient tout le temps, et personne n’en avait besoin par écrit.

La Torah dit par trois fois : « Ne cuis pas un petit dans le lait de sa mère. » Parle-t-elle d’un chevreau ou également d’un veau ? Qu’en est-il d’un agneau ? Et l’interdiction est-elle uniquement de faire bouillir de la viande dans du lait ou également de la cuire avec du fromage ? Et si le lait et la viande sont cuits séparément, mais consommés ensemble ? Et pourquoi la Torah répète-t-elle cela trois fois ? Serait-ce une sorte d’expression idiomatique que tout le monde comprenait à cette époque ? Qui peut savoir ce qu’étaient leurs traditions et leurs interprétations alors et dans quel contexte ils ont compris ces paroles ?

Il existe de nombreux autres exemples, tous autour de la même idée : la Torah est donnée dans un certain contexte. Moïse a mis le contenu de la Torah par écrit. Le contexte, cependant, nous le connaissons seulement par tradition.

Que comprend le contexte ? Il comprend la connaissance que l’alef est un alef et que le beth est un beth. Il comprend la signification des mots et de quelle manière ils s’associent pour former des phrases. Il comprend les traditions du peuple juif, dont beaucoup étaient en place bien avant que la Torah soit donnée et pour lesquelles celle-ci constitua tout simplement l’imprimatur officiel de D.ieu. Il comprend des explications sur les commandements et les histoires que Moïse a écrits. Parce que, quand Moïse nous a enseigné la parole de D.ieu, il l’a expliquée et élucidée pour nous. Mais dans la forme écrite, il n’a inclus que les bases.

La tradition orale comprend également les décisions et les exégèses ultérieures faites par ceux qui ont conduit le peuple juif et furent habilités à prendre des décisions en leur nom. Ce sont les soixante-dix anciens dans chaque génération, instaurés à l’origine par Moïse lui-même (voir tout cela dans Nombres 11). C’est à ces sages que Moïse fait référence quand il ordonne au peuple juif que si quelque chose s’avère trop difficile à résoudre, ils doivent le porter à ces sages dirigeants et « ne pas te détourner de tout ce qu’ils te diront, ni à droite, ni à gauche » (lire cela dans Deutéronome 17, 8-12). Autrement, qu’aurions-nous été censés faire le jour où Faraday a découvert comment exploiter l’énergie électrique ? Est-ce du feu ? Sinon, qu’est-ce que c’est ? Ainsi, une assemblée rabbinique a statué que nous allions la traiter comme du feu et ne pas l’allumer ou l’éteindre le Chabbat. Désormais, tout le peuple juif peut observer une seule règle et une seule Torah.

Ces mêmes sages étaient habilités à protéger le peuple juif de tout manquement à la Torah en « érigeant des barrières » autour des interdictions. Si l’on peut s’avancer jusqu’au bord d’une grave transgression, il est peu probable que personne ne tombera. Ce qui devrait apporter une réponse à votre question sur les limites de marche le Chabbat.

Les paroles des sages font-elles aussi partie de la Torah ? Comment prennent-ils leurs décisions ? Comment savons-nous que D.ieu approuve ces décisions ? Comment savons-nous que l’interprétation que nous avons aujourd’hui est correcte ? Il y a ces questions et beaucoup d’autres encore. Mon conseil est : étudiez. Adin Steinsaltz a écrit un très bon livre : Introduction au Talmud, qui couvre un grand nombre de ces questions. C’est un petit livre, agréable à lire.

Mais permettez-moi de résumer le point le plus crucial : Vous pouvez choisir de croire en un livre. Ou vous pouvez choisir de croire en une révélation divine. La révélation divine a été encodée dans un livre de Moïse, mais sa lumière n’a jamais cessé de briller. Dans chaque génération, de plus en plus de celle-ci pénètre dans le monde, par l’intermédiaire de ces sages qui étudient le livre et les traditions qui l’accompagnent et toute l’accumulation de sagesse développée au cours des millénaires. Un jour, nous verrons comment tout ce que nous développons était contenu dans les mots originels écrits par Moïse. Mais pour y accéder complètement maintenant, revendiquez votre appartenance au peuple juif et ayez un peu de foi en nous. Après tout, sans nous, que serait devenu ce petit livre ?

Faites-moi savoir si cela vous a aidé... ou soulevé plus de questions (les questions font aussi partie de la tradition orale)...

Rav Tzvi Freeman