Avant la célébration des fiançailles entre Barou’h et Rivkah, la sœur et la tante de Barou’h se rendirent à Lyozna pour rencontrer la fiancée et, en même temps, pour aider à organiser les fiançailles.

Barou’h s’était confié à elles et leur avait dit que l’une des raisons pour lesquelles il désirait épouser la fille d’Abraham était qu’il était lui-même un grand admirateur de ce dernier. Il l’admirait en particulier parce qu’il gagnait sa vie du labeur de ses mains en exerçant le métier de jardinier. Barou’h lui-même avait travaillé pour Abraham et avait appris de lui l’art du jardinage. Barou’h souhaitait beaucoup avoir un jardin à lui pour gagner sa vie de cette façon quand il serait marié.

La tante de Barou’h mentionna ce fait à Abraham. Ce dernier les conduisit vers la pièce de terre située à quelques kilomètres de Lyozna où il se proposait de faire construire une maison pour Barou’h et sa femme. Le terrain était assez vaste pour qu’on puisse aussi y cultiver des produits maraîchers. La sœur et la tante de Barou’h étaient très contentes, surtout parce que Rivkah avait fait sur elles une impression très favorable.

Quelques semaines plus tard, Abraham et sa fille Rivkah vinrent à Vitebsk où les fiançailles furent célébrées au milieu de grandes réjouissances.

Comme il avait été convenu, Barou’h devait rester encore un an à Vitebsk pour étudier avant de s’installer dans la vie conjugale.

Pendant cette année, Barou’h continua selon sa vieille habitude à travailler quelques heures par jour et à étudier le reste du temps.

Aucun métier n’était trop dur ou humiliant pour lui. Souvent il faisait le débardeur et c’était vraiment très dur.

Ainsi passa l’hiver, puis l’été qui, à son tour, céda la place à l’automne. Vint le mois d’Eloul. Suivant les conseils de son beau-frère Joseph-Isaac, Barou’h étudiait le Moussar (l’éthique) d’après le Chaaré Techouvah de Rabbénou Yonah, et d’autres livres tels que Réchit ‘Hokhma et Hilkhoth Techouvah, aussi bien que les traités talmudiques Roch Hachana et Yoma.

Ces études firent sur Barou’h une impression extraordinaire et lui découvrirent réellement un monde nouveau ! Une nouvelle chaleur et de nouveaux sentiments remplirent son être où, jusque-là, seule la raison avait régné.

Le résultat fut de lui faire sentir que sa vie passée avait été très imparfaite et que ce n’est qu’en suivant les enseignements de ces livres qu’il pouvait espérer vivre aussi parfaitement que le devait un vrai Juif.

Il réalisa que son attitude envers ses semblables avait, jusque-là, été calculée, même lorsqu’elle était généreuse, et qu’un réel sentiment d’affection et de solidarité lui avait manqué.

Il se rappela un récent incident qui s’était déroulé au Beth-Hamidrach de Yanovitch où il étudiait à l’époque.

Tandis qu’il était assis dans un coin, étudiant avec zèle comme toujours, un homme et une femme entrèrent en courant et se précipitèrent vers l’Arche sainte, épanchant leurs cœurs en pleurant et suppliant le Tout-Puissant de les secourir dans leur terrible affliction. Leur seule et unique enfant, leur fille, qui s’apprêtait à se marier était gravement malade et à deux doigts de la mort.

D’autres personnes vinrent se joindre aux parents et prièrent et récitèrent des psaumes avec eux pour la jeune fille malade.

Barou’h les observa avec sympathie naturellement, mais il ne lui serait pas venu à l’idée de prendre part à leur affliction de quelque manière que ce soit. Il était au Beth-Hamidrach dans le seul but d’étudier la Torah, et ce qui se passait autour de lui ne le concernait pas. Il était là pour étudier et donc, il étudiait.

Barou’h apprit plus tard que l’homme et la femme qui s’étaient les premiers précipités dans le Beth-Hamidrach pour prier pour leur fille étaient restés de longues années sans enfant. Enfin ils eurent la joie d’avoir une fille. C’étaient des gens connus, aisés et respectés. Ils donnèrent à leur fille une très bonne éducation ainsi qu’il convenait à une vraie fille d’Israël

Elle grandit, faisant honneur à ses parents, et elle était naturellement comme la prunelle de leurs yeux.

Quand elle fut en âge de se marier, ils étaient très désireux de trouver pour elle un parti convenable et, à leur grande joie, un jeune très honorable, connaissant bien la Torah et d’une très bonne famille, demanda sa main.

Les préparatifs du mariage battaient leur plein quand, au désespoir et au chagrin de tous, la future épousée tomba malade et son état empira de jour en jour.

Comme presque toute la population de Yanovitch et des environs avait été invitée au mariage, la maladie de la fiancée était devenue un sujet d’inquiétude universelle.

Quelques jours plus tard, de son coin habituel du Beth-Hamidrach, Barou’h vit qu’on était en train de couvrir des tables de toutes sortes de boissons et de friandises. Bientôt le couple qui avait prié pour la guérison de la jeune fille entra, au milieu d’une grande foule d’hommes et de femmes.

Barou’h apprit que c’était une « cérémonie d’action de grâces » pour la guérison miraculeuse de la jeune fille. « Tout le monde et sa femme », comme dit le proverbe, semblait s’être rassemblé pour l’occasion. Cependant Barou’h se sentait étranger, tout à fait hors de cela, car il pensait que ces réjouissances ne le concernaient en rien.

En fait, quand le bruit et l’allégresse devinrent trop gênants pour lui, il se retira dans une autre pièce où il continua d’étudier comme si rien ne s’était passé.

Maintenant Barou’h voyait la vie et les gens comme les livres d’Éthique lui avaient appris à les voir. Ses manières changèrent, il devint plus tolérant et prompt à la sympathie et se reprocha son indifférence et sa froideur passées.