Après Pessa’h, Barou’h quitta Dobromysl et se dirigea vers Biechénkovitch où il avait l’intention d’étudier avec le fameux Gaon, Rabbi Abraham-Zéev. En chemin, il devait traverser Vitebsk, et il avait décidé d’y séjourner quelque temps et d’y rendre visite à sa famille. Son oncle et sa tante habitaient en cette ville, ainsi que sa sœur qui, maintenant, était mariée. Son mari se nommait Joseph-Isaac et avait été étudiant à la Yéchivah de Smorgon. Il était devenu l’un des doyens de la Yéchivah de Vitebsk. Le jeune couple et leur jeune enfant habitaient dans les faubourgs de la ville.
Barou’h rendit d’abord visite à son oncle et sa tante. Ils furent ravis de le voir. Ils pensaient qu’il était revenu pour rester avec eux et lui promirent qu’il ne manquerait de rien. Ils étaient prêts à lui pardonner de les avoir quittés et de ne pas avoir communiqué avec eux pendant toutes ses années d’absence. Ils n’avaient jamais compris ce qu’ils lui avaient fait pour le faire fuir loin de chez eux et de leur protection affectueuse.
Barou’h ne voulait pas entreprendre une longue explication ; il n’aimait pas parler longtemps à la fois. Il essaya seulement de leur expliquer qu’il désirait se suffire par le travail de ses mains et être indépendant.
Barou’h voulait rencontrer son beau-frère à la Yéchivah, où il voulait également faire la connaissance des étudiants. Aussi se dirigea-t-il vers la Yéchivah. Il était curieux aussi de voir quel genre de Yéchivah était celle de Vitebsk. Barou’h arriva tandis que son beau-frère était en train de donner un « chiour » (cours). Il l’observa tandis qu’il instruisait sa classe et fut favorablement impressionné par lui. Il était de taille moyenne, de bonne apparence, avec des yeux sombres et intelligents. Son visage exprimait la force de caractère et la détermination. Il était debout, près de son pupitre, développant sa leçon d’une voix claire et vibrante.
Le sujet était difficile, mais Joseph-Isaac l’analysait point par point et l’expliquait d’une manière simple et claire à ses élèves. Barou’h fut grandement satisfait et quand les élèves se furent dispersés, il parcourut le chapitre expliqué en classe et vit que son beau-frère avait en fait exprimé toutes ses possibilités et avait simplement et habilement communiqué l’enseignement qui s’y trouvait, à ses élèves.
Plus tard, Barou’h écouta aussi la leçon donnée par le Recteur de la Yéchivah, le Gaon Rabbi Paltiel, et fut captivé. Jamais auparavant, il n’avait entendu une explication si profonde et si complète.
Barou’h avait une autre mission à accomplir à Vitebsk. Il voulait se rendre sur la tombe de ses parents. Il désirait aussi refaire les mêmes promenades qu’autrefois, hors de la ville, sur les bords de la rivière Dvina où, lorsqu’il était enfant, il allait avec son père.
Quand Barou’h eut rempli sa mission, il alla voir sa sœur. Son beau-frère rentra peu après, et ils firent vraiment connaissance car il l’avait vu seulement dans la Yéchivah mais ne lui avait pas adressé la parole ne voulant pas interrompre la leçon. Néanmoins, Joseph-Isaac se le rappela.
Ils se saluèrent tous très cordialement et très chaleureusement. Barou’h parla pendant un temps relativement court avec sa sœur puis il entreprit une longue discussion sur des sujets de la Torah avec son beau-frère.
C’était la veille du Chabbat et sa sœur le pria de rester, « Tu ne peux me refuser cela après une aussi longue absence », pria-t-elle. Son beau-frère se joignit à son invitation, mais Barou’h s’excusa, disant que sa tante et son oncle s’attendraient sûrement à ce qu’il demeure chez eux, car après tout ne l’avaient-ils pas recueilli ?
Ainsi Barou’h réussit à quitter sa sœur. En arrivant chez son oncle et sa tante, il constata qu’ils avaient préparé une chambre pour lui et que, naturellement ils souhaitaient qu’il reste avec eux pour le Chabbat. Là Barou’h trouva un prétexte différent. Comment pourrait-il rester chez eux, quand sa sœur désirait tellement l’avoir chez elle ?
En réalité Barou’h avait déjà fait ses plans. Il n’avait pas l’intention de laisser ses parents de Vitebsk changer son modus vivendi. Il continuerait à se suffire du travail de ses mains. Il ne ferait aucune exception, même pas pour un seul Chabbat, même pour la table de sa sœur ou de ses oncle et tante.
Barou’h trouva un endroit pour dormir au Beth-Hamidrache, s’acheta des ‘hallot pour le Chabbat, et quelque chose d’autre à manger, selon son habitude, et il était content. Cependant, il avait décidé qu’il n’irait pas immédiatement à Biechénkovitch, mais resterait pour étudier à la Yéchivah de Vitebsk où enseignait son beau-frère.
Personne ne pouvait maintenant avoir assez d’influence sur lui, pour lui faire changer ses façons de vivre, car il était fermement convaincu d’être dans la bonne voie. Il exposa son point de vue à sa sœur et son beau-frère et à ses oncle et tante lorsqu’ils insistèrent pour connaître la vérité sur ses divers prétextes. Il en profita aussi pour leur donner la raison de son silence pendant sa longue absence : il avait craint que, s’il s’était mis en rapport avec eux, ils ne cherchent à le détourner du chemin qu’il s’était choisi. Maintenant, cependant, il était adulte et aimerait que ses parents sachent que, quelque bien intentionnés qu’ils fussent en cherchant à l’aider dans son existence difficile et parfois douloureuse, ils perdraient leur temps et leurs efforts. Il était déterminé à continuer sa vie solitaire, heureux dans la conviction qu’il se tenait tout seul sur ses pieds et qu’il servait le Tout-Puissant vraiment comme « celui qui a les mains nettes et le cœur pur ».
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