Par la grâce de D.ieu
4 Eloul 5734
[22 août 1974]
Brooklyn, N.Y.
Salut et bénédiction !
J’ai reçu votre lettre du 14 août dernier. Inutile de dire que je suis extrêmement désolé de ce que ma lettre précédente vous ait causé quelque angoisse ; bien entendu, telle n’était pas mon intention. Je m’empresse donc de répondre à votre lettre pour m’expliquer et pour dissiper votre angoisse.
En guise de préambule, vous ne devez pas penser que je tiens rigueur si les suggestions que je fais, par écrit ou de vive voix, ne sont pas suivies. Il est donc sûr que dans votre cas je ne pensais pas que le fait de repousser mes suggestions vous causerait une telle appréhension. Lorsqu’on me demande un conseil ou un avis, c’est seulement que je le propose, en faisant de mon mieux, dans l’intérêt de la personne qui m’interroge. Et dans le cas de votre mari et de vous-même, c’est aussi dans l’intérêt de votre entourage.
À présent, en ce qui concerne votre lettre et ma lettre précédente à laquelle celle-ci se réfère : je suis sûr que ______ peut réaliser de grandes choses dans son domaine et qu’il peut les accomplir d’une façon qui sera aussi bénéfique pour le Judaïsme, et ce sera une source de bénédictions pour vous et pour de nombreuses autres personnes, comme je l’ai dit plus haut. Plus les activités sont en harmonie avec les lois divines – et l’observance du Chabbat est l’une des plus importantes : c’est non seulement une Mitsva essentielle de la Torah, mais c’est aussi l’un des Dix Commandements – plus les canaux, par lesquels passent les bénédictions divines sont larges. Dans le cas qui nous occupe, il y a un bénéfice supplémentaire, dans le fait que, généralement, lorsqu’on nous propose de participer à une émission ou à une soirée – et selon la nature des choses, une telle offre peut avoir en même temps des aspects positifs et négatifs – la question de l’observance du Chabbat et du Yom Tov peut servir de test pour évaluer son intérêt. En effet, si l’on doit refuser à cause du Chabbat, par exemple, c’est la preuve que ce n’est pas positif même dans d’autres domaines, y compris dans le domaine matériel.
Tout ce qui précède peut être considéré comme des considérations mystiques sur des questions matérielles. Mais en réfléchissant un peu plus profondément, on peut constater que l’approche mystique est aussi une approche concrète. De plus, nous avons vu récemment que des personnes célèbres avaient insisté sur l’observance du Chabbat et que leurs convictions religieuses avaient été respectées. Pour en citer quelques-unes : l’américain Samuel Reshevsky, grand-maître en échecs. Pendant un tournoi à Moscou, il refusa de jouer le Chabbat et l’épreuve fut repoussée pour après Chabbat. Et, bien que la religion ne soit pas une « affaire » dans ce pays, cela contribua à augmenter son prestige. Ce fut aussi bénéfique d’un point de vue pratique, car il eut la possibilité de se reposer un jour de plus entre deux parties, qui, inutile de le dire, sont plutôt fatigantes. Le champion du monde d’échecs, B. Fischer, qui est Juif, bien qu’il se considère comme un adepte des adventistes du Septième Jour, à refusé de jouer le Chabbat et, même s’il a dû déclarer forfait sur cette partie, cela ne l’a pas empêché d’être champion du monde.
Un autre exemple, dans le monde des affaires : un de mes amis personnels a participé à une foire internationale à Moscou, il y a quatre ou cinq ans. Il a prévenu les autorités qu’il ne pouvait pas travailler le Chabbat, et on a organisé pour lui une session spéciale le dimanche. Cela s’est finalement avéré très satisfaisant pour lui, même sur le plan de ses affaires, bien que ce fût tout à fait involontaire et inattendu.
Vous écrivez que vous hésitez à montrer ma lettre à ______, ne sachant pas s’il va suivre mes conseils, etc. Mais je ne vois pas ce que vous appréhendez, puisque, comme je vous l’ai expliqué plus haut, cela n’est lié à aucune rigueur de ma part. C’est un simple conseil qui, je le crois sincèrement, lui apportera aussi des satisfactions matérielles, outre les bienfaits spirituels. Mais s’il n’est pas prêt à l’accepter, je suis sûr que nous resterons néanmoins bons amis comme auparavant.
Puis-je ajouter que je fais davantage confiance en ______ que vous ne le faites vous-même, parce que je crois fermement qu’il est capable de renoncer au profit matériel et à la satisfaction personnelle qu’il aurait eus en participant à cette émission s’il est convaincu qu’il y a une bonne raison qui le justifie. De toute façon, ma suggestion est basée sur l’hypothèse que ce désir viendrait, comme vous l’avez exprimé pour vous et aussi pour votre mari, « de l’intérieur, sur une base volontaire », car je suis sûr que votre mari l’a déjà en son « intérieur », et a seulement besoin de le révéler en le concrétisant.
Quoi qu’il en soit, j’espère que cette lettre ne vous causera pas une « semaine difficile », à D.ieu ne plaise, et j’espère avoir de vos bonnes nouvelles. En particulier sachant que nous venons d’entrer dans le mois d’Eloul, qui est un mois favorable pour les Juifs dans tout ce qu’ils entreprennent.
C’est ainsi que, conformément à la pratique juive séculaire de se souhaiter une bonne année depuis le début de mois d’Eloul, je vous adresse à vous, à ______ et à tous les vôtres mes vœux de Ketiva Va’Hatima Tova pour une bonne et douce année.
Avec ma bénédiction,
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