David et Rachel ont juste fini de dîner et discutent des événements de la journée. Il se fait tard et Rachel dit qu’elle est épuisée et qu’elle va se coucher. Elle se lève, débarrasse son assiette et la rince. Elle vide le lave-vaisselle, y place son assiette et prépare les goûters pour les enfants à l’école le lendemain. Puis elle signe les formulaires d’autorisation pour leurs voyages scolaires, met leurs devoirs dans leurs cartables respectifs et ramasse les jouets qui jonchent le sol. En montant les escaliers, elle ramasse une paire de chaussures, sort les vêtements des enfants pour l’école, met le linge lavé dans le sèche-linge et lance une autre lessive. Après avoir bordé les enfants, s’être démaquillée et lavé le visage, elle se met au lit et s’endort.

Pendant ce temps, David vient de terminer de lire le journal. Il s’étire et se rend compte qu’il est lui aussi épuisé. Il se dit qu’il se fait tard et qu’il devrait aussi aller dormir. Et c’est ce qu’il fait...

Tou BeAv est connu pour être le moment le plus propice pour la rencontre des âmes sœurs

Je sais, je sais, c’est une terrible généralisation. Mais admettez qu’elle se vérifie très souvent. D’ailleurs, si ce n’était pas le cas, ce ne serait pas une généralisation. Et, de manière générale, ce sont bien les femmes qui sont considérées comme multitâches et les hommes qui sont experts à faire une chose à la fois, de façon très ciblée et concentrée. Pourtant, nous pourrions sans problème interchanger David et Rachel, car cela ne change rien en définitive. Ce qui importe, c’est qu’il existe deux manières distinctes de faire les choses, et qu’elles fonctionnent ensemble ou, dans de nombreux cas, se chevauchent.

La Kabbale désigne ces deux dynamiques comme étant le cercle et la ligne. Deux des formes géométriques les plus élémentaires, mais représentatives de deux idées très profondes et très complexes : le féminin et le masculin.

Dans sa version de la théorie du genre, la Torah met le plus souvent l’accent sur les qualités masculines et féminines plutôt que sur le fait d’être homme ou d’être femme. Ceci parce que les hommes et les femmes ont tous deux à la fois des qualités masculines et des qualités féminines.

Certes, les hommes sont généralement plus forts dans leurs qualités masculines et les femmes dans leurs qualités féminines. Mais il y a bien sûr des exceptions, c’est pourquoi David et Rachel peuvent facilement échanger leurs rôles. Cependant, comme nous l’avons dit, ce qui est important, c’est qu’il y ait toujours un cercle et une ligne.

Cette semaine, nous célébrons la fête de Tou BeAv, le quinzième jour du mois de Av, connue pour être le moment le plus propice pour la rencontre des âmes sœurs. C’est le jour où le judaïsme célèbre les concepts d’amour et de mariage. Aux temps talmudiques, les femmes juives avaient l’habitude de danser ensemble, en cercle, dans les champs et les hommes venaient à leur rencontre.

Mais c’est là seulement le premier parmi de nombreux cercles que nous rencontrons s’agissant de relations dans le judaïsme. Le plus fondamental et important remonte à la Torah elle-même quand elle traite de la construction du Tabernacle : « makbilot haloulaot, icha el a’hota » (Exode 26,5). La Torah nous enseigne qu’il y avait cinquante boucles parallèles qui soutenaient les rideaux et utilise l’expression « une femme vis-à-vis de sa sœur » pour exprimer le fait que ces boucles étaient parallèles l’une à l’autre. Ces cinquante boucles représentent le concept de la femme, c’est pourquoi le terme « une femme vis-à-vis de sa sœur » est utilisé pour les décrire. En outre, ces boucles maintenaient en place les rideaux sur les agrafes. Ces agrafes, une ligne symbolique, représentent le concept de l’homme.

Un équilibre sain est de fonctionner en utilisant à la fois la ligne et le cercle

Cercle et ligne. Féminin et masculin. Ces formes peuvent être comprises simplement sur le plan physique, dans les différences entre le corps des hommes et celui des femmes. Elles peuvent aussi être comprises émotionnellement, en remarquant la façon dont une personne parvient à une conclusion, à un objectif final. Et elles peuvent être comprises spirituellement.

Si vous voulez aller d’un point A à un point B, il y a deux façons de le faire. L’une est d’aller tout droit, en prenant une route directe vers le but à atteindre. L’autre est de décrire un large cercle. Dans les deux cas, vous arriverez à destination. Chaque itinéraire a un avantage et un inconvénient.

En décrivant un cercle, vous vous retrouvez avec de nombreux points communs, tous à égale distance du centre du cercle, mais tous connectés et connexes.

Dans le même temps, il vous faudra probablement beaucoup plus de temps pour atteindre votre destination. Lorsque vous prenez la ligne droite et avancez, vous restez concentré et dirigé et vous arrivez là où vous voulez plus rapidement, mais vous ne voyez pas nécessairement toutes les autres connexions que vous auriez pu glaner si vous vous étiez écarté un tant soit peu du chemin.

De toute évidence, un équilibre sain est de fonctionner en utilisant aussi bien la ligne que le cercle, chacun au moment le plus approprié. Par exemple, si, pendant que vous tenez le bébé, le téléphone sonne, la marmite déborde et l’on sonne à la porte, vous avez intérêt à apprendre au plus vite la dynamique du cercle ! Le mode multitâche est alors une obligation, pas une option. En même temps, il est certain que lorsque l’on doit se faire opérer, on ne veut surtout pas que le chirurgien fasse du multitâche pendant qu’il opère. Qu’il soit un homme ou une femme, ce médecin devra rester pleinement et exclusivement concentré et aligné sur sa tâche.

Atteindre cet équilibre est un défi, et constitue un objectif et une finalité du mariage. Bien que nous apprenions ces concepts dans la Torah, nous trouvons des allusions au cercle et à la ligne dans la plupart des traditions de la cérémonie du mariage juif.

Les mariés se rejoignent, chacun utilisant la force de l’autre

Lors d’une cérémonie de mariage ashkénaze traditionnelle, le cercle et la ligne occupent une place importante. (Ce n’est pas le cas dans de nombreuses traditions séfarades, où les coutumes sont différentes.) Certes, ce n’est pas un aspect de la loi juive, mais en étudiant l’importance des concepts du cercle et de la ligne dans le judaïsme, nous pouvons comprendre de quelle manière ils sont exprimés dans la cérémonie du mariage et apprendre les leçons qui en découlent.

Les allusions commencent dès le début de la cérémonie, lorsque le ‘hatane, le marié, marche jusque sous la ‘houppa. Là, il s’arrête et attend sa fiancée. En se tenant debout immobile, il est la ligne. Il commence par sa force principale. Ensuite, la kalah, la mariée, est conduite à la ‘houppa, et la première chose qu’elle fait est de décrire sept cercles autour de son fiancé. Chaque tour qu’elle fait autour de lui fait descendre un niveau plus élevé de spiritualité. Tout comme son époux est une ligne, elle commence en étant un cercle, chacun dans sa force primordiale.

Quand elle finit de tourner, elle se tient à ses côtés. Bien que les deux aient commencé avec ce qui les distingue, ils sont à présente identiques, deux lignes côte à côte. Ils reconnaissent que, bien qu’elle ne soit pas naturellement une ligne, pour que leur mariage réussisse, ils devront tous deux travailler activement non seulement en utilisant leurs points forts, mais aussi en renforçant leurs points faibles.

Le ‘hatane donne ensuite à la kalah un anneau. L’anneau est parfait : un cercle sans tache et sans marque. Il tient cet anneau, ce cercle, et le lui donne. La mariée accepte l’anneau en tendant l’index. Ils ont échangé leurs rôles : dans cet acte cérémoniel, le marié prend le rôle du cercle et l’épouse celui de la ligne. Il place la bague à son doigt et ils s’unissent, chacun utilisant la force de l’autre.

Nous devenons ce rouleau de parchemin dans lequel nous ne sommes pas limités à un début, un milieu ou une fin

Cette étape est suivie par le don de la ketoubah, le contrat de mariage, à la mariée. Traditionnellement, la ketoubah lui est remise en étant roulée, évoquant par cette forme le rouleau de parchemin de la Torah. Ce qui est unique avec un rouleau, c’est qu’il n’y a ni commencement ni fin, mais la fin est ancrée dans le début et le début dans la fin (Sefer Yetsira). De par sa forme cylindrique, un rouleau est à la fois un cercle et une ligne. Lorsque le rouleau est debout, nous voyons une ligne, mais en le regardant depuis son sommet ou sa base, nous voyons le cercle qui est en lui. Ce rouleau, la ketoubah remise à la mariée, c’est l’idée que le cercle et la ligne doivent non seulement coopérer, mais aussi simultanément complètement fusionner et coexister, à la fois comme deux parties indépendantes et comme un tout unifié.

Après la ‘houppa, la célébration du mariage commence. Les hommes forment un cercle d’un côté et dansent, et les femmes forment un cercle de l’autre côté. Sous le dais nuptial, les mariés se tenaient comme deux lignes, mais lorsqu’ils célèbrent leur mariage, ils le font comme deux cercles.

En ce Tou BeAv, puissions-nous nous rappeler le pouvoir du cercle et celui de la ligne, et trouver notre capacité à nous unir pour ne faire qu’un au sein de nos vies personnelles, en tant que nation juive, et dans notre relation avec notre Créateur.

Et puissions-nous reconnaître que lorsque nous utilisons à la fois nos forces et nos faiblesses, et que nous œuvrons ensemble, nous devenons ce rouleau de parchemin dans lequel nous ne sommes pas limités à un début, à un milieu ou à une fin, mais méritons que notre mariage soit un binyane adei ad, un édifice éternel.